La reprise des compétitions a mis en lumière un phénomène économique assez nouveau dans le monde du ballon rond, la multipropriété… Comprendre, la possibilité pour un actionnaire ou une holding de posséder plusieurs clubs…
Sachant que l’industrie du foot repose en partie sur les transferts de joueurs d’un club à l’autre, quoi de plus naturel que de sécuriser ces transferts au sein d’une même galaxie de clubs ? Cela évite de vendre trop tôt ou d’acheter trop tard, tout en favorisant une évolution positive de ces « actifs », les joueurs, pour en optimiser les rendements sur le marché des transferts.
Le propriétaire d’un grand club (les Émirats arabes unis pour Manchester City) achète des parts dans des clubs ou des pays plus modestes (dans notre exemple, Troyes, mais aussi Yokohama, Montevideo, Girone, etc.) pour que les petits forment des joueurs pour le club le plus important, réduisant ainsi les coûts à tous les étages (économie d’échelle sur la formation et réduction des montants des transferts). En France, ce sont dix-sept clubs dans les deux divisions professionnelles qui sont victimes consentantes de ce système… De là à imaginer que de futures combines entre clubs « opposés » dans une compétition puissent naître ? Voilà pourquoi la mesure initiale d’interdire à des clubs appartenant au même groupe de concourir ensemble paraissait du plus élémentaire bon sens… mais pas pour Ceferin, puissant président de l’UEFA, qui vient « d’assouplir » cette disposition, en repoussant de trois mois le délai administratif pour permettre aux clubs de monter une nouvelle et temporaire holding avant de s’engager dans la même compétition…
L’autre caractéristique de cette nouvelle gouvernance, ce sont les flux financiers entre les différentes entités (États, fonds d’investissement, agents de joueurs, petits et grands clubs). Une opacité toute capitaliste qui permet depuis bien longtemps d’arranger les comptes pour déclarer déficitaire un site et le fermer, dans bien des secteurs de l’économie… C’est un imbroglio de cet ordre qui a failli coûter sa place dans l’élite à l’Olympique lyonnais.
Certains supporters s’élèvent contre la multipropriété (Strasbourg, Red Star) qui met en péril « l’identité » de leurs clubs (et LFI leur emboîte le pas avec une proposition de loi bien timide déposée fin septembre)… On comprend bien la nostalgie d’une époque où pouvaient exister des clubs de premier plan forgés dans des villes ou des quartiers ouvriers. Mais, s’en remettre à une quelconque « identité » n’est certainement pas la bonne façon de combattre les dérives d’un capitalisme pourrissant !
14 octobre 2025, Philippe Caveglia