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France-Algérie : à démagogie, démagogie et demie

Un romancier franco-algérien aux idées d’extrême droite jeté en prison en Algérie sous un prétexte bidon. En réplique, un supposé « influenceur » algérien expulsé de France, que l’Algérie met dans l’avion retour et qui échoue ici en centre de rétention. Cette nauséabonde partie de ping-pong frise le ridicule. Encore plus ridicules, les ministres Retailleau et Darmanin pleurent que « l’Algérie cherche à humilier la France ». Et tous deux d’imaginer, en riposte, de supprimer les dispenses de visas pour les officiels algériens ayant un passeport diplomatique. La France mise en péril par l’Algérie ? Éric Zemmour ou feu papa Le Pen n’auraient pas dit mieux. C’est au public de cette extrême droite que les ministres de François Bayrou font des sourires par cette surenchère.

Derrière la mousse, quelles sont les raisons de l’actuelle tension diplomatique entre Alger et Paris ?

Au point de départ il y a le soutien apporté par Macron en juillet dernier (après Trump en 2020, puis l’Espagne) à la revendication marocaine d’annexion du Sahara occidental (ancienne colonie espagnole), alors que l’Algérie soutient le Front Polisario, mouvement indépendantiste qui en contrôle la partie orientale. Ce choix est en premier lieu affaire de gros sous : les intérêts des compagnies et hommes d’affaires français sont plus importants aujourd’hui au Maroc qu’en Algérie. Principales richesses de l’Algérie, son pétrole et son gaz représentent moins de 10 % des importations en hydrocarbures de la France et, dans les contrats de prospection ou d’exploitation, Total est largement doublée par les compagnies américaines ou l’italienne ENI. Par contre, c’est au Maroc que Renault et PSA (aujourd’hui Stellantis) ont implanté deux grandes usines. Enfin, avec la déconfiture de la France au Mali, au Burkina Faso ou au Niger, le régime marocain peut paraître aux yeux de Macron un allié plus fiable que l’Algérie.

Et qui risque d’en être victime ?

Ce ne sont pas les gouvernants, diplomates ou affairistes qui risquent de subir les mesures de rétorsion brandies contre l’Algérie. Le ministre des Affaires étrangères, Barrot, s’est empressé de nuancer les paroles de ses collègues, alors que le directeur de la DGSE se précipitait à Alger voir comment régler cette brouille. Mais Bruno Retailleau et l’ex-Premier ministre Gabriel Attal en ont rajouté en partant en guerre contre l’accord franco-algérien de 1968, supposé favoriser l’immigration algérienne. Là encore, c’est plus de la démagogie que la réalité : les quelques avantages maintenus en 1968 par rapport aux autres travailleurs immigrés ont déjà été totalement annulés par des modifications successives. En réalité, la volonté est de réduire encore les droits de tous travailleurs immigrés ou la possibilité de faire venir leur famille, histoire de les mettre encore davantage à la merci des patrons.

Olivier Belin