
Si tu veux être encensé comme homme de la paix, finance la guerre, telle semble être la formule magique de Donald Trump. Son nom a été acclamé sur la « place des otages » de Tel Aviv pendant que celui de Netanyahou se faisait huer par la foule. Ce qui n’a pas empêché le président américain, accouru en Israël lundi 13 octobre, le jour du retour des derniers otages israéliens, de vanter le génocidaire Netanyahou à la tribune de la Knesset comme « l’un des plus grands présidents en temps de guerre […] Je vois que vous êtes populaire [c’est] parce que vous savez gagner ». Gagner une guerre, faire plus de 67 000 morts et de 150 000 blessés, une bande de Gaza dont 90 % des habitations sont détruites, voilà ce qui serait aux yeux de Trump la voie de la paix. Paix des ruines et des cimetières, saluée par Macron et tous les autres chefs d’État occidentaux.
Une « paix » pour mieux poursuivre la colonisation ?
La population de Gaza, elle, sans cesse déplacée au gré des bombardements, n’a plus d’endroit où vivre ni revenir, sauf les tentes de camps de réfugiés. Dans cette prison en ruines qu’est aujourd’hui Gaza l’armée israélienne continuera à occuper pendant un temps une moitié du territoire, puis de façon permanente toute une zone le long de la frontière. Si tant est que le calendrier de retrait progressif, dont les délais ne sont pas fixés, laissés au libre caprice de Netanyahou, soit respecté. Rien ne dit qu’il le soit. Rien ne dit même que la guerre soit finie, qu’Israël ne va pas, une fois de plus, rompre la trêve, maintenant que les otages sont libérés contre une petite partie des « prisonniers » palestiniens – des dizaines de milliers sont encore enfermés dont de très jeunes adolescents détenus sans procès et torturés mais, eux, ne sont pas qualifiés « d’otages » !
Ces deux ans de guerre n’ont été qu’une étape de plus dans la politique expansionniste et colonialiste du gouvernement israélien, menée à coup de guerres successives (1948, 1967, 1973, 1980 au Liban) depuis la création d’Israël. Elle a été, de plus, l’occasion pour Israël d’accélérer les opérations de colonisation menées en Cisjordanie, armée régulière et milices de colons expulsant les Palestiniens pour créer de nouvelles implantations israéliennes. La Cisjordanie, cet autre territoire officiellement accordé aux Palestiniens lors des accords d’Oslo de 1993, accords fort limités et qui n’ont jamais été respectés, est aujourd’hui totalement minée par la présence militaire israélienne. Pas un mot dans le simulacre de plan de paix sur ces colonies sauvages.
Tout le monde veut « gouverner » les Palestiniens, personne ne leur demande leur avis !
C’est à Charm el Cheikh en Égypte que se jouait ce même lundi 13 octobre, le deuxième show dudit « plan de paix ». Devant un aréopage d’une vingtaine de chefs d’État, dont le maréchal Sissi, le roi de Jordanie, le président turc Erdoğan, Emmanuel Macron, Trump qualifiait ce sommet de « jour formidable pour le Moyen-Orient ». Mahmoud Abbas, le président de l’autorité palestinienne n’était là qu’en figurant. Ni l’autorité palestinienne (il est vrai déconsidérée en Palestine pour son rôle de collaboration avec Israël) ni encore moins les Palestiniens eux-mêmes n’auront eu leur mot à dire sur la gestion de Gaza pour l’après-guerre.
Du côté des chefs d’États des pays voisins, le roi de Jordanie et le maréchal Sissi en Égypte où s’est déroulée la phase finale des négociations avec le Hamas, le soulagement est surtout celui d’avoir évité que Netanyahou, « finissant le travail » comme il disait avec cynisme, n’éjecte vers leurs pays les Palestiniens de Gaza, deux millions de pauvres de plus qui risqueraient de déstabiliser leur dictature. Mais même si cette guerre s’arrêtait enfin là, les conditions de vie dans la bande de Gaza seront telles qu’une partie des Gazaouis n’auront d’autre choix que de s’exiler, de rejoindre les Palestiniens réfugiés depuis les guerres d’Israël précédentes : 2,5 millions en Jordanie, 500 000 au Liban, 120 000 en Syrie et 100 000 qui ont réussi à se réfugier en Égypte depuis le début de cette guerre à Gaza.
Du côté des grandes puissances, États-Unis en tête, le problème est seulement comment gérer l’enclave de Gaza, cette prison à ciel ouvert pour deux millions de Palestiniens. Le plan Trump prévoit une autorité internationale que Trump lui-même présiderait et dont l’ancien Premier ministre travailliste britannique, Tony Blair, devenu riche homme d’affaires pourrait être le geôlier en chef, et accessoirement gérer les dividendes du marché des quelques reconstructions. Pour assurer la surveillance de la population de ce ghetto, Macron a déjà offert le concours des militaires français à la mise en place et l’entrainement d’une police internationale – le « maintien de l’ordre », une spécialité bien de chez nous !
De liberté du peuple palestinien, personne n’en parle. Bien au contraire, prison à Gaza, colonisation accélérée en Cisjordanie. Ce combat est toujours devant nous. Le rapport de force n’est pas que militaire. Il est politique. Face aux impérialistes dominants, avides de garder le contrôle des richesses notamment pétrolières du Moyen-Orient en s’appuyant sur des dictatures brutales, dont celle d’Israël capable de ces deux ans de génocide, une vague de solidarité internationale a déferlé, de tous les peuples de la région qui ne connaissent eux-mêmes que misère et régimes dictatoriaux, mais plus largement d’une partie de la jeunesse et des travailleurs du monde. Les manifestations n’ont pas cessé, par dizaines ou centaines de milliers de participants, manifestations massives notamment en Angleterre, à Barcelone en Espagne et en Italie, avec notamment, là et ailleurs dans le monde, des grèves contre le massacre à Gaza et l’interception de la flottille par la marine israélienne. Exploités et opprimés de la planète se sont rapprochés à cette occasion. Un gage pour l’avenir. Pas question pour ces millions (dont nous sommes) qui ont manifesté de fait ensemble, depuis deux ans, de lâcher la solidarité avec le peuple palestinien.
Olivier Belin