La cérémonie organisée par Macron le 7 février, en hommage aux 42 ressortissants français morts en Israël lors du raid du Hamas, a soulevé une polémique pour savoir si des députés de la France insoumise pouvaient ou non y assister. Qu’est-ce qui les démangeait tant de vouloir en être ? Car, sous prétexte de soulager, au nom de la France entière, la peine des familles des victimes, cet « hommage national » vise surtout à réitérer le soutien inconditionnel de la France à la guerre menée par l’État d’Israël.
Ce soutien souligne toute l’hypocrisie du ministre français des Affaires étrangères, qui va prêcher la modération en Israël, demandant qu’il n’y ait « aucun cas de déplacement forcé de Palestiniens, ni en dehors de Gaza, ni en dehors de la Cisjordanie ». C’est la seule chose qu’il craint, tout comme la craint le secrétaire d’État américain Blinken, de retour pour la cinquième fois au Moyen-Orient : que le massacre des Palestiniens par Israël déstabilise la région, entre autres par des exodes massifs vers l’Égypte voisine, qui n’en veut pas, ou vers d’autres pays proches.
Déjà plus de 27 500 morts à Gaza. Plus de la moitié de la population de la bande, soit 1,3 million de Gazaouis, ont fui le nord en ruine pour se réfugier dans la ville de Rafah, à la frontière égyptienne, où les bombardements massifs ont commencé. À cette frontière, l’extrême droite israélienne organise des blocages de l’acheminement d’aide humanitaire dans le but d’affamer Gaza. Le gouvernement israélien, lui, accuse l’UNRWA (l’organisation de l’ONU de secours aux réfugiés palestiniens) d’héberger des partisans du Hamas, et aurait même bombardé un de ses convois le 5 février.
La guerre a ses répercussions dans les pays voisins : indignation des populations, solidaires du peuple palestinien malgré les liens que leurs propres gouvernements ont noués, sous la houlette des États-Unis et de leurs « accords d’Abraham » avec Israël. Et, de peur qu’elle ne dérape, ce sont les États-Unis eux-mêmes qui l’étendent en bombardant au Yémen pour protéger le trafic commercial en mer Rouge ; en Syrie et en Irak contre les milices islamistes susceptibles de soutenir le Hamas.
En prônant une trêve momentanée, le temps au moins de libérer quelques otages, le chef de la diplomatie américaine, suivi de son homologue français, est à la recherche d’une solution à sa sauce pour l’après-guerre : qu’Israël garde ses Palestiniens dans ses frontières, et qu’on trouve le moyen, pour gérer les ghettos de Gaza et de Cisjordanie, de restaurer l’Autorité palestinienne, celle de l’OLP de Mahmoud Abbas déjà déconsidérée aux yeux des Palestiniens pour sa corruption et sa collaboration avec Israël. Car c’est bien de gestion de ghettos qu’il s’agit, de ghettos qu’Israël s’apprête à renforcer : son armée, à Gaza, est en train de raser une bande d’un kilomètre de large le long de la frontière avec Israël pour en faire un no man’s land et transformer Gaza en un camp de concentration renforcé, pendant qu’en Cisjordanie se poursuivent les nouvelles implantations de colonies.
C’est non seulement contre la guerre menée par Netanyahou mais aussi contre la politique de soutien à Israël des États-Unis et tout particulièrement de la France, contre notre propre gouvernement, que nous devons continuer à manifester. Non pas pour une « trêve », mais pour l’arrêt de la guerre, le retrait immédiat des troupes israéliennes de la bande de Gaza, l’arrêt des colonisations en Cisjordanie. La lutte du peuple palestinien pour sa liberté et son droit de vivre, que nous devons soutenir, ne s’arrêtera pas là. Elle nécessite bien d’autres combats qui dépassent les frontières d’Israël, hors desquelles vivent déjà des millions de réfugiés palestiniens. Elle concerne tous les peuples pauvres de la région, contre l’impérialisme qui en pille les richesses et contre leurs propres gouvernements qui les oppriment. Une guerre de classe, où les pauvres d’Israël eux-mêmes se devraient de prendre part, même si l’infime minorité qui en Israël s’oppose à la politique de colonisation et à la guerre a bien de la peine à se faire entendre.
Olivier Belin
(Article paru dans Révolutionnaires numéro 10, février 2024)