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Honte à ceux qui utilisent le massacre de Bondi pour calomnier la solidarité avec la Palestine

Traduction d’un article du 17 décembre 2025 des camarades de l’organisation Socialist Alternative (Australie), paru sur leur site RedFlag

Socialist Alternative a pris l’initiative d’organiser les manifestations les plus larges possibles en soutien à la Palestine, qui ont connu un immense succès populaire, au point de mettre le gouvernement travailliste en difficulté et de le contraindre à reconnaître symboliquement l’État de Palestine.

 

 

Lundi 15 décembre 2025 Crédit photo: Mark Baker/AP

La nouvelle du massacre de Bondi a ajouté l’horreur à l’horreur. Au fur et à mesure que le récit se développait, les craintes les plus terribles se sont confirmées : oui, il y a eu des morts. Oui, il y avait un festival juif à proximité. Oui, le festival était la cible : l’attaque était motivée par l’antisémitisme. Oui, le nombre de morts continuait à augmenter. Et oui, au moins un enfant avait été tué. À ce moment-là, il semblait difficile d’imaginer comment les choses pourraient empirer. Mais ensuite, Tony Abbott, Jillian Segal, Sussan Ley et Benjamin Netanyahou ont pris la parole.

Les partisans de la droite n’ont pas tardé à utiliser ce massacre à des fins politiques, au mépris des faits. Ils n’ont pas cherché à comprendre l’idéologie ou les motifs des assaillants : ces défenseurs de longue date d’une politique antimusulmane et pro-génocide se sont lancés dans une campagne médiatique sans se soucier de la réalité empirique ou de la logique politique.

La droite anti-immigrés australienne a inondé Internet de propagande antimusulmane et anti-arabe de la pire espèce. Les défenseurs du génocide israélien ont immédiatement imputé la responsabilité du massacre au mouvement pro-palestinien. De nombreux partisans de la droite ont fait les deux, à l’instar d’Abbott, qui a associé la responsabilité du massacre aux « terribles marches […] sur le pont du port de Sydney et ailleurs » et déclaré que « nous devons être beaucoup plus déterminés à ne pas importer la haine de l’étranger ».

Abbott s’y connaît en importation de haine depuis l’étranger. Lui et sa faction d’extrême droite au sein du Parti libéral ont passé une décennie à essayer de radicaliser le sentiment anti-immigrés, inspirés par les néofascistes européens et le mouvement Maga aux États-Unis. Il n’est pas surprenant que lui et ses acolytes laissent entendre, ou déclarent, que l’immigration est à blâmer.

Tout aussi peu surprenant, et tout aussi inacceptable, est le retour rapide de personnalités qui cherchent à utiliser ce massacre pour promouvoir leur programme politique anti-palestinien. Comme Jillian Segal, l’« envoyée spéciale contre l’antisémitisme » discréditée dans tout le pays. Les faits : dans les heures et les jours qui ont suivi le massacre, on savait peu de choses sur la vision du monde des assaillants, si ce n’est un possible intérêt de longue date pour Daech. Cet intérêt est bien antérieur à l’émergence du mouvement mondial de solidarité avec Gaza à grande échelle : les services secrets australiens enquêtaient sur le plus jeune des assaillants dès 2019.

L’État islamique et ses partisans dans le monde s’opposent à la lutte nationale palestinienne. Ils ont commis des crimes abominables contre les réfugiés palestiniens dans les zones qu’ils contrôlent. Et ils sont ouvertement hostiles au mouvement de solidarité internationale, sa vision du monde et ses méthodes. Bien qu’ils puissent parfois, de manière opportuniste, faire référence à la Palestine dans leur propagande, ils le font dans le cadre d’un projet fondamentalement opposé. Leur projet, lui, présente le mouvement de solidarité comme une impasse qu’il faudrait remplacer par un fanatisme militarisé. Ils dénoncent la cause de la libération palestinienne comme une « idole » et considèrent même les défenseurs les plus religieux de l’autodétermination palestinienne comme des apostats. Il est donc assez difficile de voir comment, comme l’affirme le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, la reconnaissance symbolique d’un État palestinien par le gouvernement australien aurait conduit au massacre de Juifs à Sydney. De même, on a du mal à comprendre la pertinence des propositions trumpiennes de Segal qui voudrait conditionner le financement des universités australiennes à la discipline politique.

Plus absurdes encore sont les tentatives de blâmer le mouvement de solidarité avec la Palestine en général, et la marche épique du Sydney Harbour Bridge en particulier. Dave Rich, soi-disant expert en « antisémitisme de gauche », a admis dans le Guardian que « nous n’avons pas encore découvert les motivations détaillées des agresseurs de Bondi ». Mais cela ne l’a pas empêché de blâmer directement le mouvement de solidarité avec la Palestine pour ce massacre : « Ce mouvement a généré et entretenu une culture politique dans laquelle la violence est à la fois concevable et mise en œuvre. »

En réalité, la culture politique du mouvement de solidarité avec la Palestine est à l’opposé de la violence religieuse et fanatique de l’attaque de Bondi. Le mouvement palestinien transcende les frontières religieuses et nationales. Il n’est pas fondé sur la violence, mais sur la protestation collective. Les manifestations de masse à Sydney, les grèves générales en Italie, la flottille d’aide internationale à Gaza et les innombrables sit-in et occupations pacifiques menés par des Juifs antisionistes extrêmement courageux aux États-Unis : autant d’actions qui n’ont pu avoir lieu que sur la base d’une solidarité antiraciste.

Le mouvement de solidarité avec la Palestine s’oppose à la violence raciste. Ses méthodes sont celles de l’action pacifique de masse. L’une de ses revendications centrales est la nécessité de distinguer entre le peuple juif et le projet politique sioniste. Les agresseurs de Bondi, tout comme l’État d’Israël lui-même, représentent le rejet de ces idées et de ces méthodes.
En vérité, bon nombre des publicistes et des avocats du génocide israélien le savent, et c’est pourquoi ils calomnient le mouvement et sautent sur toutes les occasions pour l’attaquer. Ils essaient de recadrer l’oppression des Palestiniens sur des bases sectaires – en laissant entendre que les Juifs, en raison de leur origine religieuse ou ethnique, subissent la même oppression que celle que le gouvernement israélien inflige aux Palestiniens, et que s’opposer à cette oppression revient à haïr les Juifs. Ce faisant, ils renforcent la logique de la violence communautaire.

Le fait que de nombreux Juifs croient que toute solidarité avec la Palestine est une expression de haine anti-juive est une tragédie. Tragédie que des forces politiques opportunistes cherchent à intensifier et à exploiter pour briser la solidarité entre les Juifs et le mouvement palestinien. Mais partout dans le monde, de plus en plus de Juifs comme moi réagissent avec dégoût à cette propagande et rejettent l’idée qu’être juif c’est soutenir le génocide, et que s’y opposer c’est être l’antisémite.

La réalité, c’est qu’une grande partie du monde est aujourd’hui dans une spirale mortelle d’oppression raciste et de violence. La politique occidentale est de plus en plus dominée par un discours affirmant que toutes les formes de violence, de l’emprisonnement arbitraire aux assassinats, sont justifiées dans la lutte contre les migrants, les minorités, la drogue ou la subversion. Et certaines âmes perdues se laissent séduire par l’image apocalyptique des attentats-suicides religieux.

Les conditions sont réunies pour que la violence religieuse et raciste se propage. Les juifs et les musulmans ont été victimes de massacres perpétrés par des néonazis, des fanatiques religieux et des États. Partout dans le monde, les forces réactionnaires tentent d’étrangler la solidarité internationaliste et anticapitaliste.

Le mouvement palestinien a été une lueur vive de solidarité et de coopération dans un monde de plus en plus assombri par la brutalité raciste et sectaire. Ceux qui utilisent opportunément le massacre de Bondi pour calomnier ce mouvement devraient avoir honte, et les militants de ce mouvement doivent redoubler d’efforts pour affirmer l’importance de l’internationalisme, de la coopération et de la résistance à ce cauchemar sans fin.

D. Taylor