La guerre d’Algérie, déclenchée en novembre 1954, fut une lutte acharnée du peuple algérien contre l’oppression coloniale française. Le 1er novembre 1954, une série d’attentats coordonnés secouait l’Algérie, marquant le début d’une longue lutte pour l’indépendance. Les nationalistes du Front de libération nationale (FLN), qui venait de se créer, lançaient par là un appel au soulèvement. Le 3 novembre à Paris, au Parlement, le député d’Oran reprochait au gouvernement sa « faiblesse » passée face à la Tunisie où commençait à se négocier l’indépendance. Le député socialiste Naegelin alertait sur les ouvriers algériens en France où ils « sont soumis à toutes sortes de propagandes qu’ils répandent volontiers chez eux ». Le 5 novembre, François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur, martelait « l’Algérie, c’est la France ! », « La seule négociation, c’est la guerre ! ». Le PCF, le cul entre deux chaises, dans un manifeste publié la semaine suivante, mettait en garde contre l’escalade de la répression annoncée, tout en dénonçant de l’autre coté « le recours à des actes individuels capables de faire le jeu des pires colonialistes ».
Le 15 novembre, le chef du gouvernement, Pierre Mendès-France, confirmait les dires de son ministre de l’Intérieur : « Qu’on n’attende de nous aucun ménagement à l’égard de la sédition, aucun compromis avec elle. » Des premiers renforts étaient envoyés d’urgence en Algérie, dont une partie des régiments français stationnés en Tunisie, et les premières opérations de ratissage étaient lancées dans les Aurès, une des régions les plus déshéritées d’Algérie où avaient eu lieu une partie des attentats du 1er novembre.
La guerre d’Algérie commençait. Elle allait durer près de huit ans.
Un acharnement de la France à garder l’« Algérie française »
En 1954, le colonialisme français avait du plomb dans l’aile. L’heure était aux luttes d’indépendance et aux révoltes des pays du tiers-monde : la France sortait de sa guerre d’Indochine, défaite par le peuple vietnamien. De quoi donner des idées aux soldats algériens démobilisés, après avoir été envoyés en Asie sous drapeau français pour tenter de mater la révolte coloniale et qu’on a en partie retrouvés dans les rangs du FLN. Quant au Maroc et à la Tunisie, alors protectorats français voisins de l’Algérie, ils connaissaient la même révolte contre le colonialisme et étaient sur la voie d’arracher leur indépendance (acquise en 1956).
Mais, face à la révolte du peuple algérien, la bourgeoisie française et son personnel politique n’étaient pas prêts à lâcher l’« Algérie française ». Contrairement à la Tunisie et au Maroc qui étaient des protectorats, l’Algérie était considérée comme partie intégrante du territoire français depuis 1848. Elle était devenue une colonie de peuplement. Le pouvoir colonial français s’y maintenait en divisant la population : on avait accordé en 1880 aux autochtones juifs la nationalité française, refusée aux autres Algériens, un régime d’inégalités était en vigueur, où les Algériens musulmans n’avaient aucun droit1.
L’intensification de la guerre, œuvre des socialistes au pouvoir
La guerre menée depuis l’automne 1954 s’est intensifiée sous le gouvernement du « socialiste » Guy Mollet, élu en février 1956. Ce dernier décida d’envoyer un contingent de 450 000 soldats pour écraser la résistance du peuple algérien. Pour avoir des hommes tout de suite, il a même rappelé sous les drapeaux en 1956 ceux qui venaient de finir leur service militaire, avant de faire passer le service militaire de 18 à 27 mois pour les nouveaux appelés. La torture fut systématisée par les forces françaises, notamment lors de la bataille d’Alger en 1957, où des techniques d’interrogatoire inhumaines furent utilisées pour obtenir des informations sur le FLN, avec exécution sommaire de prisonniers. Des villages furent détruits, des habitants regroupés dans des camps, des forêts passées au napalm…
Cette politique a suscité des résistances de la part de militants politiques solidaires de la lutte anticoloniale du peuple algérien. En France, mais aussi parmi quelques militants installés en Algérie, même s’ils furent peu nombreux, comme Maurice Audin, un jeune mathématicien communiste arrêté, torturé et tué par l’armée française. Fernand Iveton, un autre militant communiste, fut condamné à mort et exécuté pour un projet d’attentat non commis et dont Mitterrand, devenu ministre de la Justice, a refusé de préconiser la grâce. Mais la direction du PCF, loin des sentiments d’une partie de ses militants, s’était félicitée de l’arrivée de la gauche au pouvoir, et n’avait pas hésité à voter les « pouvoirs spéciaux » que le gouvernement Guy Mollet avait demandés pour avoir toute liberté de manœuvre dans la conduite de la guerre. Par ailleurs, le PCF n’a jamais clairement revendiqué la fin du colonialisme et l’indépendance de l’Algérie, seulement l’autodétermination et la paix.
De Gaulle : un général de droite pour faire avaler la capitulation de la France
L’arrivée au pouvoir de De Gaulle en mai 1958 résulte d’une crise en Algérie. La guerre piétinait, elle ne pouvait gagner, malgré son atrocité, contre la révolte. L’extrême droite des « pieds noirs » d’Algérie (ainsi qu’on appelait les colons) en demandait encore plus, et avait manifesté le 13 mai devant le siège du gouverneur général français d’Alger. Pour enrayer la crise, c’est à un général de droite, de Gaulle, que la bourgeoisie française confia le pouvoir et la tâche finalement de faire accepter le retrait de la France à l’armée et à l’extrême droite des colons. La guerre était ingagnable. Son coût militaire et politique était élevé. L’acharnement du peuple algérien dans sa lutte pour l’indépendance avait conforté les revendications d’indépendance dans toutes les colonies françaises d’Afrique. En métropole, la contestation anti-guerre grandissait.
Si les généraux Massu et Salan avaient fait acclamer de Gaulle par les manifestants à Alger, c’est le socialiste Guy Mollet en personne qui était allé à Colombey lui demander de bien vouloir prendre les rênes du gouvernement.
Malgré ce choix, la guerre se poursuivit pendant quatre ans, aussi féroce que les années précédentes. Aux crimes de l’armée se sont ajoutés, à partir de 1961, les actions des groupes militaires d’extrême droite, comme l’Organisation armée secrète, qui perpétraient des attentats contre des membres du FLN, mais aussi des attentats contre des personnalités françaises favorables à l’indépendance ou destinés à faire pression sur le gouvernement français.
La stratégie de De Gaulle consistait à affaiblir militairement le FLN afin de mener des négociations permettant à la bourgeoisie française de conserver en Algérie le plus d’intérêts économiques possibles. Il avait même tenté de négocier avec des notables locaux une autonomie du Sahara, où l’on venait de découvrir du pétrole, par rapport au reste de l’Algérie. Dès 1959, il évoquait le principe d’autodétermination, mais ce n’est qu’en 1962 que les accords d’Évian furent signés mettant fin à la guerre. Ils entérinaient l’indépendance politique de l’Algérie, après une guerre dont le bilan s’élève à près d’un million de morts. Cependant, les accords d’Évian assuraient aussi à la France des avantages économiques concernant les extractions pétrolières en Algérie, la concession de la base militaire de Mers-el-Kebir pour 15 ans, ainsi que la zone de Reggane au Sahara pour y faire encore pendant plusieurs années ses essais nucléaires.
Une victoire contre l’impérialisme français
Victoire, liesse et fierté étaient donc de mise aux quatre coins de l’Algérie, le 5 juillet 1962, jour de déclaration d’indépendance qui mit fin à 132 ans de colonisation. Oui, les peuples coloniaux se faisaient respecter. Un peu partout, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, ils avaient ébranlé le vieux monde.
Mais cette victoire, comme toutes les révolutions qui firent alors reculer les puissances coloniales en l’espace d’à peine vingt ans, fut bien vite usurpée. Le peuple algérien avait obtenu l’indépendance au prix de près d’un million de morts, mais sa lutte ne fut pas dirigée par lui, mais par une petite bourgeoisie nationaliste qui aspirait à s’insérer dans le système capitaliste. En Algérie, ce fut une armée de métier qui se mit en place et devint l’ossature de l’État. Le FLN, dirigé par cette petite bourgeoisie nationaliste, fut proclamé parti unique dès septembre 1962. Le syndicat ouvrier lui-même, l’UGTA, fut pris en main, lors d’un congrès truqué, par les hommes choisis par le pouvoir.
Cette lutte d’indépendance, qui a embrasé l’Algérie et inspiré les peuples colonisés du monde entier, prouve néanmoins que même les États impérialistes les plus puissants peuvent être vaincus par la détermination d’un peuple opprimé. Elle résonne aujourd’hui avec les révoltes populaires qui continuent de défier l’ordre capitaliste et les régimes à sa botte. Et c’est à la classe ouvrière, qui dans tous ces pays est aujourd’hui bien plus nombreuse qu’à l’époque, d’en prendre la direction pour vraiment en finir avec les oppressions et changer le monde.
Louison Caudal et Martin Eraud
Quelques films ou livres sur la guerre d’Algérie
Deux films à voir ou revoir (et qu’on retrouve facilement)
- L’Opium et le bâton, tiré du roman de Mouloud Mammeri
- La bataille d’Alger, sur les ratissages en 1957 dans la ville d’Alger par les parachutistes du général Massu
Quelques romans algériens
Sur l’Algérie coloniale à la veille de la guerre d’indépendance
- De Mohamed Dib
- La grande maison
- L’incendie
- Le métier à tisser
- De Mouloud Feraoun
- Le fil du pauvre
- La terre de sang
- Les chemins qui montent
Sur la guerre elle-même
- L’Opium et le bâton, de Mouloud Mammeri
Sur la torture en Algérie
- La question, d’Henri Alleg
- L’affaire Audin, de Pierre Vidal-Naquet
La guerre d’Algérie vue de France
- Vue d’une usine à Paris : Élise ou la vraie vie, de Claire Etcherelli
- Sur le 17 octobre 1961 à Paris
- La Seine était rouge, de Leila Sebbar
- Meurtre pour mémoire, de Didier Daeninckx
- Les ratonnades d’octobre, de Michel Levine
- La bataille de Paris, de Jean Luc Einaudi
ou l’édition augmentée de 2001 titrée Un massacre à Paris. J.L Einaudi a également écrit un livre sur l’affaire Iveton et un sur la torture en Algérie
- Sur les appelés
- La guerre sans nom, film de Patrick Rotman et Bertrand Tavernier
- La guerre des gusses, de Georges-M. Mattei
Références sur l’histoire de la guerre d’Algérie
- La guerre d’Algérie, d’Yves Courrière
On ne peut que recommander le livre (très complet mais très long) en quatre tomes d’Yves Courrière qui couvre la situation en Algérie et les jeux politiques en France sur toute la période de la guerre d’Algérie.
- Le FLN : mirage et réalité, de Mohamed Harbi
Militant du FLN pendant la guerre, mais opposant à la politique et au pouvoir qui s’est mis en place ensuite avec une coterie de privilégiés sur le dos du peuple algérien lui-même, Mohamed Harbi décrit la vie politique du FLN pendant la guerre, avec ses guerres de clans et éliminations des opposants.
1 Cette domination ne s’était pas faite sans une réelle résistance, dont la plus notable a eu lieu le 8 mai 1945 : lors d’un rassemblement pour fêter la Libération (de la France), un homme faisant flotter un drapeau national algérien était abattu par la police, ce qui déclencha une émeute. Massacres, bombardements de villages – notamment dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata et leur région – furent exécutés par l’armée française sur décision du gouvernement français (auquel participait le PCF !). Ces massacres radicalisèrent les directions des partis indépendantistes, essentiellement le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), ancêtre du FLN.