Nos vies valent plus que leurs profits

Il y a 80 ans : le procès de Nuremberg

Photo de Raymond D’Addario. Source : wikipedia

En novembre 1945, la population européenne ne mange toujours pas à sa faim et reste terrorisée par les bombardements, traumatisée par la mort de dizaines de millions de personnes en à peine six ans. Le rationnement, le travail sous-payé et les problèmes de logement allaient rythmer le quotidien pendant des années. La fin de la guerre et de ses atrocités ne signifiait pas la fin du calvaire pour les travailleurs.

Le procès se tient dès le 20 novembre 1945, dans une ville en ruine, au sein d’un des rares bâtiments épargnés par les bombardements alliés.

Les accusés sont triés sur le volet pour éviter toute vengeance populaire qui déborderait les puissances alliées. La notion de « crime contre l’humanité » n’était pas uniquement un moyen de souligner la spécificité des crimes nazis. Elle permettait de façon commode d’apparaître comme le camp de l’humanité et de la liberté, malgré les innombrables crimes commis par les alliés eux aussi, à commencer par les bombardements de Hambourg, Dresde, Hiroshima et Nagasaki.

L’horreur de la Shoah

À la barre se trouvent les principaux dignitaires du régime nazi, ébranlés par leur défaite militaire ainsi que par les suicides de Hitler et Himmler, mais sans aucun remords. Exprimant tout au plus des regrets hypocrites, ils se renvoient mutuellement la balle, malgré leurs responsabilités écrasantes dans un engrenage criminel qui a exterminé sept millions de victimes, mis au pas toute la population allemande, et ravagé toute l’Europe. Certains comme Göring n’hésitent même pas à provoquer la cour, malgré de nombreux témoignages absolument insoutenables des victimes rescapées des camps. C’est entre autres à ce moment-là que le public découvre les horreurs de la Shoah. Les commandements alliés étaient au courant depuis des mois voire des années, mais n’ont jamais fait du sauvetage des Juifs un but de guerre, trop occupés à préparer le repartage de l’Europe.

Les arbres qui cachent la forêt

Le grand patronat ressort sans aucune égratignure : Gustav Krupp, baron de la métallurgie emblématique de la jonction entre industriels et nazis, n’est même pas jugé. Même chose pour les principaux rouages de l’appareil d’État : administrateurs, policiers, juges seront tous recyclés et mobilisés pour la reconstruction du pays dans le cadre de la guerre froide. C’est là une des raisons pour laquelle il n’y a jamais eu de procès allemand contre les hauts responsables. Pour quelques vedettes condamnées le 1er octobre 1946 (onze à mort, sept à la perpétuité), d’innombrables crimes du nazisme restent impunis. Un parti nazi qui était vu pendant des années d’un œil bienveillant par les bourgeoisies des autres pays impérialistes (souvent imbues elles aussi d’idées antisémites), tant qu’il s’attaquait aux organisations du mouvement ouvrier et ne contestait pas leurs zones d’influence. Le procès du système qui a engendré la barbarie nazie et cette sale guerre impérialiste n’a, lui, jamais été fait.

Robin Klimt