« Empêcher Poutine de gagner en Ukraine sans se laisser entraîner dans l’engrenage de la guerre à la Russie. » Voilà comment Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, résumait sur France Info la stratégie des puissances impérialistes occidentales. Mais, pendant la guerre, les affaires continuent. Mieux : grâce à la guerre, les affaires vont bien !
Des milliards européens « pour l’Ukraine » pas perdus pour tout le monde !
Alors que la France et l’Allemagne viennent de signer des accords bilatéraux accordant à l’Ukraine 7,7 milliards d’euros pour l’Allemagne et jusqu’à 3 milliards pour la France, l’Union européenne a un plan, « Facilité pour l’Ukraine », consistant en 50 milliards d’aide au régime de Zelensky. Mais Kiev devra en rembourser les deux tiers, et avec des intérêts. Il s’agit de financer un « plan de relance, de reconstruction, et de modernisation ». En réalité, le but est de faciliter une série de réformes antisociales et de privatisations pour pouvoir y exploiter une main-d’œuvre meilleur marché que dans les États membres de l’UE. Facilité pour l’Ukraine ? Facilité pour les capitalistes et les marchands de canon !
L’impérialisme américain derrière l’Ukraine, tout en ménageant la Russie
Du côté des États-Unis, depuis décembre dernier, les 60 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine prévus par l’administration Biden restent bloqués par la Chambre des représentants à majorité républicaine, sous la pression de Trump dont les prises de position ont fait craindre aux pays européens un désengagement américain.
Voir la Russie affaiblie par l’installation dans une guerre longue et coûteuse, économiquement et en vies humaines, n’est certes pas pour déplaire à la diplomatie américaine. Ne serait-ce que pour limiter les ambitions russes dans la reconfiguration des rapports de force mondiaux qui se profile à l’horizon impérialiste. Mais il n’est pas question non plus de se passer de la Russie qui joue un rôle essentiel dans le maintien de l’ordre, comme Poutine l’a montré face aux soulèvements populaires en Syrie et, plus récemment, en Biélorussie ou au Kazakhstan.
Le plus puissant est le premier servi
En attendant, la résistance de l’armée ukrainienne à l’offensive russe n’aurait évidemment jamais été possible sans l’aide massive apportée par les États-Unis : 110 milliards de dollars depuis le début de la guerre en 2022. Mais les États-Unis ont bénéficié d’un retour sur investissement certain ! En obligeant par exemple les pays européens, en particulier l’Allemagne, à cesser de s’approvisionner en gaz auprès de la Russie, les États-Unis ont imposé leur gaz de schiste sur les marchés européens, devenant le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié. De plus, les dépenses militaires de nombreux pays, en particulier européens, sont reparties de plus belle. Les centaines de milliards supplémentaires que l’Allemagne, la France et les autres pays d’Europe consacrent aux dépenses militaires profitent avant tout aux États-Unis, premier producteur et exportateur d’armes au monde !
La Russie de Poutine doit certes être condamnée pour son agression contre le peuple ukrainien. Mais le moins qu’on puisse dire est que l’impérialisme occidental profite bien de la situation sur tous les plans !
Aurélien Pérenna et Jean-Jacques Franquier
Cet article est paru dans Révolutionnaires numéro 11, mars 2024, avec d’autres articles sur l’Ukraine.
Articles sur la guerre en Ukraine paru dans Révolutionnaires numéro 11
- Deux ans de guerre en Ukraine
- L’Ukraine broyée par les rivalités impérialistes et le parasitisme du grand capital
- Rage et désespoir dans la Russie de Poutine
- Impérialisme occidental : soutien à l’Ukraine… et aux marchands de canon !