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Iran-Israël : l’escalade guerrière ?

Depuis le 1er avril et l’attaque d’Israël sur le consulat iranien à Damas, l’Iran réaffirme son rôle d’acteur important dans les tensions au Moyen-Orient. Si, pour l’instant, les passes d’armes entre les deux pays semblent vouloir éviter l’embrasement, la riposte iranienne du 13 avril n’est pas sans conséquences sur la population iranienne comme sur le conflit israélo-palestinien.

Depuis le 7 octobre, l’Iran s’était montré relativement distant en acte vis-à-vis de la guerre et du nettoyage ethnique en Palestine. Ce n’est qu’en soutenant financièrement et militairement les Houthis au Yémen, le Hezbollah au Liban, la « Résistance islamique » en Irak et le Jihad islamique en Palestine qu’il intervenait – pour contester timidement la conquête par Israël des territoires palestiniens. Sauf que le 1er avril, Israël a attaqué le consulat iranien à Damas, faisant 16 morts dont deux hauts responsables en charge de l’armement de « l’axe de la résistance », donc du Hezbollah. Pousser l’Iran à intervenir directement est d’autant plus intéressant quand l’autre acteur est un allié de la Russie et en conflit avec les États-Unis. Cette provocation israélienne peut donc être vue comme une tentative pour retrouver un soutien plus ferme de la part des alliés en Occident et au Moyen-Orient qui doivent composer avec les mobilisations contre le massacre de la population palestinienne dans leurs propres pays.

L’Iran veut redorer son blason dans la région

L’attaque sur un de ses consulats ne pouvait qu’engendrer un dilemme pour l’État iranien. D’un côté, il était pressé par ses « proxys », Hezbollah en tête, ainsi que par sa toute petite base sociale (les milices du régime appelées « gardiens de la Révolution ») de ne pas se laisser piétiner par l’ennemi de toujours (l’existence d’Israël n’est pas reconnue par la République islamique). De l’autre, il savait qu’une entrée en guerre contre Israël consisterait à s’affronter sans espoir à leur protecteur, les États-Unis. Pour la population iranienne, c’est toutefois bien plus contrasté. La riposte iranienne du 13 avril a donné lieu à plus de scènes de panique que de réjouissance. Des queues interminables se sont formées devant les stations essence pour fuir les centres urbains en cas de représailles rapides et violentes d’Israël. Depuis, elle doit subir une double punition : non seulement de nouveaux embargos ont été décidés par Bruxelles et la monnaie iranienne a encore baissé (le dollar équivaut maintenant à 69 000 tomans au lieu de 60 000 avant le 13 avril), mais le régime iranien lui-même sert la vis. La police des mœurs a renforcé sa guerre contre les femmes. Les plus conservateurs affirment en effet que la nouvelle position de force du régime dans la région est une occasion de régler ses comptes avec les féministes « pro-israéliens » qu’ils identifient à une petite bourgeoisie influencée par l’Occident. Un prétexte bien sûr fallacieux qui cherche à discréditer les soulèvements et contestations menés y compris par les classes populaires, les syndicalistes et les militants révolutionnaires qui sont, avec les femmes, les premières victimes de ce régime aux ordres des capitalistes. La frange réformiste de ce dernier affiche en revanche une certaine retenue et semble penser que ce n’est pas le moment de se mettre à dos la population qui pourrait, si la situation se tend encore, développer des sentiments nationalistes et se ranger derrière son propre régime face à Israël. De fait, la République islamique a redoré son blason auprès de ses alliés mais sans doute aussi plus largement auprès des populations arabo-musulmanes tentées de considérer l’Iran comme le seul pays qui cherche à tenir tête à l’alliance entre Israël et les États-Unis dans la région. On a ainsi assisté à des cris de joie en Cisjordanie au soir du 13 avril. La continuation du massacre en Palestine, en dépit des mobilisations partout dans le monde, fait apparaître, à tort, l’État iranien comme un des rares espoirs de « résistance », alors qu’il ne fait que jouer sa partition d’impérialisme régional avec pas moins de cynisme que les autres, et d’instrumentalisation de la cause palestinienne à son profit.

La réponse d’Israël sur le sol iranien : un jeu à somme nulle ?

Avec la très faible riposte israélienne du 18 avril, consistant en quelques explosions sans conséquences, on assiste à une chorégraphie qui semble contenir le risque d’embrasement. Des milliards pour un jeu à somme nulle qui consiste simplement à rassurer les alliés ? Toutefois, ce qui ressemble à une démonstration de faiblesse de la part d’Israël interroge. Etant donné les pressions internationales, on pouvait s’attendre à une réponse mesurée, mais celle-ci n’a même pas été revendiquée et est largement moquée en Iran, pas seulement par la propagande du régime. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses caricatures et comparaisons entre les deux ripostes ridiculisent Israël. Faut-il y voir de la part de l’État sioniste une simple introduction à des représailles plus résolues qui pourraient avoir lieu après une semaine de fête religieuse importante en Israël du 22 au 30 avril ? Une autre hypothèse est plus probable. N’en déplaise aux plus va-t-en-guerre de l’état-major israélien, pour éviter une guerre avec l’Iran qui obligerait les puissances impérialistes à intervenir davantage qu’elles ne l’ont fait le 13 avril pour arrêter les missiles et drones envoyés par la République islamique, Israël pourrait bien avoir négocié avec Biden son soutien entier dans les opérations à Gaza. Bien que le G7 se soit opposé à l’attaque sur Rafah, les États-Unis viennent de poser leur veto quant à la reconnaissance de la Palestine à l’ONU. Netanyahou peut poursuivre son objectif principal : son génocide contre les Palestiniens.

Pour l’en empêcher, la pression des mobilisations doit monter d’un cran. Alors que des conférences sur la Palestine ont été interdites ces derniers jours en France et en Allemagne, intensifions nos luttes pour empêcher qu’à Rafah, en Iran et ailleurs, les États adossés aux industriels continuent à nous prendre pour de la chair à canon.

Barbara Kazan