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La conférence de Macron sur le Liban : l’hypocrisie au pouvoir

En réunissant jeudi 24 octobre à Paris sa « Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban », Macron n’a pas rencontré un grand succès. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, n’y est venu qu’en vidéo pour un petit discours. Ni le président américain, ni son secrétait d’État, Antony Blinken, n’ont eu envie de se déplacer : pour eux c’était les affaires de cette petite France qui, ayant été à l’époque coloniale la puissance tutélaire du Liban, y a gardé quelques liens avec la riche bourgeoisie locale et quelques intérêts pour la sienne.

Quant à la cagnotte lancée par Emmanuel Macron pour aider le Liban, bien malin qui sait combien de promesses de dons elle a enregistré : l’objectif annoncé était de 426 millions d’euros ; elle aurait presque atteint le milliard d’euros de promesses, selon la presse. Promesses seulement… et un montant dérisoire si on le compare aux milliards d’aide militaire accordés à Israël pour mener sa guerre de destruction à Gaza et au Liban, dont une nouvelle tranche de 8,7 milliards supplémentaires accordée par les USA, au moment même où Israël lançait sa guerre au Liban.
Montant dérisoire pour un pays sous les bombes, dont 1,2 million d’habitants ont dû fuir leur domicile devant l’invasion et les bombardements israéliens. Mis à part ceux de ce petit village chrétien maronite du Sud, Qlayaa, que cite le journal Le Monde, dont le curé a négocié d’être épargné au mérite que sa jeunesse s’était, dans les années 1980, enrôlée dans l’Armée du Liban sud (ALS) qui combattait les Palestiniens aux côtés de l’armée israélienne.

Pour la dite « aide humanitaire » récoltée, les seuls chiffres précis pour l’instant seraient 100 millions débloqués par la France et 96 millions par l’Allemagne. Et pour aider à quoi ? L’aide de la France devrait surtout servir non pas à aider la population, mais à contribuer à l’équipement de l’armée libanaise officielle, une armée relativement faible au regard de ce qui est devenu la principale force militaire du pays, les troupes du Hezbollah. Si la guerre menée par Israël pouvait être l’occasion de rééquilibrer les forces au profit de ceux qui, avant la montée du Hezbollah, y dominaient le pouvoir, la grande bourgeoisie chrétienne maronite (celle jadis des banquiers du Liban et de son extrême droite) et le clan de la bourgeoisie sunnite qui a fourni nombre de chefs de gouvernement, dont les milliardaires Hariri père et fils, voilà qui siérait bien à leurs homologues français.

Quant aux soucis humanitaires de Macron, ils sont bien résumés dans une de ses petites phrases lors de sa conférence : « il faut à tout prix éviter que le déplacement des gens du Sud vers Beyrouth ne crée de nouvelles divisions ». Ce n’est pas le sort de ce million de déplacés qui l’inquiète, mais la crainte que leur venue à Beyrouth n’y provoque des désordres sociaux, voire à nouveau des affrontements communautaires. Une nouvelle guerre civile, mais peut-être aussi une révolte de la population, de ces jeunes qui avaient déferlé dans les manifestations de 2019 contre la vie chère, et dénonçaient au contraire le confessionnalisme de toutes les élites dirigeantes du pays, dont le Hezbollah lui-même. Et quand Macron tance son ami Netanyahou en déclarant qu’il n’est « pas sûr qu’on défende une civilisation en semant soi-même la barbarie », il ne s’inquiète que d’une chose : le maintien de l’ordre qui permet le bon fonctionnement des affaires. Ce qu’il appelle la civilisation.

29 octobre 2024, Olivier Belin