Dans bien des situations, la dette est une arme politique qui permet aux États les plus riches d’imposer leurs intérêts aux plus pauvres. Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque centrale européenne (BCE) en sont les vecteurs institutionnels.
Lors de la crise des subprimes de 2008, les pays européens s’étaient précipités au secours de leurs banques surendettées. Très rapidement, la Grèce s’est retrouvée sans le sou et les taux d’intérêts de ses emprunts se sont envolés. La crise s’est propagée à l’Irlande, au Portugal, puis à Chypre, à l’Italie et à l’Espagne. Pour protéger les banques françaises et allemandes qui possédaient environ un tiers de la dette grecque, la troïka1 avait proposé en 2010 un accord de financement à la Grèce à condition de réduire massivement les dépenses publiques, les salaires et les retraites.
En 2015, la même troïka, appuyée par Berlin et Paris, faisait plier le gouvernement Tsípras, fraîchement élu à la faveur de la révolte des Indignés grecs, mais qui cédait à l’exigence d’une nouvelle aggravation des « ajustements », douchant les espoirs que la population avait mis en lui, ouvrant la voie à des gouvernements toujours plus acharnés à la faire payer. Par rapport à 2007, le niveau de vie des travailleurs grecs s’est effondré (le pouvoir d’achat a chuté d’un tiers), de même que le montant des retraites, tandis que le chômage et les suicides ont explosé.
En Argentine, les mesures imposées dans les années 1980 ont provoqué une stagnation économique qui a mené à de nouvelles mesures, et ainsi de suite. Le cycle n’a été rompu (pour un temps du moins) qu’en juin 2000 : une grève générale a paralysé le pays, qui est parvenu, par un défaut de paiement partiel de sa dette, à relâcher la pression.
Cette politique du FMI et de la Banque mondiale a aussi favorisé l’éclatement de la Yougoslavie2 : pris à la gorge par les remboursements des emprunts contractés dans les années 1970-1980, le pays a été traversé par une vague de grèves avec, comme réponse des dirigeants politiques, une fuite en avant nationaliste qui a abouti à l’éclatement et aux premières guerres au cœur de l’Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Quant au regard des populations africaines sur l’action des institutions financières internationales, les slogans des manifestants kényans protestant en juin dernier contre le projet de budget en disent long : « FMI, ne touche pas au Kenya ! », « FMI, esclavage des temps modernes ! »
Martin Castillan
1 La troïka était constituée de la Commission européenne, de la BCE et du FMI.
2 État qui regroupait, avant son éclatement progressif dans les années 1990-2000, les actuelles Serbie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Macédoine du Nord, Slovénie et Kosovo.
Cet article est paru dans un dossier de Révolutionnaires no 23
Sommaire du dossier
- DOSSIER — Budget, dette publique : La pompe à fric pour vider les poches des classes populaires et remplir celles des riches
- La dette : pourquoi, comment… et pour qui ?
- À quoi servent les agences de notation ?
- La dette des États, reflet et instrument des rapports de force entre pays riches et pauvres
- L’envolée de la dette : open bar pour les capitalistes
- Selon que vous serez puissant ou misérable…
- Que faire face à la dette ?
- Petit glossaire