
Photothèque rouge. Photographie de Martin Noda / Hans Lucas
L’entrée dans le code pénal du consentement comme notion centrale pour définir le viol a été adoptée par l’Assemblée nationale fin octobre. Le viol recouvre maintenant « tout acte sexuel non consenti ». Tandis qu’auparavant la loi se focalisait sur l’agresseur qui devait user de « violence, contrainte, menace ou surprise », elle s’intéresse maintenant davantage à la victime, à son consentement… Et surtout aux conditions de possibilité de ce dernier. En effet, il ne suffit pas de dire « oui » ou « non », encore faut-il pouvoir le faire.
C’est à la suite de l’affaire dite des « viols de Mazan » qu’un projet de modification de la loi sur le viol a été déposé. Suite à de long mois de procès, au cours desquels on a vu de bons pères de famille se défendre d’avoir violé une femme sous prétexte que son mari, bon père de famille également, leur avait donné l’autorisation de le faire. On y a vu des hommes ordinaires justifier le viol ordinaire – « il y a viol et viol » dira l’avocat de certains accusés. Le sommeil ou l’absence de réaction de la victime a été contesté comme preuve à charge du viol, et les avocats des complices du père Pelicot ont proposé une défense abjecte : le « viol involontaire ».
La récente modification de la loi française est donc une manière de répondre au choc de l’affaire des viols de Mazan et à son traitement par les tribunaux. Le consentement « libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable » ne peut pas être donné sous la menace, la contrainte ou la soumission chimique. La loi le reconnaît, et c’est une avancée.
Mais il y a un monde entre le fait de promulguer une loi, et le fait de juger les crimes que l’on prétend reconnaître par là. Et de ce point de vue, l’État bourgeois n’est pas à la hauteur de ses prétentions. Dans ce monde capitaliste, tout est question de finances. Aujourd’hui, le budget de la justice ne permet même plus de rappeler d’anciens magistrats pour combler les trous dans les cours criminelles, qui jugent depuis 2023 la plupart des viols parmi d’autres crimes. Même sans jury, contrairement aux cours d’assises, cela coûte cher. Il y faut en effet cinq magistrats, contre trois aux assises et généralement en correctionnelle, qui juge les délits.
De ce point de vue, requalifier un viol en délit en retenant la charge de « violences physiques » ou « atteinte sexuelle » ou pire, classer sans suite un dossier relève d’une banale économie de moyens. Cela témoigne de l’hypocrisie de ces politiciens, même de gauche, même féministes, qui font voter des lois contre les symptômes de la société capitaliste dont ils sont les défenseurs.
La « culture du viol » ne prendra pas fin à coup de police, de tribunaux ou de prison. Elle est le produit d’une société de classe, qui obtient la soumission des exploités par l’oppression et la violence. Une société qu’il sera impossible de renverser par les moyens légaux.
Mona Netcha