La CGT et la CFDT du groupe Sanofi ont appelé lundi 21 octobre à « suspendre » au niveau national la grève reconductible à laquelle elles avaient appelé depuis le jeudi précédent. Elles semblent juger que l’annonce de la décision de l’État d’entrer à hauteur de 1 à 2 % via la Banque publique d’investissement dans le capital d’Opella – la filiale de Sanofi dédiée, entre autres, au Doliprane – est une nouvelle rassurante. Mais, du côté des salariés de l’usine de Lisieux – qui formule seulement le paracétamol pour en faire du Doliprane –, ce n’est pas le même son de cloche : la grève s’y est poursuivie jusqu’au vendredi 25 et la lutte continue sous forme de débrayages à partir du lundi 28 octobre. Les 250 salariés du site ont fait grève à 90 % depuis le 17 octobre, ce qui a fait tomber la production à 50 % du volume habituel. La colère est forte, l’inquiétude aussi : que va devenir l’usine, quelles seront les conditions de travail et qu’adviendra-t-il des accords conclus avec le groupe Sanofi ?
Dans le cadre des restructurations de l’industrie du médicament, Sanofi a filialisé ses activités de « santé grand public » dans Opella, aux bénéfices garantis mais relativement faibles, dont il veut maintenant se débarrasser. Privilégier l’activité dite « innovante » de conception de nouveaux médicaments, même risquée, promet des profits exceptionnels. Et c’est juste le fait qu’il veuille maintenant vendre sa filiale Opella au fonds de pension américain CD&R qui émeut les directions syndicales et les dirigeants de la gauche parlementaire, venus sur les piquets de grève pour en fait s’adresser au gouvernement, avec tous les accents protectionnistes et souverainistes dont ils ont pris l’habitude.
L’appel à la grève reconductible des directions de la CGT et de la CFDT est une première depuis des années, alors que les actionnaires de Sanofi ont dépecé la boîte avec quatre plans sociaux depuis 2014, que la recherche est laminée, que les sites de production de principes actifs en Europe sont déjà filialisés dans Euroapi et qu’une partie de la chaîne pharmaceutique (galénique et de distribution) doit être cédée à des entreprises de distribution de colis comme DHL…
Le souverainisme et le protectionnisme sont des poisons pour la classe ouvrière internationale. Les travailleurs de Sanofi, comme de toute l’industrie pharmaceutique, ne pourront compter que sur le rapport de force qu’ils pourront imposer en se coordonnant avec les autres salariés menacés, de la chimie à l’automobile.
Correspondants, 28 octobre 2024