Il est indéniable que la majorité relative obtenue par le NFP a donné du baume au cœur à bien des travailleuses et des travailleurs. Mais les illusions semées par le « front républicain » vont très vite faire des dégâts.
Les directions syndicales, notamment de la CGT, avaient appelé à voter NFP dès le premier tour. Les militants du NPA-Révolutionnaires dans les syndicats s’y sont opposés. Pas au nom d’une quelconque « neutralité » politique, mais pour défendre la nécessaire indépendance des syndicats vis-à-vis de cet attelage de la gauche de gouvernement, qui a lié d’emblée son sort à celui de Macron par le biais du « Front républicain ». Olivier Faure, secrétaire du PS, a beau jeu de le rappeler concernant le NPF : « Nous avons gagné dans le cadre d’un front républicain. Il ne faut décevoir ni l’un, ni l’autre. » Ce cordon ombilical qui n’a pas été coupé avec Macron, et en définitive avec la classe dirigeante, va inévitablement les entraîner loin des lendemains qui chantent. Car le Medef, lui, ne perd pas de temps : il met la pression et exige par voie de communiqué dès le lundi 9 juillet que soit menée une « politique économique lisible et stable […] garante de la compétitivité des entreprises et seule capable de restaurer la confiance et d’assurer l’emploi ». Et annonce sur BFMTV qu’il prépare dans les jours qui viennent « une sortie musclée, et des positions raides, pour ramener les politiques à la vraie vie et aux réalités économiques, maintenant que les élections sont finies ». Ce n’est pas un secret, le patronat n’est pas là pour plaisanter. Et, quand il faudra soit faire face au Medef, soit se soumettre et adopter sa politique, qui parierait un centime sur la capacité d’affrontement du NFP ? Pas nous !
Une chose en entraînant une autre, les directions syndicales ont emboîté le pas aux leaders du NFP, qui appelaient à voter, y compris pour les macronistes et LR, afin de barrer la route au RN. Le seul barrage que cet appel va dresser est entre les travailleurs révoltés par la politique antisociale de Macron et les syndicats eux-mêmes. Les plus anciens se rappellent à quel point les syndicats, particulièrement la CGT, avaient payé leur soutien au gouvernement Mitterrand-Mauroy après les mesures anti-ouvrières de 1982. Et combien de militants CGT avaient déjà entendu en 2017 des travailleurs leur reprocher l’appel de Martinez à voter Macron contre Le Pen ? Ce qui s’est joué avec la formation du NFP est sans commune mesure : les directions syndicales ont appelé à un bloc électoral à vocation gouvernementale avec l’artisan de la retraite à 64 ans, de la baisse des salaires réels, des attaques contre les chômeurs, avec l’éborgneur de Gilets jaunes… Un an a passé depuis la mobilisation massive contre la réforme des retraites. Depuis, ces directions syndicales n’ont appelé à rien : ni sur les salaires, ni contre les licenciements, ni sur les services publics, ni contre les violences policières malgré la révolte de la jeunesse et encore moins sur la Palestine. Mais elles sortent de la naphtaline avec une énergie qu’on n’avait vue sur aucune action revendicative pour en appeler à ce qui revient à… sauver le soldat Macron !
La question n’est pas de savoir si cela laissera des traces en accentuant encore la distance entre la masse des travailleurs et les organisations syndicales. C’est une certitude. La question est plutôt de savoir comment regrouper, en totale indépendance de la gauche, des militants politiques, des militants syndicaux qui ne se résignent pas à l’impasse du dialogue social et du front républicain et de s’adresser aux travailleurs sur des bases de lutte et d’indépendance de classe.
10 juillet 2024, Xavier Chiarelli
(Article paru dans le numéro 17 de Révolutionnaires)