« Ça n’est pas son rôle, or il l’a fait à de multiples reprises ces dernières années. Ils prennent des décisions, ne se posent d’ailleurs pas la question de savoir combien ça coûte, ça n’est pas voté, ni par l’Assemblée, ni le Sénat, ils décident eux-mêmes. » Invité pour les 20 ans de l’émission les Grandes Gueules, devant un public acquis à sa cause, Marine Le Pen s’en est prise au Conseil constitutionnel qui a censuré quelques articles de la loi « justice des mineurs » proposée par Attal et les macronistes.
C’est devenu un passage obligé de chaque nouvelle loi sécuritaire ou raciste. Par surenchère, les ministres et les députés y ajoutent des articles que le Conseil constitutionnel supprime. Cela permet aux macronistes, à la droite et à l’extrême droite, de crier au déni de démocratie tandis que la gauche institutionnelle, elle, se dit « soulagée », oubliant que les ciseaux du Conseil ne coupent qu’à moitié dans les textes de loi qui restent toujours, sur le fond, réactionnaires.
Exemple avec la loi Attal : pas de comparution immédiate pour les 16-18 ans, en revanche des peines plus lourdes pour les parents dont l’enfant est condamné. Exemple encore avec la loi narcotrafic, soutenue par le PS : pas de garde à vue de 96 heures, en revanche le « dossier-coffre » pourra être constitué (c’est ce dossier monté au cours de l’enquête auquel la défense n’a pas accès). Un dernier exemple avec la loi immigration de décembre 2023, première du genre à être votée par une « union des droites » de Macron au RN : pas de « préférence nationale » dans la distribution des aides sociales, mais de nouveaux dispositifs pour expulser les étrangers.
En réalité, le Conseil censure les articles les plus outranciers par rapport à la conception de l’État de droit qu’en ont ses membres. Ce qui n’exclut pas d’accompagner le durcissement répressif en cours ! Si ses décisions montrent jusqu’où peuvent aller les responsables politiques, du centre gauche à l’extrême droite, pour gratter des voix, elles ne constituent donc absolument pas une protection. Pire, elles servent à attiser la démagogie sécuritaire et raciste, et permettent à Retailleau, pour qui l’État de droit n’est pas sacré, et à Le Pen, qui veut un référendum sur l’immigration, de se poser en recours face aux blocages institutionnels. En attendant que ces deux-là ne soient touchés par la providence, leurs discours produisent déjà des effets, en donnant des blancs-seings à ceux qui « se font justice eux-mêmes » les armes à la main ou à ceux qui commettent des meurtres racistes, comme l’assassin d’Hichem Miraoui.
24 juin 2025, Bastien Thomas