Depuis le 30 septembre dernier, Marine Le Pen partage son temps hebdomadaire entre les bancs de l’Assemblée nationale et ceux… de ses coaccusés au procès des assistants parlementaires « fictifs » du Front national (le parti qui a donné le RN) au Parlement européen entre 2004 et 2016. Elle y encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement, un million d’euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité. Au total, vingt-sept dirigeants du parti sont poursuivis pour détournement de fonds publics (autour de 7 millions d’euros). Ça la fiche mal pour tous ces leaders d’extrême droite, toujours prompts à dénoncer « la corruption des élites » et « la gabegie financière », mais toujours prêts en réalité à tirer le meilleur parti des mannes financières offertes par la démocratie parlementaire bourgeoise.
Le vieux facho Le Pen père a réussi à se faire exempter des audiences pour « raisons médicales »… mais par contre son ancien majordome (si, si) a dû venir expliquer son salaire de 87 000 euros versé par le Parlement européen, qui n’avait pas grand-chose à voir avec la mission d’assistant parlementaire…
Le RN espère étouffer ce buzz médiatique inconfortable par un autre buzz à son avantage : apparaître, grâce à « sa niche parlementaire »1 du 31 octobre, comme le premier parti à déposer un projet de loi permettant de revenir au départ à la retraite à 62 ans et non à 64 comme l’ont imposé Macron et Borne. Dans l’exposé des motifs de la loi déposée, on peut lire que les choix politiques pour préserver le système de retraites « pourront être effectués lorsque le Rassemblement national accédera au pouvoir et sera en mesure de mettre en place la réforme globale qu’il propose depuis plusieurs années ». Rappelons que souvent le RN varie sur le sujet des retraites : « 60 ans pour tous » (Le Pen en 2017), « 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans » (Le Pen en 2022), « abroger les 64 ans » (Thomas Ménagé, député RN, le 10 juin 2024), « ce sera compliqué d’abroger » (Bardella… le 11 juin 2024 !). Plus le RN s’approche de la possibilité d’accéder au gouvernement, plus l’âge du départ à la retraite qu’il préconise recule.
Alors, bien naïfs seraient ceux qui penseraient le RN sincère sur ce coup-là ! C’est encore un énième plan « com » bien huilé, comme aime les concocter ce parti qui se moque bien du départ à la retraite à 64 ans… car pour que son projet de loi puisse continuer à suivre le bon chemin législatif, il lui faudrait un groupe au Sénat, ce qu’il n’a absolument pas.
Par contre, évidemment, il met les députés du Nouveau Front populaire en porte-à-faux, et ils se sont d’ailleurs divisés entre eux sur l’attitude à adopter, ce qui était un des buts de la manœuvre du RN. Un site Internet estampillé RN a d’ores et déjà été mis en ligne pour permettre à qui le veut bien d’interpeller son député à ce sujet…
Bref, si on vous demande ce qu’il faut voter, répondez : la grève ! Et jusqu’à satisfaction : pour commencer, le retour de la retraite à 60 ans et aux 37,5 années de cotisation.
29 octobre 2024, Marie Darouen
1 Il s’agit du droit de chaque groupe parlementaire de fixer un jour par mois l’ordre du jour de l’Assemblée.