Nos vies valent plus que leurs profits

Le PKK s’est dissous, mais la lutte pour les droits des Kurdes continue !

Le congrès du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) vient d’annoncer son auto-dissolution, après plusieurs mois de négociations avec le régime d’Erdoğan.

Les dirigeants de ce parti nationaliste kurde (bien plus que « parti des travailleurs ») déclarent que sa dissolution « fournit une base solide pour une paix durable et une solution démocratique ». Ce qui paraît surprenant quand on sait qu’Erdoğan a emprisonné des centaines d’élus kurdes au nom de la « lutte anti-terroriste » et qu’il gouverne main dans la main avec l’extrême-droite nationaliste turque.

Nous ne connaissons évidemment pas les raisons pour lesquelles Abdullah Öcalan et la direction du PKK ont décidé de déposer les armes, après plusieurs décennies de combat contre la politique antikurde de l’État turc. Alors qu’Öcalan est détenu dans l’île-prison de haute sécurité de İmralı depuis 1999, les combattants kurdes sont-ils à bout de souffle ? Ont-ils réussi à négocier un véritable accord1 avec l’AKP, le parti d’Erdoğan, ce dernier ayant besoin de soutien parmi les Kurdes – qui représentent 20 % de la population de Turquie – pour modifier la Constitution afin de briguer un troisième mandat présidentiel en 2028 ? Ou estiment-ils que la lutte armée constitue désormais une impasse trop coûteuse pour défendre leur politique ?

Une chose est sûre, dans le contexte actuel de mobilisation populaire contre le régime d’Erdoğan, cet accord ne peut apparaître aux yeux de la population kurde de Turquie que comme un appel de fait à ne pas rejoindre la lutte en cours. Les soutiens d’Erdoğan n’hésiteront pas à l’utiliser dans ce sens.

Il est vrai que ce n’est pas davantage du côté du CHP, le parti kémaliste d’İmamoğlu, que les Kurdes peuvent attendre la fin de leur oppression : elle existait quand le CHP était au pouvoir et l’opposition d’İmamoğlu à Erdoğan n’en fait pas un défenseur des exploités et des opprimés !

Est-ce que les Kurdes qui sont partie prenante de la mobilisation contre la dégradation des conditions de vie de toutes les classes populaires y renonceront, c’est une autre histoire. Erdoğan pourrait bien en être pour ses frais. Car, au-delà de l’opposition entre l’AKP au pouvoir et le CHP qui veut y retourner, la lutte engagée depuis des mois par les jeunes et les travailleurs pour leurs conditions de vie et les libertés démocratiques concerne toutes les classes populaires, sans distinction entre Turcs et Kurdes !

S. I.

1  Rappelons qu’Erdoğan avait déjà « ouvert la main » au PKK en 2013, en plein Printemps turc, pour mieux diviser – avant de renier ses promesses aux partis kurdes.