Nos vies valent plus que leurs profits

Le réarmement de l’Allemagne franchit un nouveau cap

Friedrich Merz, du parti conservateur CDU, arrivé en tête des élections législatives de février, négocie avec la social-démocratie (SPD) du chancelier sortant Scholz pour former le futur gouvernement. Bien avant de terminer leurs tractations, ils se sont mis d’accord pour un changement de la Constitution qui permet de débloquer des centaines de milliards d’euros pour l’armement.

Un article constitutionnel dit « frein à la dette » interdisait à l’état de dépasser un déficit de 0,35 % du PIB. Il vient d’être modifié : les dépenses d’armement sont désormais exemptées de ce « frein à la dette », ce qui veut dire que l’armement n’a plus aucun plafond à respecter. Pour toutes les autres dépenses en revanche (salaires dans le service public, prestations sociales, l’éducation ou la santé), on continuera à nous raconter que le « frein à la dette » oblige à se serrer la ceinture.

L’autre volet du changement constitutionnel, pour plaire aux électeurs du SPD et des Verts, est un fonds spécial (des dettes ne figurant pas dans le budget normal, elles sont exemptées elles aussi du « frein ») de 500 milliards sur 12 ans qui servira à des investissements dans les « infrastructures ». Il a été beaucoup question des établissements scolaires délabrés pour faire passer la mesure, mais cela pourra tout aussi bien consister à retaper routes et ponts pour qu’ils supportent des chars lourds !

Avec les vannes ouvertes pour l’armement, la CDU discute d’élever les dépenses au niveau de 3,5 % du PIB, plus de 150 milliards par an, le double du montant actuel.

Le rôle de Die Linke, le parti de gauche

Pour changer la Constitution, il faut une majorité des deux tiers, aussi bien au Parlement qu’au Bundesrat qui rassemble les représentants des gouvernements régionaux. C’est pourquoi il fallait, en plus des voix de la CDU et du SPD, celles du parti Vert. Celui-ci ne s’est pas fait prier longtemps. Le parti de gauche (Die Linke) n’a pas voté le projet au Parlement… mais deux jours plus tard, ses ministres dans deux gouvernements régionaux ont voté pour au Bundesrat (conseil fédéral) ! Une de ses ministres à Brême le justifiait par sa « responsabilité pour la région » : « Le paquet peut donner à la région une marge de manœuvre financière dont elle a un besoin urgent. »

Belle illustration que ce parti, qui a connu un succès aux élections de février dernier avec des postures radicales qui lui ont valu l’afflux de dizaines de milliers de nouveaux adhérents, reste bel et bien le gestionnaire « responsable » du système capitaliste, y compris quand il s’agit d’armement impérialiste.

Ce vote crée un certain malaise au sein de Die Linke, des courants sur la gauche de ce parti ont vivement protesté. Mais il n’y a que l’extrême gauche révolutionnaire pour s’opposer clairement au réarmement en disant : « Non aux crédits de guerre ! »

Toni Robert (RSO)

 

 


 

 

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