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Le RN, un parti aux racines antisémites profondes

Déclarant le 16 juin dernier sur LCI que, dans le cas d’un face-à-face RN et Nouveau Front populaire, il voterait RN, Serge Klarsfeld a provoqué un certain émoi… Que celui qui a consacré sa vie à défendre la cause des déportés juifs de France fasse un tel appel semble incompréhensible. Avec sa femme Beate, ils ont milité contre l’impunité d’anciens nazis et ont même été surnommés « les chasseurs de nazis ». Ils ont également œuvré pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans les persécutions et dans la déportation de plus de 76 000 Juifs depuis la France lors de la Seconde Guerre mondiale.

L’extrême droite a toujours compté l’antisémitisme dans son fonds de commerce

De telles déclarations aident le RN à s’ériger en défenseur des Juifs, qui seraient aujourd’hui menacés par la gauche : « En cas de victoire de l’extrême gauche, je crains qu’il y ait des pogroms », ose ainsi déclarer sur BFM-TV l’ex-député RN des Bouches-du-Rhône, Franck Allisio, le lendemain du ralliement de Klarsfeld à son parti !

On marche sur la tête, quand on sait que c’est l’extrême droite qui a toujours compté l’antisémitisme dans son fonds de commerce, au côté de toutes les autres formes de racisme et d’intolérance. Durant la Seconde Guerre mondiale, c’est sur des militants d’extrême droite que le régime de Vichy s’est appuyé pour mettre en place sa politique de persécution des Juifs, en collaboration avec le régime nazi de Hitler, notamment avec l’aide du Commissariat général aux questions juives et de la Milice. Ce sont d’anciens collaborateurs, dont certains ont même combattu dans les Waffen SS, comme Pierre Bousquet et Léon Gaultier, qui ont fondé le Front national en 1972 aux côtés de Jean-Marie Le Pen. Ce parti agglomère des nostalgiques du régime de Vichy et des militants de l’Algérie française. Le Pen sera condamné à six reprises (en 1969, 1986, 1991, 1993, 1999 et 2012) pour ses déclarations antisémites. Et il n’a cessé d’en ajouter : proclamant que le génocide des Juifs n’est qu’un « point de détail » ou se permettant les jeux de mots les plus abjects (« M. Durafour crématoire »), il affiche un antisémitisme décomplexé et s’indigne encore en 2019 d’avoir « le droit de ne pas croire en Dieu mais pas aux camps de concentration ou à leur importance », comme si le négationnisme était une simple opinion. Il prend la défense du négationniste Robert Faurisson. Quant à Bruno Gollnisch, membre du bureau national du RN, il dénonce en 2022, lors de la célébration des 50 ans de son parti, la loi Gayssot, parce qu’elle réprime les propos racistes et antisémites.

Le RN peine à se donner un visage plus présentable

Marine Le Pen a prétendu avoir pris ses distances avec son père, et Bardella feint l’amnésie, déclarant qu’il ne pense pas que Jean-Marie Le Pen soit antisémite. Pourtant, l’antisémitisme fait toujours partie de l’idéologie du Rassemblement national. En témoignent les déclarations antisémites du candidat RN du Morbihan et de celui de Meurthe-et-Moselle sur leurs réseaux sociaux1. Bardella et Ciotti font mine de grimper aux rideaux et proclament qu’ils leur retirent le soutien du parti, mais ce ne sont que des simagrées.

Tout cela ne gêne plus aujourd’hui Serge Klarsfeld, qui, déjà en 2022, avait accepté de recevoir des mains de Louis Aliot, maire RN de Perpignan et ancien directeur de cabinet de Jean-Marie le Pen, la médaille d’honneur de la ville. Puis, suite à la prétendue « grande marche civique » contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023, à l’initiative de Macron en soutien à la politique coloniale de Netanyahou, à laquelle le RN avait participé de manière totalement opportuniste, Klarsfeld avait déclaré que c’était désormais un parti « fréquentable ».

Un revirement bel et bien politique

Les prises de positions des Klarsfeld vis-à-vis de l’immigration sont sans doute une clé majeure de compréhension. Le fils de Serge Klarsfeld, Arno, qui s’était pourtant fait passer à tabac en 1987 lors d’un meeting du FN pour avoir arboré un tee-shirt « Le Pen = nazi », n’a cessé de glisser vers l’extrême droite xénophobe. Il accepte des missions de Sarkozy en 2006. Président du conseil d’administration de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) à partir de 2011, il fait polémique en déclarant que la politique de reconduite à la frontière du gouvernement Fillon n’envoyait pas « vers Auschwitz ». Lors de ses dernières déclarations de soutien au RN, son père reprend ce discours xénophobe, jugeant que les musulmans « ne manifestent pas leur attachement à la France ». Ce faisant, il joue les idiots utiles et semble oublier les liens entre xénophobie et antisémitisme. Les politiques antisémites du régime de Vichy se sont nourries d’un vieil antisémitisme d’élites intellectuelles réactionnaires françaises et ont été plus immédiatement précédées par des politiques xénophobes et les mesures de persécutions qui ont d’abord ciblé les Juifs étrangers avant de toucher tous ceux qui étaient considérés comme Juifs en France. Déclarer, comme le fait Serge Klarsfeld, que le RN est un « parti pro-juif », est une manière de considérer les Juifs comme un électorat à part, qui n’aurait pas les mêmes intérêts – et les mêmes divergences d’opinion ! – que l’ensemble des citoyens. Comme cela a déjà été maintes fois souligné, assimiler les Juifs de France à l’État d’Israël est une manière de les étiqueter et de les considérer comme des étrangers, défendant un autre pays que la France. C’est non seulement faux mais dangereux : le RN est un parti fondamentalement raciste, qui n’a le culot aujourd’hui de se faire champion de la lutte contre l’antisémitisme que parce qu’il nourrit – avec ses compères de chez Zemmour – un racisme anti-arabe, anti-maghrébin ou plus généralement anti-musulman viscéral. Qui n’a jamais pardonné aux Algériens d’avoir arraché par leur lutte leur indépendance. Et un racisme surtout bien calculé pour tenter de semer la haine et de diviser les classes populaires.

Lydie Grimal

 

 

1  Le Monde, dans son édition des 23 et 24 juin, informe sur les propos antisémites d’un bon nombre de candidats et candidates investis par le RN pour ces législatives.