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L’écologie, c’est l’affaire de la classe ouvrière

Intervention de Guillaume, ouvrier dans l’aéronautique, au meeting de Toulouse du 29 mai 2024

Je voulais vous parler de la question écologique.

Je suis tombé sur un article qui parlait de la conférence de Jancovici dont vous avez dû voir les vidéos qui trainent sur internet.

Là il parlait de l’aéronautique, vous comprenez pourquoi ça m’a marqué. Il proposait de revoir notre rapport au temps. Et sa proposition concrète était de dire que les salariés pourraient prendre des congés sans solde pour avoir le temps de partir en vacances autrement qu’en avion.

Oui, l’industrie aéronautique est polluante. C’est vrai, mais cette manière de formuler les choses en laissant penser que les travailleurs pourraient prendre le temps de voyager différemment, ça m’a fait réagir.

Parce qu’en fait, le temps, c’est la ressource la plus précieuse qui existe sur cette planète et ça, les capitalistes, les patrons et les gouvernants l’ont bien compris. Ce qu’a dit Charlotte pour la jeunesse et comment le gouvernement s’en prend au temps de nos jeunes, c’est aussi vrai pour nous les adultes de la classe ouvrière.

Au boulot, à l’usine, il y a une pression continue qui nous est mise pour qu’on garde la tête basse et qu’on reste bien sage. Cette réalité s’étend bien au-delà des rangs des ouvriers qui portent encore aujourd’hui un bleu de travail. Elle s’étend à l’ensemble des travailleurs et travailleuses qui composent la classe ouvrière. Chacun ici saura se reconnaitre, faire le parallèle avec sa propre expérience, que vous travaillez à l’hôpital, dans les magasins, dans les services sociaux, dans les écoles et collèges, sur les chantiers ou dans le transport de voyageurs, c’est la même réalité partout.
Les patrons du privé et les directeurs des services publics en veulent à notre temps. Car pour eux, notre temps, c’est de l’argent.

Nous subissons une attaque permanente contre notre temps.

• Par la pression sur les bas salaires. Dès qu’on à cinq minutes de libre, alors on nous propose de faire des heures sup’. Avec l’inflation qu’on s’est pris et qui continue, ce n’est pas rare d’avoir des journées de travail qui durent plus de dix heures ou d’avoir des collègues qui cumulent plusieurs boulots.

• Mais c’est aussi avec la diminution des effectifs, par le non-renouvellement des postes et les réorganisations permanentes, qu’ils nous demandent de faire plus avec toujours moins. Ils nous laissent surchargés, essoufflés, comme pris dans un étau.

• Quand on ne bosse pas assez vite, ils savent faire du chantage à l’emploi en parlant de délocalisation dans d’autres pays. Alors certains prennent peur et se mettent à bosser plus vite, rentrent chez eux plus fatigués, mais toujours aussi mal payés. Oui, dans le monde entier, les patrons mettent la pression et partout ils essaient de nous mettre en concurrence. Nos ennemis ne sont pas les travailleurs des autres pays, mais bien les patrons de tous les pays qui ici, comme ailleurs, ne rêvent que de profits.

• Et ça c’est quand on travaille. Mais c’est encore pire quand on a le malheur d’avoir été licencié, ou d’être trop proche de l’âge de la retraite, ou qu’on a quitté son boulot pour s’occuper un temps de ses enfants. Il n’y a vraiment que ces incapables du gouvernement pour penser qu’on se la coule douce quand on est au chômage.

Alors pour revenir à ce que disait Jancovici, non, nous les travailleuses et les travailleurs, n’avons pas une minute à nous pour « prendre du recul sur notre rapport au temps ». Nous n’avons pas le luxe de prendre deux semaines de congés sans solde pour voyager en train plutôt qu’en avion.

Non, la solution à la crise écologique ne réside pas là. Mais pour autant la question écologique nous concerne tous, l’ensemble des habitants de cette planète, et si certains décident de l’ignorer ou de la faire bruler encore plus vite du haut de leurs tours dorées, eh bien tant pis pour eux. Nous ne les attendrons pas. Pour nous, les travailleuses et travailleurs révolutionnaires, nous pensons qu’au contraire, c’est une question de la plus haute importance, car le capitalisme met le feu à la planète.

L’été arrive et avec, nous sommes habitués maintenant, son lot de mauvaises nouvelles.

Une étude récemment publiée vient de démontrer que l’été 2023 est le plus chaud depuis 2000 ans dans l’hémisphère nord.
Mais le dérèglement climatique, ce n’est pas seulement des augmentations de température : l’Afghanistan est par exemple victime de nombreuses crues et inondations meurtrières depuis mi-avril. Celles-ci ont directement fait plusieurs centaines de morts et menacent de détruire les cultures dont dépendent près de 80 % de la population afghane.

Au Canada, il y a quelques semaines c’étaient 131 incendies dans le pays, qui ont menacé la ville de Fort McMurray que des milliers d’habitants ont dû évacuer devant l’avancée des flammes.

L’ironie de l’histoire, c’est que cette ville est construite autour de l’exploitation du pétrole. La boucle est bouclée, l’industrie du pétrole ultra-polluante accélère les canicules et favorise les méga-feux dont sont aujourd’hui victimes les habitants évacués.

Un dernier exemple, les iles Tuvalu, au large de l’Australie qui sont immédiatement menacées par la montée des eaux. D’ici la fin du siècle, c’est près de 95 % de la surface des îles qui risque d’être engloutie !

Mais que dire de l’hypocrisie de l’Australie, ce voisin riche et membre des nations dominantes, qui a proposé à la petite ile d’accueillir sa population… en échange d’un pacte de contrôle de sa politique sécuritaire et de contrats juteux pour l’exploitation de ses ressources de gaz.

On le voit bien, même sur ce terrain-là, il y a encore une fois des gagnants et des perdants, et encore une fois, ce sont les mêmes qui gagnent et les mêmes qui subissent.

Alors il y a urgence. Urgence à réagir, urgence à trouver des solutions.

Alors ici, à Toulouse, si on parle écologie, on est obligé de parler de l’aéronautique. C’est en effet une industrie au cœur de la question écologique.

Et parmi les dizaines de milliers de travailleurs qui se lèvent tous les jours pour aller produire encore et toujours plus d’avions, je sais que je ne suis pas le seul à questionner les plans d’Airbus et des grands donneurs d’ordres pour les années à venir.

Car les patrons de l’industrie aéronautique sont des capitalistes et, comme tous les patrons des industries polluantes, comme ceux de l’automobile avec leurs voitures électriques, ne voient la catastrophe écologique que comme une aubaine pour faire encore plus de profits.

Les avions polluent ? Alors voilà ce qu’on va faire… on va en produire 20 000 de plus, sur dix ans. Mais attention ! Avec des moteurs plus performants, qui consomment un peu moins et vous allez voir, on va les faire voler en triangle, ou avec des carburants qui n’existent pas encore… Non ? Parce que le prix d’un avion c’est autour de 100 millions d’euros et 20 000 x 100 millions… Rien que de faire le calcul ça les fait baver.

Alors la solution face au danger de la crise climatique ne peut être ni de faire confiance aux patrons des industries polluantes, ni de faire confiance aux politiciens qui ne font que passer des lois pour aider les patrons, ni de prendre des congés sans solde pour aller en vacances en train plutôt qu’en avion.

Mais ce que tout ce petit monde ne voit pas, c’est que nous ne sommes pas que des pions que l’on peut presser toujours plus pour en sortir des milliards et des milliards de profits. Car dans les rêves les plus fous de tous les capitalistes de cette planète, il y aura toujours une constante : ce sont les travailleurs qui produisent tout. Qu’on soit ingénieur, technicien, ouvrier, c’est nous qui produisons les richesses et c’est nous qui avons donc la capacité d’arrêter ou de changer ce que nous produisons.

Alors la question du temps revient, mais à l’échelle de la société entière. En mettant en commun l’ensemble des forces productives de l’humanité, en répartissant le travail entre tous, en arrêtant de produire pour des profits mais en produisant pour les besoins réels de l’humanité, alors nous nous dégagerons le temps nécessaire pour vivre et non plus survivre.

Mais ce temps-là, il faudra le gagner, il faudra le reprendre aux capitalistes et cela fait plus de 100 ans que les travailleurs se battent pour ça. À la fin du 19e siècle, les travailleurs du monde entier se battaient déjà pour les 3 × 8, non pas les 3 × 8 du patron, mais les 3 × 8 du monde du travail. huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures de loisir !

Mais cela demandera aussi de se battre pour ne plus être pris à la gorge à cause de nos salaires trop bas.

Et à travers l’ensemble de ces combats, menés par l’ensemble des travailleurs du monde entier, nous aurons les moyens de contrôler notre société et nous aurons les moyens réels d’apporter des solutions à la crise écologique.

Car on ne peut pas décemment penser que c’est par un ensemble de choix individuels que la planète, composée de plus de sept milliards d’êtres humains, sera sauvée.

À ceux d’entre vous qui se demandent ce que pourrait être ce pouvoir des travailleurs, ceux qui se demandent quoi faire et si tout ça n’est pas un peu utopique, car il n’y a plus une seconde à perdre et que chaque année qui passe est de plus en plus catastrophique, je n’utiliserai qu’un seul chiffre.

Celui du budget annuel alloué à l’armée américaine : 886 milliards de dollars. Je vous laisse imaginer ce qu’on pourrait faire avec cette montagne d’argent. Que ne pourrions-nous pas faire, collectivement, si ces 900 milliards de dollars étaient attribués à la recherche de solutions, à la réalisation d’études qui chercheraient à croiser l’ensemble des causes du réchauffement climatique et chercheraient à trouver des solutions pour la survie collective de l’humanité.

Mais il y a plus. Les solutions à la crise climatique ? Mais elles sont connues ! Les spécialistes de biologie, de géologie, de pédologue (la science des sols) ont abondamment écrit sur ce qu’il faudrait pour lutter contre le réchauffement climatique. Ils sont déjà bien contents quand ils réussissent à faire connaître leurs études, leurs solutions. Mais ils ne sont pas au pouvoir, et ils n’ont pas les moyens nécessaires pour mettre en œuvre, ou même expérimenter, leurs solutions.

Alors oui, avec ces 900 milliards, l’humanité pourrait se doter non pas d’une armée comme celle des USA, utile uniquement pour leur maintien de l’ordre impérialiste, mais bien d’une armée de chercheurs, de techniciens, d’ouvriers, équipée non pas des derniers tanks et missiles intercontinentaux, mais bien travaillant dans les meilleurs laboratoires avec les meilleurs équipements et ayant suivi les meilleures formations.

Et que dire de ceux qui se posent comme les sauveurs de l’humanité, Elon Musk et son programme de colonisation de l’espace ? Oui, les ingénieurs et ouvriers de SpaceX ont été capables de concevoir une fusée capable de décoller et d’atterrir seule. Oui, l’humanité, est pleine de ressource et d’innovation. C’est la même chose lorsque les chercheurs de l’industrie pharmaceutique ont été capables de produire un vaccin contre le Covid en seulement quelques mois.

Mais ce que je sais surtout, c’est que systématiquement, ces recherches, ces innovations n’ont jamais été prises pour aider ou sauver l’humanité, quoi qu’en dise Elon Musk ou les dirigeants des groupes pharmaceutiques comme Bayer, Sanofi, etc. La seule chose que ces gens-là ont jamais recherché, ce sont les profits.

Alors l’heure n’est pas à trouver des solutions dans le cadre du système capitaliste, si urgence climatique il y a vraiment, il y a vraiment urgence à renverser le capitalisme et à nous donner collectivement les moyens d’y remédier.
Et c’est pour tout ça, pour notre confiance dans la classe ouvrière de cette planète, que nous n’opposons pas les travailleurs des industries polluantes avec les intérêts de la planète. Nous défendons aujourd’hui, au corps à corps, tous les emplois, y compris de ceux qui polluent, car nous savons que les travailleurs peuvent tout faire, s’ils ont le pouvoir de décider.

C’est nous qui produisons, c’est nous qui devons décider. Alors seulement, nous accepterons d’être responsables de ce qui se produit et de la manière de le faire. Notre écologie, c’est l’écologie de ceux qui subissent au premier lieu les changements climatiques et c’est l’écologie de ceux qui ont le pouvoir d’y remédier.

Et pour conclure, je terminerai en disant que nous n’opposons pas pour autant notre écologie de classe, à celle qui mobilise des milliers de personnes lors des rassemblements contre les méga-bassines, ou contre l’A69.

Je peux vous assurer que dans le quotidien, il n’y a pas de meilleur moyen que de commencer sa semaine de travail par des collègues qui viennent vous montrer des vidéos de jeunes qui campent à la Sorbonne pour défendre le peuple palestinien, ou de jeunes qui se battent dans les champs pour un monde qui respire !

Alors à tous les jeunes et tous les moins jeunes, qu’on se batte pour la Palestine, pour l’écologie, pour le droit des femmes ou pour la Kanaky, il n’y a qu’une seule chose qu’on n’a pas le droit de faire : c’est de baisser la tête !