Avant sa nomination comme Premier ministre, Sébastien Lecornu fut pendant plus de cinq ans l’inamovible ministre des Armées du gouvernement, conservant le poste de mai 2022 à septembre 2025 sous Borne, Attal, Barnier comme Bayrou. Durant ces trois années, le monde a assisté, entre autres, au déclenchement de la guerre en Ukraine, au génocide à Gaza, à la réélection de Trump et à l’aggravation des tensions entre les États-Unis et la Chine. Lecornu, en bon serviteur de la bourgeoisie française, en a tiré les conséquences sur l’orientation militariste de l’État.
Le 14 octobre 2024, il était auditionné à l’Assemblée nationale. Se félicitant que la trajectoire budgétaire tracée par la loi de programmation militaire de 2024-2030 soit respectée, avec une augmentation de 3,3 milliards d’euros, il affirmait : « S’il y a x bateaux américains de moins pour sécuriser la mer du Nord, la Manche, l’Atlantique ou la Méditerranée, cela doit donc être autant de bateaux français ou européens en plus pour assurer les questions de sécurité. » Un ministre fier de déclarer, à une autre audition, combien il « aime profondément […] nos industriels » de l’armement et qui se réjouissait d’être « un peu leur directeur export » ! Il demandait ensuite « aux Européens de se prendre en main, pas uniquement pour des questions de PIB, mais aussi de se prendre en main sur leur capacité à appliquer des plans de défense ».
La militarisation de la vie sociale à venir va percuter la vie quotidienne de la population. Lecornu le confirme : « Ce n’est pas du tout le boulot du ministère des Armées de veiller à la protection contre les cyberattaques de toutes les mairies de France et de tous les hôpitaux de France, mais ce doit être un réflexe civil, du ressort des ministères civils. » Car il ne s’agit pas seulement d’augmenter les budgets et la capacité de production des usines d’armement, ni même d’intensifier le bourrage de crâne sur l’air des chars russes prêts à défiler sur les Champs-Élysées, encore faut-il que la société dans son ensemble soit organisée en fonction des besoins nécessités par une guerre, comme disent les militaires, « de haute intensité ».
Ce que Lecornu entend quand il parle de « la prise en main par les ministères civils du sujet de la défense » a été en partie dévoilé cet été quand Le Canard enchaîné a fait fuiter une note du ministère de la Santé demandant aux Agences régionales de santé de sensibiliser « la communauté soignante aux contraintes d’un temps de guerre marqué par la raréfaction des ressources et l’augmentation des besoins ».
Car si l’économie de guerre n’est pas encore mise en place à proprement parler, l’État de la bourgeoisie s’y prépare dès aujourd’hui.
Michel Grandry
Sommaire du dossier
- Lecornu, ministre des Armées et Premier ministre : tout un programme à combattre !
- La farce de la « défense de la patrie »
- Industrie de l’armement : concentration et monopoles
- Secteur en plein boom, exploitation de haut vol
- Avion européen : des ailes un peu courtes
- Les armées recrutent : combattre l’embrigadement !