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Lectures d’été… des livres pour s’évader !

Pour l’été et ses moments de loisirs, voilà des livres. Leur présentation résulte de choix subjectifs, avec pour boussole un « zoom » sur des ouvrages récents et en poche (donc pas trop chers), ouvrant sur des situations sociales et politiques et sur d’autres pays et continents aussi. Évasion dans l’espace et le temps, et plaisir et/ou intérêt garantis… du moins nous l’espérons !

 

 


 

 

Et ils dansaient le dimanche, Paola Pigani (Lianalevi Piccolo)

1929, une jeune hongroise arrive à Lyon pour travailler dans une usine de production de viscose (soie artificielle bon marché). C’est le quotidien des travailleurs du coin, immigrés d’origine italienne ou française, dans ces années 1930. Pauvreté, chômage, racisme et montée de l’extrême droite, puis Front populaire.

 

 


 

 

La villa aux étoffes, Anne Jacobs (Éditions 10-18)

Cinq volumes sortis en poche. À Augsbourg, dans le sud de l’Allemagne, la famille Melzer, grande bourgeoisie, possède son usine textile et emploie de nombreux domestiques. Ce petit monde vit au gré des tumultes de l’histoire politique, économique et sociale du pays entre 1913 et la veille de la Seconde Guerre mondiale (l’action d’un sixième et dernier volume, qui n’est pas encore sorti en poche, se passe après la guerre).

 

 


 

 

La carte postale, Anne Berest (le Livre de poche)

Des années après la réception d’une carte postale anonyme, portant le nom de membres de sa famille morts à Auschwitz, l’autrice mène l’enquête pour savoir d’où vient cette carte. Ce qui la mène à la découverte de parcours d’exilés de la Russie vers la France en passant par la Palestine. Elle finit par trouver ses réponses…


 

 

L’école des soignantes, Martin Winckler (Folio)

Roman-manifeste pour une autre pratique de la médecine qui se déroule dans le futur, en 2030. On y retrouve des personnages d’un autre ouvrage de l’auteur, Le Chœur des femmes, roman pluriel réquisitoire contre la façon dont la médecine traite les femmes dans la société actuelle.Une utopie qui fait réfléchir sur l’existant.


 

 

Avec la permission de Gandhi, Abir Mukherjee (Folio policier)

Dans ce troisième volume d’une série commencée avec L’Attaque du Calcutta-Darjeeling et Les princes de Sambalpur (chez Folio policier aussi), voilà à nouveau Sam Wyndham et l’Inde coloniale des années 1920, sur fond des débuts du mouvement de désobéissance civile pacifique lancé par Gandhi. Une intrigue policière mêlant histoire et politique, épinglant le racisme et les préjugés de la société coloniale.


 

 

Minuit à Atlanta, Thomas Mullen (Rivages/Noir)

Le troisième volume d’une série se déroulant à Atlanta, dans le sud des États-Unis dans les années 1950 (Darktown et Temps noirs, les deux premiers, sont à lire aussi), alors que la ville a embauché ses premiers policiers noirs. Là, en 1956, le mouvement de boycott des bus vient de commencer à Montgomery, dans l’État voisin, quand le directeur noir d’un journal est retrouvé assassiné. Racisme et anticommunisme sont au programme.


 

 

Crépuscule à Casablanca, Mélvina Mestre (Points)

Casablanca 1951, dans le Maroc colonial sous domination française, Gabrielle Kaplan, détective privée (au féminin, ce qui est rare), est chargée d’une affaire a priori sans difficulté et se retrouve entre cadavres et hommes de main – CIA, truands et autres policiers. Entre polar, roman d’espionnage et historique.
CIA, truands et autres policiers. Entre polar, roman d’espionnage et historique.


 

 

Mahmoud ou la montée des eaux, Antoine Wauters (Gallimard)

Syrie, en pleine guerre civile, un vieil homme au crépuscule de la vie prend sa barque. Mahmoud, poète épris de liberté, raconte : ses enfants partis se battre contre Bachar el-Assad, son passage en prison sous la dictature d’Hafez el-Assad, les exactions de Daesh…. mais aussi ses amours et ses souvenirs d’enfance dans un village maintenant englouti par les eaux suite à la construction d’un barrage. Mélancolie et écriture magnifique !


 

 

Le Grand Monde, Pierre Lemaître (le livre de poche)

Après sa trilogie courant de la Première à la Seconde Guerre mondiale, Pierre Lemaître s’attaque au début des « Trente glorieuses ». L’intrigue foisonnante nous fait voyager de Beyrouth à Saigon en passant par Paris, sur les traces des enfants de la famille Pelletier, propriétaires d’une savonnerie au Liban. Saga familiale aux multiples rebondissements sur fond de trafic de piastres, de féminicides et de répression des grèves des mineurs du Nord. Un grand art à entremêler la petite histoire dans la grande.


 

 

Deux livres au cœur de la Russie post-soviétique

 

 

La peste sur vos deux familles, Robert Littell (J’ai lu)

Richesse de l’intrigue ? Profondeur psychologique des personnages ? Ce roman vaut surtout par la réalité historique qu’il donne à voir : la Russie de Boris Elstine, suite à la chute de l’URSS, livrée aux – gros ! – appétits capitalistes. On y suit les affrontements sanglants entre gangs mafieux en concurrence sur le marché de la sécurité privée à Moscou quand ils ne se transforment pas eux-mêmes en investisseurs tout à fait respectables. Des voyous anticommunistes, misogynes et antisémites, fort peu sympathiques !

Le tigre, John Vaillant (Libretto)

Sur la même période, nous voilà embarqués à la fin des années 1990 loin de Moscou, dans l’Extrême-Orient russe et sur les pas de Iouri Trouch, responsable de « l’Inspection Tigre. » Elle a pour mission de neutraliser un des tigres de Sibérie qui a malencontreusement dévoré quelques habitants d’un village isolé. À partir de cette histoire vraie, John Vaillant, journaliste de son état, mène une enquête minutieuse sur l’histoire et la sociologie de cette région reculée qui subit de plein fouet une paupérisation massive suite à l’écroulement du système soviétique. Et des pages passionnantes sur le tigre de Sibérie et les rapports complexes qu’il entretient avec la population locale.


 

 

Le temps où nous chantions, Richard Powers (10/18)

En musique dans les États-Unis des années 1930 aux années 1990. C’est la vie d’une fratrie métisse née d’un père juif allemand et d’une mère noire. Les deux frères et la sœur perdent peu à peu leur innocence enfantine et cherchent de différentes manières, entre intégration et engagement, leur place dans une société gangrenée par le racisme. Un roman dont le fil conducteur est la musique, échappatoire qui rassemble tous les personnages. Et des thèmes aussi variés et finement abordés comme le pardon, les ruptures familiales, les non-dits et les liens fraternels. Un grand livre sur les contradictions de la société américaine et le contexte dans lequel s’est développé le mouvement noir américain.


 

 

Brothers, Yu Hua (Babel)

Deux demi-frères sont entraînés dans les bouleversements économiques et politiques de la Chine, de la « révolution culturelle » à l’ouverture économique contemporaine. Ce roman qui pèse son poids de près de 1000 pages, ne tombe pas des mains pour autant : Yu Hua, auteur également du très bon Vivre ! sur la campagne chinoise des années Mao, nous passionne au récit du destin de ces deux frères dont la solidarité est mise à l’épreuve par leurs trajectoires sociales opposées. L’utile et l’agréable pour en savoir plus sur l’essor d’une Chine capitaliste et inégalitaire.


 

 

Chavirer, Lola Lafon (Babel)

Celle qui « chavire », c’est Cléo, une adolescente de milieu populaire passionnée de danse. Pleine de rêves d’ascension sociale et de succès, Cléo est victime d’un réseau de prédateurs sexuels… Dans un livre à la narration éclatée, on retrouve Cléo à différents âges de sa vie en prise avec ce passé traumatique. Lola Lafon décortique avec finesse les mécanismes d’emprise, la gestion de la culpabilité, la reconstruction… Une lecture dure mais essentielle sur un sujet majeur de notre société.


 

 

Frakas, Thomas Cantaloube (Folio)

Après l’Algérie, les coulisse de la décolonisation camerounaise. Dans cette suite de Requiem pour la République, l’auteur et ancien journaliste continue sa radioscopie de la mise en place de la Françafrique : massacres des populations, coups tordus, affaires lucratives pour des entreprises françaises sont au programme ! Un roman passionnant, documenté. Humour et cynisme au rendez-vous : l’un des personnages le plus moral et le plus loyal est un… mafieux !


 

 

Silencios, de Claudio Fava (J’ai lu)

Argentine 1978, la dictature de Videla sévit depuis deux ans et s’apprête à accueillir la Coupe du monde de football pour faire diversion. Dans le club de rugby de La Plata, formé de jeunes travailleurs ou lycéens et étudiants plutôt pauvres, à l’image de leur quartier, les joueurs ne s’occupent pas de politique. Sauf quand l’assassinat d’un des leurs les fait réagir… et fait réagir le pouvoir aussi. Écrit par un député et leader de la gauche italienne, ce court roman est inspiré d’un fait réel et rend hommage à ceux qui un jour disent non, quelles qu’en soient les conséquences.


 

 

Une étincelle de vie, de Jodi Picoult (Babel)

Ce roman américain sorti en 2019 en France est en phase avec une actualité américaine. Celle de la remise en cause du droit à l’avortement. Le récit se déroule au Mississippi : une attaque armée suivie d’une prise d’otages a lieu dans la dernière clinique de l’État à pratiquer l’avortement. Suivi de différents personnages, heure par heure mais à rebours des événements, et découverte de ce qui les a amenés là. Récit captivant, non sans rebondissements. Des personnages complexes et attachants. Un document sur l’avortement.


 

 

Donbass, de Benoit Vitkine (le Livre de poche)

L’auteur, grand reporter au Monde, a obtenu le prix Albert-Londres (récompense prestigieuse de journalisme) en 2019 pour une série de reportages sur l’Ukraine, dont le Donbass, région minière de l’est du pays, en guerre depuis 2014 suite au soulèvement de séparatistes pro-russes. L’assassinat sauvage d’un enfant est le point de départ de l’enquête… qui nous entraîne dans cette région, en 2018 alors que la guerre y sévit depuis quatre ans. La première guerre, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine le 24 février 2022.

 

 


 

 

Marseille 73, Dominique Manotti (Points policier)

C’est le style d’un roman policier, partant de l’enquête sur la mort du jeune Lounes dans une ratonnade à Marseille. Mais l’histoire vraie d’une vague d’attentats racistes qui a marqué l’été 1973 dans le midi de la France, alors qu’entrait en application une nouvelle loi contre l’immigration (déjà !). Milieux d’extrême droite issus de l’OAS de la guerre d’Algérie, leurs liens avec les politiciens de droite, leurs relais dans la police. De l’autre côté : création du Mouvement des travailleurs arabes (MTA), grèves des travailleurs migrants qu’il organise contre le racisme et la loi sur l’immigration, et pleutrerie des syndicats, CGT en tête, qui s’en désolidarisent. À 50 ans d’intervalle, un polar en résonance avec l’actualité d’aujourd’hui.

 

 


 

 

Un auteur : Éric Vuillard

Révoltes des paysans en Allemagne au XVIe siècle, Révolution française, partage de l’Afrique entre grandes puissances, massacres des Amérindiens aux États-Unis, boucherie de la Première Guerre mondiale, arrivée au pouvoir du nazisme, guerre d’Indochine… C’est à une grande relecture de l’histoire moderne, sous forme pamphlétaire contre les dominants, que se livre Éric Vuillard depuis plusieurs années. La recette, succulente, est toujours la même : des récits courts et très documentés, une plume acérée, des portraits assassins des puissants. En somme, l’histoire racontée du bon côté de la barricade, c’est pas tous les jours !

 

 

(Article paru dans Révolutionnaires numéro 3, été 2023)