Les uns après les autres, des joueurs de l’équipe de France ont été interrogés sur la situation politique avant le début de l’Euro 2024. Si Olivier Giroud et Benjamin Pavard ont fait preuve de l’habituelle tiédeur qui a cours dans ce milieu, on ne pourra pas en dire autant de la déclaration de Marcus Thuram, rapidement recentrée par le repiquage dans l’axe de Kylian Mbappé et de Thierry Henry. On ne sait pas si Marcus Thuram a demandé lui-même à passer en conférence de presse le lendemain des deux premiers cités pour expliciter la position de ses collègues, mais c’est bien possible.
Prénommé Marcus en hommage au militant panafricaniste Marcus Garvey, tandis que son frère Khephren porte le nom d’un éminent pharaon noir, leur père Lilian Thuram, champion du monde 1998, est depuis sa retraite de footballeur un militant antiraciste infatigable et reconnu. Certes, aucun des trois n’est un révolutionnaire, mais en matière de dynastie, il n’y a pas match avec les Le Pen.
Faisant preuve de moins de flair que dans la surface, Kylian Mbappé a choisi de se mettre à distance des deux « extrêmes ». Pas comme quand il prenait une position courageuse sur le meurtre de Nahel l’été dernier. Mais une position macroniste somme toute logique pour un millionnaire flatté par le président lui-même depuis 2018. Une position cohérente également au regard de ses revenus et de ce qu’en ferait un pouvoir véritablement d’extrême gauche… Sans rien ne lui enlever de son talent, bien sûr.
Pour l’extrême droite, les hauts revenus des footballeurs ne suffisent pas à en faire de véritables patriotes. Ses dirigeants, s’inscrivant dans une longue tradition (voir encadré), fustigent ces prises de position, car pour eux, les footballeurs doivent jouer au foot, les travailleurs doivent travailler et silence dans les rangs. Pourtant, dans les prochaines semaines, et quel que soit le résultat des législatives, c’est tous les travailleurs, footballeurs du dimanche inclus, qui pourraient donner des « leçons de politique » au Rassemblement national.
Philippe Cavéglia
L’extrême droite contre les numéros 10
Raymond Kopaszewski, ballon d’Or 1958, avait dû, étant jeune, franciser son nom pour répondre à la xénophobie anti-polonaise ambiante. Michel Platini se défendra toujours de ne pas chanter la Marseillaise avec cette remarque truculente : « Les Allemands, je ne voulais pas égorger leur fille et leur compagne, mais seulement leur prendre le ballon. » Zinédine Zidane et ses collègues seront traités en 1996 par Jean-Marie Le Pen de « joueurs étrangers baptisés équipe de France ». Sur le cas Benzema, il y aurait un livre à écrire, on notera juste que Manuel Valls pesa de tout son poids en 2015 juste après les attentats pour rendre effectif son bannissement de l’équipe de France. Contrairement à ces quatre génies du football, Kylian Mbappé attend encore son ballon d’Or mais est déjà la cible de l’extrême droite.