Intervention de Loïse au meeting du NPA à Strasbourg le 2 mars 2023.
Ces dernières semaines, vous l’avez vu, le gouvernement a multiplié les pirouettes pour nous présenter sa réforme des retraites comme favorable aux femmes. Le gouvernement a sorti l’artillerie lourde ! Élisabeth Borne a déclaré à l’Assemblée : « Je ne peux pas laisser dire que notre projet ne protégerait pas les femmes. Au contraire ! »
Devant tant d’arguments, elle se sent obligée de se justifier sur France Info : « Cette réforme, elle protège les femmes, notamment celles qui ont des carrières interrompues, en ne décalant pas l’âge où vous pouvez partir sans décote, quel que soit le nombre de trimestre. »
En fait, par là, la Première ministre se félicite que les femmes puissent partir sans décote… en oubliant bien sûr de préciser que cet âge de départ sans décote reste ce qu’il est, c’est-à-dire 67 ans ! Comme si elle nous faisait un cadeau ! C’est vrai qu’il aurait pu être reculé à 69 ou pourquoi pas, allons-y franchement, 70 ans… C’est ça pour eux une réforme favorable aux femmes ?
Et ça ne s’arrête pas là ; après le passage de la réforme, il resterait 25 % des retraités dont la pension serait inférieure à 1200 euros… dont 40 % des femmes ! Après l’inégalité au travail, l’inégalité après le travail, c’est bien sûr l’inégalité à la retraite qui attend les femmes.
Une femme sur deux, hors congé maternité, réduit ou arrête son activité professionnelle à un moment ou un autre. On connaît la chanson, on en est tous victime ou témoin : après la naissance d’un enfant, faute de place en crèche ou pour s’occuper d’un parent dépendant, par manque de services ou d’argent pour les payer. Car, dans cette société, même si de plus en plus d’hommes participent aux activités domestiques indispensables, même si des congés paternité ont été instaurés, ce sont les femmes qui continuent majoritairement à assumer ces tâches domestiques, à s’occuper du ménage, des enfants et des soins à autrui…
On a donc des carrières hachées, des carrières interrompues, et les salaires les plus bas et des retraites de misère qui ne vont pas s’arranger.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! Les femmes touchent 18,5 % de moins que les hommes d’après l’Insee, et ont un écart de 40 % avec les pensions de retraite des hommes (d’après les données de la Drees, source statistique du ministère du Travail). Alors bien sûr, on nous explique que c’était pire avant, et que la société irait nécessairement vers un avenir meilleur, toujours plus égalitaire… mais à ce rythme-là, il faut se rendre compte que sur la base de l’évolution récente des salaires et du temps de travail, on a calculé qu’il faudrait plus d’un siècle pour atteindre l’égalité entre hommes et femmes.
Le capitalisme utilise le vieux patriarcat
Un siècle ça fait quand même long à attendre. Pour cause, les vieilles mentalités et structures sociales patriarcales sont maintenues et utilisées par le capitalisme. Les inégalités, c’est bon pour les patrons et leurs profits – parce que ça nuit à notre cohésion à nous, les travailleurs : la division entre ceux qui travaillent dans le public, et ceux qui travaillent dans le privé, entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas, et sans compter toutes les discriminations liées aux origines, à la couleur de la peau, on pourrait continuer la liste encore longtemps !
Parmi ces divisions, celle qui se joue entre les hommes et les femmes, qui pèse sur les pensions des femmes, et pesait déjà sur elles avant ce dernier projet de réforme.
Militer pour une autre société
Cette situation n’est pas une fatalité : la société n’est pas immuable. Il va falloir nous sortir de cette préhistoire et débarrasser la société de ce qui la bouffe : en premier lieu l’exploitation du travail humain pour en tirer profit, sans considération pour nos besoins, même de première nécessité. C’est de cette exploitation salariée que découle la situation d’infériorité imposée aux femmes. Cette société leur impose la responsabilité de la sphère domestique à laquelle beaucoup d’entre elles sont cantonnées. Alors bien sûr, les conditions diffèrent selon les pays et les régions du monde, jusqu’à l’exemple des femmes afghanes, interdites même de la moindre éducation scolaire.
Imaginez ! Une société débarrassée du profit, dans laquelle on réorganiserait la production en diminuant et en partageant le temps de travail pour toutes et tous, et aussi et surtout en offrant des structures sociales collectives de qualité – restaurants, crèches, écoles, laveries, lieux d’habitation et de loisirs, moyens de transport, pour que les femmes soient libérées de la double tâche non rémunérée qui pèse aujourd’hui sur elles. Une fois libérées et égales, elles ne souffriraient plus non plus des préjugés sexistes. C’est vers cette société que nous voulons aller. Mais pour ça il va falloir bouleverser tout l’ordre établi !
Pour ce faire, les femmes ne ménagent pas leurs efforts : elles sont depuis longtemps actrices de luttes d’ampleur ! Les mouvements féministes marquent aujourd’hui l’actualité nationale et internationale. Ces luttes féministes soulignent notamment les violences sexistes et sexuelles, les féminicides, les atteintes à la liberté de l’avortement. Et la jeunesse se mobilise de plus en plus sur ces questions, et à juste titre.
Aujourd’hui, avec ce mouvement contre la réforme des retraites, les femmes ont un rôle tout particulier à jouer.
Nous sommes à la veille d’une nouvelle mobilisation à partir de mardi prochain. C’est à venir mais toutes nos antennes nous disent que la journée du 7 mars sera forte, voire très forte.
Les femmes s’y trouvent en première ligne. D’abord parce qu’elles appartiennent à cette moitié de l’humanité qui subit des formes d’oppression spécifique mais aussi parce qu’elles sont la moitié de ce monde du travail en lutte aujourd’hui. Elles peuvent faire basculer la situation sociale. Rappelons que les femmes étaient déjà nombreuses dans le mouvement des Gilets jaunes qui a fait reculer Macron. À l’international, on ne peut pas s’empêcher de penser aux Iraniennes qui sont en première ligne de la résistance. Et bien sûr, on ne peut pas oublier les ouvrières du textile qui ont lancé le coup d’envoi de la révolution russe de février 1917 !
Alors aujourd’hui, ce n’est pas encore la révolution, mais comment se présentent les suites du mouvement contre la réforme des retraites ? Je ne vais pas anticiper sur l’intervention de mon camarade Clément mais juste faire une mention spéciale concernant les femmes.
Le 7 mars… Les directions syndicales, la CFDT en tête, proposent de mettre le « pays à l’arrêt ». Pourtant ni Laurent Berger de la CFDT ni même Philippe Martinez de la CGT (dont le ton est certes un peu plus musclé) n’appellent au démarrage d’une grève reconductible.
Seules certaines fédérations de la CGT, ou appels intersyndicaux, annoncent la reconductible mais seulement dans certains secteurs. Ce qui se profile, de ce fait, ce sont des journées successives, mais fractionnées : le 7 mars donc le pays à l’arrêt, le 8 mars une journée internationale pour le droit des femmes avec grève et manifestations, le 9 mars une mobilisation à l’appel d’organisations de jeunesse. Une évidence s’impose : les femmes, dans ce scénario, occupent une place décisive, car elles sont la charnière, on pourrait dire le chaînon qui va compter ! Elles peuvent contribuer à ce que la journée du 7 mars ait un lendemain spectaculaire, avec le succès de leur propre journée du 8 mars, et qu’elle soit suivie d’un 9 mars soutenu par la jeunesse. Oui, si les femmes sont par centaines de milliers dans les rues le 8 mars, elles peuvent grandement aider à ce que cette enfilade de journées soit le début d’une vraie grève qui serait reconduite de jour en jour, quand bien même les directions syndicales ne l’avaient pas voulu.
Les femmes peuvent être un élément moteur, avoir un rôle stratégique ! Certaines parlent de « grève des femmes », eh bien pourquoi pas ! Mais cette grève ne doit pas se limiter au foyer, cette grève des femmes devra aussi être une grève des travailleuses. Les manifestations prévues le 8 mars peuvent et doivent être un levier pour la mobilisation du monde du travail. Les femmes doivent y appeler tous les travailleurs. Leur rôle dans la dynamique de la lutte contre la réforme des retraites peut être considérable.
Nous ne disons pas cela en l’air.
Cet objectif est à notre portée ! Il faut se rappeler que ces dernières années ont connu des mobilisations importantes de femmes, dont de très jeunes femmes. Les manifestations du 8 mars 2020, dans la foulée des grèves reconductibles de l’hiver 2019-2020 avaient été énormes. Cette année, davantage encore que les années précédentes, la mobilisation « féministe » peut être massive, voire super massive. La mobilisation des femmes le 8 mars, que nous devons encourager et à laquelle nous devons participer de toutes nos forces, peut être un tremplin pour la suite, encourager les hommes à s’y mettre, et – disons-le tout net – encourager au basculement vers une grève générale.
Tous les articles de notre dossier 8 mars :
- Assez d’être une variable d’ajustement quand nous sommes la moitié de l’humanité !
- Les femmes et le mouvement contre la réforme des retraites
- 8 mars : grève féministe contre la réforme des retraites
- IVG : où en est-on ?
- Les femmes afghanes, éternelles variables d’ajustement des pouvoirs concurrents
- Écoute, jolie Márcia, bande dessinée de Marcello Quintanilha
- Derrière le natalisme : une idéologie réactionnaire à des fins racistes
- Violences faites aux femmes : révolutionnaires, tant qu’il le faudra
- Auxiliaires de vie Domidom : après la grève, la lutte continue
- En Iran, la révolution sera féministe !