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Grève à Boeing

L’article ci-dessous a été écrit par les camarades du groupe américain Speak Out Now il y a une dizaine de jours. Depuis, lundi 4 novembre, un nouveau projet a fini par être accepté par les syndicats et, semble-t-il, validé par une majorité de travailleurs grévistes – il reste à voir dans quelles conditions. Toujours est-il que les travailleurs, qui étaient en grève depuis le 12 septembre, ont obtenu une augmentation des salaires de 38 % sur quatre ans – ils réclamaient 40 %. De ce point de vue, c’est donc une victoire. Mais, rien sur les retraites, alors qu’ils réclamaient le rétablissement de l’ancien dispositif, bien plus avantageux, et avaient refusé l’accord par deux fois faute de satisfaction sur cette revendication comme le relate l’article des camarades de SON.

Le 6 novembre 2024

 

 


 

 

Les grévistes de Boeing rejettent à nouveau la nouvelle offre – Les travailleurs disent : « Pas de retraites, pas d’avions. »

Près des deux tiers des 33 000 travailleurs en grève de Boeing, membres du syndicat « Association internationale des machinistes » (AIM), ont rejeté par un vote tenu mercredi 23 octobre la proposition de la direction. Cette offre prévoyait une hausse des salaires de 35 % sur quatre ans. Rappelons que la grève qui paralyse en ce moment les usines d’assemblage de la région de Seattle a éclaté le 12 septembre dernier suite au rejet, exprimé par un premier vote de 96 % des membres du syndicat AIM, d’une offre qui prévoyait une augmentation salariale de 25 %. Bien qu’une augmentation plus importante des salaires pour compenser l’inflation élevée à Seattle reste un problème, les travailleurs affirment que le rétablissement de leurs pensions de retraite est le principal point de friction.

Depuis les années 1940, le contrat de Boeing avec l’AIM garantit un montant mensuel des pensions. Les régimes de retraite qui garantissent de tels niveaux de prestations négociés sont appelés « régimes à prestations définies ». L’entreprise est alors légalement tenue d’effectuer les paiements négociés chaque mois, quelle que soit la situation de l’entreprise et indépendamment des aléas du marché boursier.

En 2014, Boeing a exigé que le régime de retraite à prestations définies soit gelé et que ses employés syndiqués soient transférés vers des plans dits « 401k ». Dans le cadre d’un plan 401k, le versement mensuel effectif au moment de la retraite dépend du niveau du marché boursier au moment où le travailleur prend sa retraite. C’est donc lui qui endosse tous les risques, et plus l’employeur.

Le syndicat AIM a accepté ce changement et a programmé un vote pour le faire avaliser par ses membres un jour où de nombreux travailleurs ne pouvaient pas y participer. L’entreprise a menacé de délocaliser la production de la région de Seattle vers des usines non syndiquées si les travailleurs rejetaient ce changement, qui n’est passé qu’à une faible majorité.

Jusqu’aux années 1980, la plupart des travailleurs syndiqués bénéficiaient de pensions à prestations définies plutôt que de plans 401k. Même si le niveau des prestations était loin d’être idéal, leur suppression était un objectif majeur des entreprises américaines qui cherchaient à augmenter leurs profits en réduisant les coûts de main-d’œuvre, y compris les pensions de retraite – aux États-Unis, elles sont payées par chaque entreprise à ses anciens salariés, et pas via une caisse collective telle que la Sécurité sociale française. Les syndicats n’ont pas seulement renoncé à défendre les pensions de leurs membres, ils ont également sacrifié les clauses d’indexation sur le coût de la vie et ont accepté le gel des salaires. Les responsables syndicaux, affirmant que les travailleurs et les patrons étaient des « partenaires de production », ont abandonné toute prétention de lutter contre l’augmentation de la charge de travail et les heures supplémentaires obligatoires. La productivité et les profits ont grimpé en flèche, tout comme la richesse des plus fortunés. Cette ère des concessions dure depuis plus de 40 ans.

La grève porte un coup sérieux aux finances fragiles de Boeing. Cela donne aux grévistes une marge de manœuvre peu commune. Toutefois, leur grève ne sera jamais pleinement efficace tant que les dirigeants syndicaux garderont le contrôle de la lutte. Ces derniers cultivent une certaine ambiguïté en ne recommandant jamais clairement de rejeter les offres de la direction, et même en recommandant officiellement de voter pour, tout en laissant entendre que si les membres du syndicat votent contre cela montrera que le compte n’y est pas. Pour nombre de grévistes, il s’agit d’une tactique censée permettre à la délégation syndicale de mettre en scène la « pression de la base » et de mieux négocier avec la direction. Mais, vu l’attitude de l’AIM par le passé, ce positionnement exprime probablement davantage le désir de ses chefs de parvenir à un accord quel qu’il soit… dès que cette pression faiblira suffisamment.

La manière dont les travailleurs de Boeing relèveront ce défi de prendre en mains eux-mêmes leur lutte déterminera ce qu’ils pourront obtenir de la direction obstinée, mais vulnérable, de Boeing. Mais qu’elle soit gagnée ou perdue sur la question du rétablissement des pensions, la grève de Boeing montre clairement qu’un nombre croissant de travailleurs américains veulent mettre fin à l’ère des concessions. La lutte pour le rétablissement des pensions n’est qu’un premier pas.

Correspondant, le 28 octobre 2024