Nos vies valent plus que leurs profits

Les rencontres révolutionnaires d’été (RER) de Barbaste 2024

Le programme de ces rencontres était particulièrement riche. Nous avons déjà évoqué, dans les pages centrales, quelques-uns des débats politiques qui s’y sont déroulés.

Mais le champ de la politique est bien plus vaste et embrasse tous les aspects de la vie en société. Les participants ont déjà pu se retrouver et échanger autour d’une table à de nombreux moments, dont les délicieux repas concoctés par les super-cuistots de l’association « Les Amis de la Fête de l’Huma ». Le champ politique, c’est aussi la culture, qui, dans nos sociétés, est évidemment celle des classes dominantes. Mais, justement, nous militons pour que la classe ouvrière dirige la société et donc, entre autres, s’approprie cette culture.

Une large place lui a donc été faite. Il y avait bien entendu une librairie bien achalandée. Mais aussi de nombreux ateliers que nous ne pouvons tous citer.

Vous êtes frustrés ? Le plus simple est de réserver votre dernière semaine d’août 2025 où il y aura très vraisemblablement les troisièmes Rencontres à Barbaste ! Mais vous avez de la chance : nos camarades ont filmé la plupart des ateliers et vous pouvez aller les voir sur notre chaîne YouTube.

 

 


 

 

Marxisme et religion

« La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. » La connaissance qu’a le grand public, y compris le public militant, des liens entre marxisme et religion est trop souvent restreinte à cette citation de Marx – quand elle ne se limite pas à la dernière phrase.

L’atelier Marxisme et religion de nos RER a permis aux participants d’avoir une vue plus large sur la question. Quelques lignes de l’introduction : « …on esquissera ici, en même temps qu’une petite histoire matérialiste des religions, une histoire de l’athéisme – terme en fait inadapté (athée signifie à l’origine « sans dieu » ; l’étymologie et la définition purement négatives de ce terme montrent que ce fut à l’origine une insulte). Car, comme les religions mêmes, l’athéisme, ou pour mieux dire une conception matérialiste du monde, est aussi une production déterminée – et par conséquent le produit d’hommes et de femmes précis à des époques précises. »

La « bureaucratie céleste » de l’ancien panthéon chinois

 

 


 

 

Le télescope James Webb : des yeux pour voir dans le passé

Les nuits étoilées étaient particulièrement belles cet été à Barbaste, sans la pollution lumineuse des grandes villes ! De quoi rêver de voyager à travers les étoiles… À défaut, un atelier était proposé pour découvrir la moisson d’images merveilleuses que nous apporte le télescope spatial James Webb (JWST, pour l’acronyme anglais). Lancé le 25 décembre 2021, il a été conçu pour prendre la suite du télescope spatial Hubble afin de scruter l’univers avec toujours plus de détails, en regardant toujours plus loin. Or, la vitesse de la lumière étant finie, l’image que nous voyons des étoiles, des galaxies et autres structures de l’univers a mis un certain temps à nous parvenir : voir loin, c’est donc voir il y a longtemps !

Tout ce que nous savons de l’univers, ou presque, nous le savons grâce à l’étude de la lumière, domaine où JWST excelle et réussit donc à remonter le temps en allant scruter la lumière issue des confins de l’univers.
L’atelier se proposait de faire le point sur deux années de service, deux années où il a déjà commencé à bouleverser notre compréhension de l’univers primitif, de la formation des premières étoiles et des galaxies, du rôle de la matière noire… Et enfin voir et discuter de ce qu’il y a derrière les images qu’il nous a fait parvenir et qui ont tant fait rêver.

Les mêmes structures vues par le déjà ancien télescope spatial Hubble et son héritier JWST

 

 


 

 

La naissance de la danse classique et ce qu’elle est devenue en URSS

Cet atelier sur l’histoire du ballet classique a été l’occasion de comprendre comment cet art, issu de la monarchie et du ballet de cour, s’est construit et a développé une esthétique bien particulière à un moment où la bourgeoisie assoit son pouvoir en France. L’esthétique du ballet romantique du XIXe, avec ses ballerines en tutu blanc vaporeux comme des créatures fantastiques, participe du rejet de l’ancienne esthétique de la noblesse.

La virilité bourgeoise est tout autre : les hommes ne se fardent plus, ne se donnent plus en spectacle, ne portent plus de perruque. Leur corps devient un instrument rationnel qu’ils cultivent par le sport. Les lieux d’arts deviennent des lieux où on conclut des affaires.

Faut-il pour autant condamner le ballet ? Pas nécessairement ! À partir de 1917, avec la révolution russe, de nombreuses innovations ont fait leur apparition sur les scènes des théâtres soviétiques. Des ballets sur la Révolution française ou sur le quotidien des ouvriers sont mis en scène. Les débats font rage entre le Proletkult, contre « l’art bourgeois », et Anatoli Lounatcharski, penchant plutôt pour une mise à disposition des masses de l’héritage culturel des sociétés dominées par des classes privilégiées.

Cet atelier s’est conclu sur le rôle du stalinisme dans la fossilisation, mais aussi dans une certaine mesure dans la conservation, d’une esthétique du ballet propre à la société soviétique.

Représentation récente du ballet de Chostakovitch Le Boulon, créé à Moscou en 1931 et joué à l’époque une seule fois avant d’être censuré : c’est l’un des tout derniers exemples de l’insolence dans l’art que ne craignaient pas les révolutionnaires avant que le stalinisme n’impose sa chape de plomb.

 

 


 

 

Le nouvel Hollywood : des luttes et de la contre-culture à la désillusion

Hollywood, la glorification de l’Amérique : un bon job, une belle voiture, une belle maison et une famille aimante. Mais les années 1960, avec la lutte des Noirs pour les droits civiques et le rejet de la guerre du Vietnam par la jeunesse ont conduit à une remise en cause des « valeurs » traditionnelles. Le cinéma a reflété cette situation. Ce que l’atelier sur Le Nouvel Hollywood a abondamment illustré d’exemples présentés à l’écran. Quelques mots extraits de l’introduction de cet atelier.

« Ce qu’on appelle le Nouvel Hollywood commence en 1967 avec deux films Le Lauréat (The Graduate) de Mike Nichols et Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, et s’achève en 1980 avec La Porte du Paradis de Michael Cimino.

C’est donc une période courte mais intense au cours de laquelle des jeunes cinéastes bénéficient d’une liberté créatrice presque totale, en s’affranchissant des règles du cinéma classique.

[…] Avant le Nouvel Hollywood, La censure est stricte. […] C’est la chasse aux sorcières du maccarthysme qui, dans le contexte de la guerre froide, a sévi de la fin des années 1940 jusqu’à sa disparition en 1975.

[…] Au début des années 70, le mouvement de contre-culture s’éteint peu à peu, dans les excès de la drogue et de l’échec des tentatives de vies en communautés. Le mouvement anti-guerre s’affaiblit et la guerre prend fin en 1975. »

 

 


 

 

Les Noces de Figaro, de Mozart : un opéra subversif

Le Mariage de Figaro, de Beaumarchais, écrit en 1778, n’a été donné au Théâtre-Français (l’actuel Odéon) qu’en 1784, après plusieurs années de censure. Il faut dire que représenter un valet défiant un comte et allant jusqu’à mobiliser les paysans et serviteurs dudit comte pour les faire manifester au château n’était pas pour plaire aux dirigeants du royaume ! Louis XVI a dit de la pièce qu’elle était « exécrable, […] se joue de tout ce qui est respectable [et dont] la représentation ne pourrait qu’être une inconséquence fâcheuse, sauf si la Bastille était détruite »…
L’opéra de Mozart, Le Nozze di Figaro, est bâti sur un livret de Da Ponte qui suit très fidèlement, avec beaucoup de finesse, la pièce. Quant à la musique de Mozart, elle est tout simplement sublime !

Les participants à l’atelier ont en outre pu entendre un exposé sur le classicisme en musique – Haydn, Mozart, Beethoven – et la naissance de l’opera seria et de l’opera buffa, avant de suivre à l’écran un résumé du déroulement de la pièce à travers quelques grands airs. Dans le film de Jean-Pierre Ponnelle avec Karl Böhm à la tête du Philharmonique de Vienne et, dans les rôles principaux, Mirella Freni, Kiri Te Kanawa, Hermann Prey et Dietrich Fischer-Dieskau, ainsi qu’une magnifique Maria Ewing dans le rôle de Chérubin.

 

 


 

 

La collapsologie à l’épreuve de la civilisation Maya : effondrement ou lutte de classes ?

Le 21 décembre 2012, « l’apocalypse » paraît-il prédite par la civilisation maya pour cette date, la fin du monde quoi, n’a pas eu lieu.
Ce qui passe pour un effondrement des principales cités mayas provient bien plus des différents changements d’interprétation de ce que furent ces sociétés : paisibles observateurs des étoiles ou principautés guerrières ? Même si les voiles du mystère se lèvent peu à peu, des débats de spécialistes perdurent et rien de tel que des controverses entre scientifiques pour faire naître les théories les plus loufoques… Quelques lignes des exposés de cet atelier.

La collapsologie se donne comme « la science de l’effondrement » […] Pablo Servigne, grand prêtre de la collapsologie française, […] s’appuie notamment sur un rapport de 1972, The Limits of Growth, (Les limites à la croissance).

Plusieurs fois mis à jour depuis, le rapport prévoit un effondrement entre 2000 et 2050.

[…] Une grande absente dans toutes ces théories sur la civilisation maya : l’existence tout à fait avérée de classes sociales !

 

 


 

 

Deux conférences-débats de Christophe Darmangeat, invité à nos RER

« L’oppression des femmes dans les sociétés sans État » revient sur le bilan des recherches anthropologiques des dernières décennies, que C. Darmangeat avait détaillées dans son livre de 2012, réédité en 2022, Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était. Aux origines de l’oppression des femmes. 

« Violence et guerre dans les sociétés sans État » retrace ses propres recherches récentes sur les pratiques guerrières des sociétés de chasseurs-cueilleurs d’Australie, avant leur contact avec l’État colonial occidental. Les nombreux récits ethnographiques témoignent de ces affrontements guerriers collectifs, n’ayant aucun motif économique, ni territorial. Alors, qu’est-ce qui motive ces affrontements sanglants entre sociétés sans richesse ? Darmangeat relate avec autant de clarté que d’humour les ressorts de cette enquête, remettant en cause l’idée d’une préhistoire pacifique. Passionnant.

Noirs de Nouvelle-Galles-du-Sud s’entraînant au combat avant de partir à la guerre – T. McRae (artiste aborigène), circa 1890