Nos vies valent plus que leurs profits

Licenciements à STMicro : les travailleurs ne pourront compter que sur eux-mêmes !

Les salariés de STMicroelectronics ont appris début janvier qu’un plan de 3000 suppressions d’emplois allait concerner les sites franco-italiens du groupe, conséquence des économies annoncées le 20 novembre par le PDG Jean-Marc Chery. Entreprise du CAC 40 au chiffre d’affaires de 13 milliards de dollars en 2024, STMicro compte 50 000 salariés et 14 usines de semi-conducteurs réparties entre la France, l’Italie, la Suède, Malte, le Maroc, Singapour, la Malaisie, les Philippines et la Chine. Actionnaires à hauteur de 14 % chacun, la France et l’Italie ont multiplié les subventions et aides au développement dans un contexte de guerre commerciale sino-américaine sur le secteur des semi-conducteurs. L’extension du site de Crolles, en périphérie de Grenoble, bénéficie de 2,9 milliards d’euros d’aide du gouvernement français ainsi que d’un accord – reporté pour défaut de procédure – permettant de doubler les capacités de pompage d’eau de l’usine qui affirme tourner aujourd’hui à 4,5 millions de m3 par an. Côté italien, le gouvernement Meloni octroie 2 milliards d’euros à la construction de l’usine de Catane en Sicile. La suppression de milliers d’emplois, malgré les promesses d’embauche, vient souligner que les salariés n’ont rien à gagner dans la guerre commerciale que se mènent leurs patrons et gouvernements.

Manœuvres nationalistes à la tête de ST

Au contraire, cette mise en concurrence divise les travailleurs au sein même de l’entreprise. Ainsi, on apprenait récemment, par la presse, les tensions entre les gouvernements français et italiens concernant la présidence de ST. Le gouvernement italien a menacé de suspendre le versement des 2 milliards d’euros de subventions et d’utiliser son droit de veto au conseil d’administration. Côté français, le président de la BPI, Nicolas Dufourcq – le même qui se prononçait jeudi dernier en faveur de la retraite à 70 ans – maintient son soutien à Jean-Marc Chéry. La répartition des suppressions d’emplois sert de prétexte à cette brouille mais aucun gouvernement n’empêchera que des salariés soient poussés vers la sortie avec autant de charge de travail supplémentaire pour ceux et celles qui restent. C’est au contraire l’unité des travailleurs et travailleuses par delà leur nationalité qui permettrait de faire pression sur la direction.

Salon Global Industrie : agitation guerrière et cadeaux au patronat

Cette ambiance nationaliste se retrouve jusque dans la présentation des produits vendus par la société au salon Global Industrie organisé à Lyon du 11 au 14 mars. ST y tenait un stand pour présenter le Mobilize PowerBox, une borne de recharge intelligente et bidirectionnelle développée dans le consortium Software République, en lien avec Orange, Renault mais aussi le marchand d’armes Thales. En visite, le Premier ministre, François Bayrou, a vanté les mérites de l’industrie nationale en affirmant : « Dans ce monde-là, qui sont les combattants de première ligne après les soldats ? Ce sont vous, les industriels. » Cette agitation guerrière visait à justifier de nouvelles idées de cadeaux aux patrons et actionnaires, en l’occurrence une prise en charge, par l’État et avec des fonds publics, du remplissage des déclarations administratives. Mais, au-delà, ce message constitue aussi un avertissement pour les salariés. Cette propagande militaire vise à faire accepter de nouveaux reculs, notamment sur l’âge de départ à la retraite. La citation d’Anatole France : « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels » est bel et bien toujours d’actualité.

Ligne Fames du CEA-Leti : des millions d’argent public pour les futurs profits de ST

Cet appui de l’État pour défendre l’accès aux marchés de ses capitalistes nationaux n’est toutefois pas une nouveauté. STMicro est en effet issu de capitaux publics, investis en 1972 par le Commissariat à l’énergie atomique et son Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information. Ce CEA-Leti continue de soutenir la course aux profits de ST. Mardi 18 mars, le laboratoire a annoncé ouvrir l’accès à la ligne pilote « Fames » aux entreprises qui souhaiteraient « devenir les premiers utilisateurs de ces technologies, se les approprier en avance de phase pour anticiper la conception de leurs technologies, de leurs produits ». Cette ligne vise notamment au développement de puces FD-SOI de 7 à 10 nanomètres. Inscrite dans le cadre du « Chips Act » européen, elle est financée avec de l’argent public à hauteur de 830 millions d’euros sur cinq ans. Une somme qui s’inscrit dans le même ordre de grandeur que le plan d’économies voulu par Jean-Marc Chery à ST, mais qui s’avère bien plus petite que les 322 millions de dollars de dividendes versés par ST pour l’exercice 2024. Un argument de plus pour ne compter ni sur l’État, ni sur la direction pour éviter de subir les licenciements et l’augmentation de la charge de travail. C’est bien par la grève qu’il sera possible de prendre sur les dividendes pour maintenir les emplois, les conditions de travail, et imposer les mesures environnementales nécessaires.

Correspondant