La construction de partis communistes internationalistes ne sera ni une simple addition de groupes révolutionnaires, ni la croissance d’une seule organisation actuelle. Il en est de même sur le plan international, tant il est vrai qu’au XXIe siècle les dimensions internationales et nationales s’entremêlent. Les effondrements de sociétés et des écosystèmes, les logiques génocidaires et les guerres, mais aussi les réactions populaires et de la jeunesse annoncent des chocs encore plus importants. Cette urgence a été au cœur du programme de nos rencontres d’été révolutionnaires (RER)1, avec un fil rouge : celui du regroupement des révolutionnaires.
Le principe de réalité
Notre démarche part du constat de l’état des forces du mouvement communiste révolutionnaire antistalinien : il est fragmenté, coopère très peu, est pour partie largement extérieur aux petites et parfois grandes luttes du prolétariat. Il y a bien entendu d’heureuses exceptions, mais, même additionnés, l’ensemble de ces groupes ne constitue pas un courant organique de la classe ouvrière, dont le poids n’a pourtant cessé de croître depuis l’effondrement de l’URSS. Aucune des directions des tendances internationales n’a à ce jour acquis de légitimité par son expérience pour orienter politiquement ces équipes révolutionnaires restreintes mais répandues de par le monde. On ne parle ici même pas de la tâche qui serait pourtant nécessaire d’organisation d’un réel travail centralisé et rigoureux vers les larges couches nouvelles du prolétariat en Chine, ou plus anciennes comme celles de la grande puissance impérialiste américaine, ou d’intervenir concrètement lors des explosions sociales dans les périphéries des centres impérialistes, ou des deux côtés du conflit russo-ukrainien.
Mais nous ne saurions nous en tenir à ce seul constat unilatéral. Si minoritaires qu’ils soient, les communistes révolutionnaires constituent bien une force internationale, un point de départ. La fragmentation et les divergences sont réelles2, mais la distance politique qui nous sépare des courants qui ont pris la parole dans nos RER est moindre que celle des partis qui constituaient la Troisième Internationale3. Nous sommes toutes et tous les militants d’une future internationale qui pour l’instant n’a pas de nom mais surtout reste à construire.
Comment avancer ?
Depuis une génération, des composantes entières du mouvement issu du trotskisme reculent pour revenir, dans le meilleur des cas, au socialisme utopique d’avant les apports théoriques de Marx. Nous devons pour notre part refaire le saut de l’apport théorique de Marx à l’apport organisationnel de Lénine. Cela comprend les discussions de programme, mais aussi des méthodes de travail, de compréhension commune des tâches, et pas seulement des accords partiels ou conjoncturels qui peuvent être nécessaires, mais restent en général sans lendemain. Ces discussions, pour avoir un sens, doivent s’alimenter de l’intervention dans la lutte de classe, afin de sélectionner, d’éprouver une direction qui fasse ses preuves, et qui ait le crédit suffisant auprès des militants organisés, et plus largement des travailleurs conscients, car ce n’est pas du seul débat que surgira la clarté. Cela requiert un travail préparatoire où se distinguent différentes exigences liées entre elles. Il faut une réelle collaboration, pour à la fois mesurer l’implantation dans les classes populaires (le prolétariat au sens de Marx), avec ses tâches pratiques et politiques, loin de se réduire au périmètre syndical, et une quantification des vraies divergences. Il faut aussi une confrontation sur les analyses, les tâches, l’orientation, la théorie, le programme. Un aspect qui suppose que des liens forts se soient tissés qui permettront que les divergences ne finissent pas en rupture. Cela n’a de sens qu’avec la compréhension que les idées nouvelles opérantes d’un programme sont rares, et que la synthèse nécessaire pour y parvenir est le produit de luttes vécues de façon active et non commentées. Enfin, troisième aspect de ce travail préparatoire, qui intervient assez vite dans ce processus de regroupement : celui de la vérification et de la validation ; c’est là où commence à se constituer une direction, avec ses tâches d’organisation et d’orientation, là où les militants mesurent les avancées, les reculs, les difficultés.
C’est un combat qui demande de la persévérance, loin des raccourcis, mais c’est la seule voie et tout ce qui y contribue résume nos choix.
Dossier du numéro 18 de Révolutionnaires : les rencontres d’été révolutionnaires sous le signe de l’internationalisme
- L’internationalisme : nos choix
- Un monde à comprendre pour le transformer
- Deux questions brûlantes nous ont percutés
1 Retrouvez les rediffusions des ateliers des RER sur Youtube.
2 Organisations invitées et présentes : Ligue pour la 5e Internationale, Opposition trotskiste internationale (dont le Parti communiste des travailleurs d’Italie), Socialist Alternative d’Australie, Lutte ouvrière, Lotta comunista. Organisations proches du NPA-R présentes : Izar (Gauche anticapitaliste révolutionnaire d’Espagne), OKDE Spartakos (Organisation communiste internationaliste Spartakos de Grèce), RSO (Organisation socialiste révolutionnaire d’Allemagne et Autriche), SON (Speak out Now, États Unis). Organisations internationales participant au NPA-R : Socialisme ou Barbarie et la Ligue Internationale Socialiste.
3 Le débat préparatoire avec Lotta Comunista où nous commençons à mesurer les divergences, à comprendre une autre méthode de travail. Et malgré une distance politique majeure, cela n’empêche pas les échanges et collaborations bénéfiques pour les deux parties.