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Logement : fin de la trêve hivernale, la guerre aux pauvres redémarre !

Campement de sans abri sous le pont Louis-Philippe à Paris. Source : Wikipedia, photo de FreCha

Comme tous les ans, le 31 mars signe la fin de la « trêve hivernale » : les propriétaires peuvent jeter à la rue leurs locataires qui ne parviennent plus à payer leur loyer. Plusieurs manifestations ont été organisées ce week-end des 30 mars au 1er avril, dans de nombreuses villes par le DAL (Droit au logement) et autres associations pour protester contre le manque de logements sociaux et mobiliser contre les expulsions qui risquent de se multiplier dans les prochaines semaines.

Cette année, 140 000 personnes sont menacées d’expulsion, alors que les mises à exécution s’accroissent chaque année. Et cette année ne fera sans doute pas exception, entre la flambée des prix qui comprime les budgets d’une part, et la loi dite « anti-squat » adoptée en juillet dernier, sur proposition des députés Guillaume Kasbarian et Aurore Bergé, devenus, depuis ce haut fait, ministres respectivement du logement et de l’égalité. Cette loi aggrave d’une part les peines encourues en cas de squat, mais accélère aussi les procédures d’expulsion pour loyers impayés, tout en menaçant de prison les locataires déboutés qui ne quitteraient pas d’eux-mêmes leur logement pour se retrouver à la rue1. Une nouvelle vague de personnes et de familles risque donc de rejoindre les 330 000 personnes sans domicile actuellement dénombrées en France, soit plus de deux fois plus qu’il y a dix ans.

Cette année, s’y ajoute l’avidité de propriétaires alléchés par la flambée des prix de la location de courte durée en région parisienne à l’occasion des Jeux olympiques. Durant un mois, les logements pourront s’y louer 10 à 15 fois le loyer habituel. Si bien que les ruptures de bail se sont multipliées, dont 23 % sont estimées frauduleuses par l’agence départementale d’information sur le logement (contre 19 % en temps « ordinaires »).

Le logement, un bien de luxe

Se loger dans les grandes villes est devenu quasiment impossible aux classes populaires, repoussées de plus en plus loin dans les banlieues. À Paris, le loyer moyen d’un T2 est de 1 027 euros hors charges pour un logement non meublé dans le parc privé. Sans compter toutes les garanties qu’exigent les propriétaires, qui obligent souvent les plus précaires à payer des loyers encore plus exorbitants auprès de marchands de sommeil.

À cela, il faut ajouter l’électricité et le gaz pour le chauffage et la cuisine. Avec la flambée des prix de l’énergie, la part des ménages incapables de maintenir une température adéquate dans le logement a bondi de 6 % jusqu’en 2021 à 11 % en 2022, et de 16 % à 24 % parmi les ménages pauvres.

En 2017, les ménages parmi les 25 % les plus pauvres devaient consacrer en moyenne 45 % de leurs revenus pour se loger dans le parc privé et autant pour les quelques-uns tentant d’accéder à la propriété, contre 33 % en 2001. La moyenne pour l’ensemble des ménages est passée de 24 % à 29 % sur la même période.

L’effort est moindre dans le logement social, bien qu’il représente encore le quart du revenu pour les ménages, et 29 % pour le quart le plus pauvre. Mais encore faut-il pouvoir accéder aux HLM, alors que 2,4 millions de demandes sont en attente, dont 93 000 jugées prioritaires au titre du « droit au logement opposable » (Dalo), une loi censée obliger l’État à garantir un logement à des personnes ou familles les plus mal logées ou sans logement. Il y a pourtant 3,1 millions de logements vacants selon l’Insee, un chiffre qui augmente lui aussi d’année en année.

Le logement social remplacé par « l’intermédiaire »… pour le bonheur des promoteurs

L’accès au logement HLM est de plus en plus compliqué quand les bas salaires deviennent la norme et que les logements manquent. La loi SRU de 2000 obligeait les communes des grandes agglomérations à disposer de 25 % de logements HLM. Un chiffre déjà insuffisant quand deux tiers de la population serait éligible en théorie. Mais, faute de contraintes réelles imposées par la loi, nombre de communes ne respectent même pas ce seuil et la construction de logements HLM n’a fait que s’effondrer ces dernières décennies. La satisfaction des demandes de logement social est de 17 % en 2022, contre 22 % en 2018, et ce sont les plus pauvres parmi les pauvres qui sont les premiers écartés.

La « crise » du logement s’accentue de jour en jour. Les mises en chantier de nouveaux logements sont actuellement au plus bas, affectés par l’effet cumulé de la hausse des prix immobiliers, de la baisse de revenu des acheteurs potentiels et de la hausse des taux d’intérêt. Pourtant, l’État poursuit son désengagement. Macron a mieux à faire : le gouvernement vient encore de décider de consacrer à la relance de l’industrie d’armement une partie des ressources du livret A, qui servait en théorie à financer les HLM.

Pour donner le change, le gouvernement met un peu de cosmétique, en appuyant essentiellement le logement « intermédiaire », pour ces fameuses « classes moyennes », cette clientèle électorale favorite. Cela comporte notamment le classement de 800 communes en « zone tendue », élargissant l’accès aux prêts à taux zéro. Les mêmes communes seraient incitées à promouvoir la construction de logements locatifs « intermédiaires », loués entre 10 % et 15 % moins cher que dans le secteur privé à ceux qui dépassent les plafonds des HLM. Sauf que ces logements « intermédiaires » ne se substitueraient pas au privé… mais bien aux HLM ! Aggravant encore le problème des classes populaires. Attal a ainsi annoncé vouloir comptabiliser ces logements intermédiaires dans l’obligation de 25 % de logements sociaux des communes. Et l’aide au logement « intermédiaire » pourra aussi consister à vendre à prix raisonnable une partie du parc social de la ville… Et c’est encore un milliard d’euros que le gouvernement met sur la table pour la construction de logements intermédiaires, plus rentables que les HLM pour les promoteurs immobiliers, au grand bonheur des Bouygues et autres Eiffage.

Les logements insalubres à l’honneur

Mais il faut penser aux pauvres tout de même. Comment les loger ? Dans des caves répond le gouvernement. Un décret datant du 2 juillet dernier autorise en effet la location de « logements » jugés jusque-là indignes. La hauteur sous plafond pourra ainsi descendre jusqu’à 1,80 m au lieu de 2,20 m, à la seule condition que le volume soit d’au moins 20 m3… soit une surface au sol de 3 m sur 3,6 m. Le logement ne doit plus obligatoirement inclure une pièce d’eau, ni de ventilation digne de ce nom, avec pour seule obligation une fenêtre dans une des pièces, qui « permette d’y lire par temps clair et en pleine journée sans recourir à un éclairage artificiel ». Ce décret légalise ainsi les pratiques de marchands de sommeil qui louent à la découpe des pavillons dans les banlieues populaires. Des colocations forcées auxquelles sont soumis en premier lieu les travailleurs sans papiers, qui ne peuvent accéder à des logements décents faute de statut légal. Mais il faut bien que les loueurs de caves fassent du fric et les gouvernants pourront ensuite donner des chiffres de « nouveaux » logements en hausse. Aucun être humain ne doit vivre dans la rue, ni dans un logement insalubre, trop petit, mal chauffé, humide. Une première mesure d’urgence devrait être la réquisition de tous les logements vides. Une loi existe depuis 1945, elle n’est évidemment jamais appliquée parce qu’elle va à l’encontre de la sacro-sainte propriété privée… Aujourd’hui, il y a à Paris par exemple plus de 260 000 logements vides, soit près de 20 % des logements ! Sur ces 260 000 plus de 100 000 appartiennent à des « multi propriétaires » ou spéculateurs immobiliers, un chiffre effarant mais bien à l’image de cette société capitaliste.

Olivier Belin et Maurice Spirz

 

 

1 Lire notre article : https://npa-revolutionnaires.org/contre-une-nouvelle-loi-anti-squat-le-dal-droit-au-logement-appelle-a-manifester-toutes-et-tous-le-samedi-28-janvier-place-de-la-bastille-a-15-heures/