En 1984, douchés par les retournements des socialistes au pouvoir à Paris, les indépendantistes conclurent à l’impossibilité de faire avancer l’indépendance via les institutions : le tout nouvellement créé Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) appela à boycotter les élections à l’Assemblée territoriale pour protester contre la négation de leur droit à l’autodétermination.
Des affrontements violents opposèrent alors Kanak et Caldoches, appuyés par les forces coloniales de répression. Dans son livre paru en janvier 1988, Le dossier calédonien, Jean-Paul Bessel raconte la brutalité de la répression coloniale1.
Les affrontements culminèrent en 1988 sur l’île d’Ouvéa, entre les deux tours de l’élection présidentielle en France. Les indépendantistes attaquèrent le siège de la gendarmerie de Fayaoué. Dans l’attaque, quatre gendarmes furent tués, un autre grièvement blessé, de même que trois indépendantistes. Un groupe d’indépendantistes se retrancha dans la grotte de Gossanah en emmenant quinze gendarmes en otage. Le gouvernement Mitterrand-Chirac décida de donner l’assaut qui eut lieu le 5 mai : 21 morts, dont 19 indépendantistes, plusieurs ayant été achevés après l’assaut alors qu’ils étaient blessés.
Deux mois plus tard, le gouvernement dirigé par Michel Rocard signait avec Jean-Marie Tjibaou, pour les indépendantistes, et Jacques Lafleur, pour le RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République), les accords de Matignon, ratifiés par référendum en novembre à 80 %. Mais avec… 63 % d’abstentions, signe que les compromis de l’accord ne faisaient pas l’unanimité parmi les populations kanak. Un an après la signature de ces accords, Jean-Marie Tjibaou était abattu par un Kanak qui estimait qu’il avait trahi.
En 1998, le Premier ministre Jospin signait les accords de Nouméa avec le FLNKS et le RPCR. Ils prévoyaient ce qui était supposé être un processus de décolonisation sur vingt ans, ponctué par l’organisation de plusieurs référendums sur l’indépendance. Le premier eut lieu en 2018, le second en 2020. Le « non » à l’indépendance recula de 56,7 % à 53,3 %. Le troisième référendum était prévu en 2021. Avec la crise sanitaire, alors que les populations kanak étaient particulièrement touchées par la pandémie, les indépendantistes en réclamèrent le report du fait des usages kanak sur le deuil. Devant le refus de Macron, ils appelèrent au boycott… Dans ces conditions, le « non » à l’indépendance recueillit sans surprise 96,5 % des voix. Mais, pour Macron, l’affaire était réglée, l’indépendance renvoyée aux calendes grecques et le fait colonial confirmé… À ceci près que la réalité n’est pas déterminée par les coups de menton élyséens…
J.-J. F.
1 Les éditions La Découverte en ont fait une réédition numérique en mai 2020
Cet article fait partie du dossier publié dans Révolutionnaires no 15.
Sommaire du dossier
- Hors de Kanaky, l’État colonial français !
- La mise en place de l’ordre colonial contre les Kanak
- Malgré les « accords », le maintien du fait colonial
- Tandis qu’une mince couche du peuple kanak s’est enrichie, la majorité vit dans une pauvreté accrue
- Pour les capitalistes les profits, pour les Kanak la pollution ?
- Qui sont les indépendantistes ?
- Kanaky : une colonie française parmi d’autres
- L’État français doit dégager de la Kanaky !