Près d’une semaine après le passage du cyclone Chido qui a dévasté Mayotte, le bilan humain n’est toujours pas établi. Macron, en visite sur place, a promis que le ravitaillement en eau et en nourriture serait assuré partout à partir de dimanche prochain… seulement ! Des jours et des jours sans aucune aide, de nombreuses communes restées coupées du monde, voilà qui a de quoi choquer dans ce 101e département français, complètement laissé pour compte en dépit des grands discours. La plupart des communes n’avaient aucun plan de prévention des risques, alors que les risques naturels y sont élevés, qu’il s’agisse des risques cyclonique, sismique, de tsunami ou de glissement de terrain. Plus d’un tiers de la population vit dans des bidonvilles, qui ont été soufflés par le cyclone.
Le plus grand risque pour la population de Mayotte : la violence de l’État colonial
Plus que l’aggravation des risques liés au climat, c’est la grande misère de ce territoire de l’océan Indien et la répression constante par laquelle la France le gère qui sont responsables des terribles conséquences de ce cyclone. Ainsi de nombreuses personnes n’ont pas osé quitter les bidonvilles pour se rendre dans les centres d’hébergement, de peur d’être arrêtées : 25 000 personnes sont expulsées chaque année de Mayotte, autant que pour toute la France métropolitaine. À peine arrivé sur l’île, Macron a déclaré qu’il fallait augmenter le nombre d’expulsions, pour atteindre 35 000 à 40 000 par an ! Élus locaux, bien souvent proches de l’extrême droite, même quand ils ne lui sont pas officiellement apparentés, et gouvernement français vont profiter de la catastrophe naturelle pour accélérer leurs attaques contre les plus pauvres. Le maire de Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, vient quant à lui de déclarer : « Nous devons interdire la reconstruction des bidonvilles. » Macron a aussitôt renchéri, affirmant qu’il fallait « mettre fin » aux bidonvilles. Déjà pendant cette écœurante « opération Wambushu » en 2023, des centaines de cases en tôle avaient été détruites au bulldozer, sans proposer de relogement correct, ou même sans proposer de relogement du tout, aux familles concernées. On peut craindre que les élus et le gouvernement français ne profitent de Chido pour accélérer leurs attaques. Car il n’est bien sûr pas question dans leur esprit de reloger décemment toutes les victimes de Chido, mais de s’attaquer aux personnes les plus fragiles. Dès le 17 décembre, trois jours seulement après le passage du cyclone, Retailleau twittait que l’archipel ne pourrait être reconstruit « sans traiter la question migratoire ».
Mayotte, territoire de non-respect du droit…
Mais cette situation s’explique par le choix fait par l’impérialisme français de préempter Mayotte, au mépris du droit international. En 1975, la France décide de garder Mayotte, alors que les autres îles de l’archipel des Comores prennent leur indépendance. Elle est condamnée par l’ONU à plusieurs reprises, car en droit international, on ne peut pas décoloniser en découpant un territoire. Mais elle s’assoit sur ces condamnations car la situation de Mayotte, dans le canal du Mozambique, est stratégique pour l’impérialisme français. La France voudrait créer une frontière infranchissable entre Mayotte et les autres îles comoriennes. Elle présente les Comoriens comme des étrangers, responsables de tous les maux. Elle a modifié le droit du sol à Mayotte, décrétant depuis 2018 que pour qu’un enfant devienne français à sa majorité, il faut que l’un de ses deux parents ait été titulaire d’une carte de séjour pendant plus de trois mois avant sa naissance. Le droit au regroupement familial est lui aussi dérogatoire depuis la dernière loi « Immigration » de Darmanin : il faut au moins trois ans de présence régulière à Mayotte, en étant titulaire d’une carte de séjour de dix ans pour pouvoir y prétendre, ce qui est mission impossible à Mayotte… Le résultat de cette politique, c’est que 100 000 à 200 000 personnes à Mayotte, sur 350 000 habitants environ, seraient en situation irrégulière, car elles n’ont aucun moyen d’être régularisées.
Une situation absurde et criminelle, comme l’illustre l’état de catastrophe naturelle, humaine et sociale causé par le passage du cyclone. L’État français persiste et signe de la manière la plus cynique qui soit, en annonçant qu’il va profiter de la détresse des habitants de Mayotte pour amplifier sa politique xénophobe et anti-pauvres.
Lydie Grimal