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Mayotte : xénophobie et colonialisme, Macron fait d’une pierre deux coups

Un peu plus de quatre mois après le cyclone Chido, Macron s’est à nouveau rendu à Mayotte. Il a évité les provocations qui avaient entaché (volontairement) sa précédente visite, le 20 décembre 2024, lorsqu’il avait lancé aux Mahorais, en colère et démunis après le passage du cyclone « Si c’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! » et s’est contenté de constater que la situation restait compliquée. Mais la « loi de programmation pour la refondation de Mayotte » qu’il est venu annoncer, est tout aussi révoltante.

Elle manie la carotte, promettant quelques maigres améliorations dans les conditions de vie des habitants, et le bâton, amplifiant la répression vis-à-vis des plus pauvres, souvent privés de titre de séjour régulier sur l’île. Ainsi, la loi prévoit d’un côté la construction d’un deuxième hôpital et la poursuite du plan eau, bien insuffisant pour permettre un accès à l’eau potable, et de l’autre, la construction d’une deuxième prison et un radar de surveillance maritime pour intercepter les embarcations venues des autres îles des Comores. Pour les améliorations, l’État français ne se montre pas trop pressé : la construction d’écoles et de collèges entend mettre fin à la rotation scolaire en vue de la rentrée 2031. Si les promesses sont tenues… D’ici là, les enfants de Mayotte devront continuer à aller à l’école le matin ou l’après-midi uniquement, comme ils le font depuis des années, faute d’infrastructures suffisantes ! L’alignement du montant du Smic est lui aussi prévu à l’horizon 2031, mais pas celui du RSA ni de l’allocation adulte handicapé ou des allocations familiales, « en cohérence avec la priorité en faveur du travail » et compte tenu du « niveau des naissances à Mayotte », indique le rapport annexé au projet de loi… Le racisme et le colonialisme sont ici clairement assumés, accusant les habitants d’Outre-mer de faire preuve de paresse et d’avoir trop d’enfants ! Le « réarmement démographique » souhaité par Macron est apparemment à géométrie variable.

Les entreprises sont comme toujours les plus choyées, avec la création d’une zone franche globale, les exonérant totalement de fiscalité quel que soit leur secteur d’activité et ce, dès 2025. Les mesures répressives sont elles aussi à effet immédiat : conditions toujours plus difficiles pour obtenir un titre de séjour ; retrait du titre de séjour des parents dont l’enfant « constitue une menace pour l’ordre public » ; expulsions et destructions des bidonvilles facilitées alors que les relogements sont prévus au compte-goutte pour les familles dont les logements ont été détruits par Chido. Les mesures xénophobes sont présentées comme des solutions à l’extrême pauvreté de Mayotte, alors que ce sont les principales causes de la dégradation des conditions de vie des habitants. Ainsi, des milliers de jeunes nés à Mayotte ne peuvent devenir Français. Ils doivent prouver qu’un de leurs parents était bien en situation régulière trois mois avant leur naissance. À leur majorité, ils ne peuvent donc ni poursuivre leurs études, ni travailler de manière légale. Ils peuvent se voir expulser vers les Comores, alors qu’ils n’y ont aucun lien. De plus, les collectifs anti-migrants bloquent régulièrement la préfecture pour les empêcher de faire toute démarche. Cette dérogation au droit du sol, présente uniquement à Mayotte, va encore s’aggraver avec la nouvelle loi votée par le Parlement le 1er avril dernier : un enfant né à Mayotte pourra accéder à la nationalité française à sa majorité uniquement s’il prouve que ses deux parents étaient présents légalement au moins un an avant sa naissance… Autant dire qu’il s’agit d’une suppression pure et simple du droit du sol, l’immigration légale à Mayotte étant depuis de nombreuses années impossible.

La départementalisation de 2011, en créant une frontière entre les autres îles des Comores et Mayotte devenue pleinement française, n’a tenu aucune des promesses faites aux Mahorais et est en réalité à la source du problème. 101e département français, Mayotte est aussi le plus pauvre : 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté hexagonal et plus d’un tiers habite dans des bidonvilles. La situation sanitaire est catastrophique et les destructions causées par Chido l’ont encore aggravée : l’accès à l’eau potable n’est pas assuré, les infrastructures de santé sont insuffisantes, tout comme le personnel médical, les médicaments et le matériel. Selon les derniers chiffres disponibles de l’Insee, en 2022, sur 1 000 bébés, plus de dix sont morts avant l’âge d’un an, soit trois fois plus que dans l’Hexagone.

Ce n’est pas ce qui préoccupe Macron et le gouvernement français, qui ne voient en Mayotte qu’une opportunité stratégique : à travers Mayotte et les îles Éparses, la France contrôle plus de la moitié de la surface du canal du Mozambique, passage stratégique pour le commerce maritime international et renfermant d’importantes réserves halieutiques et d’hydrocarbures. Au moment où les États-Unis, l’Inde, la Chine et la Russie y renforcent leur présence, Macron veut négocier l’inclusion de Mayotte dans la Commission de l’océan Indien (COI), qui rassemble Madagascar, l’île Maurice, les Comores, les Seychelles et la France au titre de La Réunion. Un sommet de cette COI à Antananarivo à Madagascar constitue d’ailleurs la dernière étape de la tournée présidentielle dans la région. Diviser pour mieux régner dans la région, telle est la priorité pour l’impérialisme français. Une situation d’oppression révoltante, à dénoncer sans relâche.

Lydie Grimal