Mickey 17, film de Bong Joon-Ho
en salle
Mickey Barnes, criblé de dettes contractées auprès d’un mafieux revanchard, est contraint de fuir la Terre, rendue de toute façon inhabitable par le dérèglement climatique. Sans trop se poser de question, il signe un contrat pour devenir un « remplaçable », un travailleur de l’espace dont la conscience est sauvegardée en permanence pour pouvoir « réimprimer » son corps lorsque celui-ci est détruit. En somme, on le force à subir les conditions de travail et les expérimentations les plus mortelles, puisque de toute façon, il sera ressuscité le lendemain… pour une autre journée de boulot et de mort atroce. Mais les ennuis ne commencent vraiment que lorsque la dix-septième version du protagoniste survit par hasard et se retrouve face à sa dix-huitième version, « imprimée » une heure plus tôt.
La science-fiction n’est pas ici un outil d’anticipation qui montre ce que pourrait devenir notre monde. Elle n’est, comme souvent, qu’un détour pour parler de ce qu’il est déjà. Un monde où l’individualisme règne, où le travail aliène (on pourrait dire qu’il « rend étranger à soi »), où le travail tue. Et c’est sans doute ça qui fait la force de l’œuvre : utiliser une esthétique lisse et bien connue qui prête au rêve pour finalement décrire l’horreur de notre quotidien. Au-delà, le film parle très (trop peut-être) explicitement de l’Amérique de Trump. La colonisation spatiale est menée par un bourgeois au teint orange qui surenchérit sur les discours réacs sur la pureté de l’humanité pour créer divisions entre travailleurs et contrôler le corps des femmes. Ses meetings appellent au massacre des « aliens » (c’est-à-dire les premiers habitants de la planète que l’humanité vient coloniser) et la foule répond par des pastiches de saluts nazis. Le parallèle va si loin que le leader survit à une tentative d’assassinat pendant un meeting.
On s’étonne alors que pour un film qui parle autant de la rage que suscitent le travail et cette société étouffante, on ne montre pas plus les solidarités qui émanent entre travailleurs. Les seuls élans de solidarité viennent ici des personnages féminins qui semblent toutes en émoi devant Mickey, un type pourtant présenté comme un paumé complet (certes joué par Robert Pattinson, mais le physique ne fait pas tout). On a presque l’impression que le discours antispéciste du film donne plus de relief et d’individualité aux animaux qu’aux femmes.
Avec un univers aussi révoltant, la fin paraît presque hors-propos tant elle se range dans le giron des solutions institutionnelles… ces mêmes institutions qui ont pourtant mené ce space-trump au pouvoir. Après les films Transperceneige (2013) et Parasite (2019) si justes, on en vient à se demander si le réalisateur Bong Joon-Ho n’est pas lui-même déprimé politiquement.
Céline Helmer