
L’annonce du serrage de ceinture à 40 milliards d’euros pour les services publics a de quoi révolter les étudiants dont les conditions d’études se dégradent déjà de plus en plus. Ce nouveau budget de Bayrou se traduit d’ores et déjà par des suppressions de places en licence, voire des suppressions de filières, des menaces de hausse des frais d’inscription, etc. Et comme toujours, ce sont les plus précaires et les étrangers qui vont en payer le prix fort. À Bordeaux, comme dans la plupart des villes étudiantes, des jeunes se mobilisent contre la destruction des universités et la sélection. Mercredi 19 mars, nous étions 1600 en assemblée générale à l’université Bordeaux Montaigne pour discuter de la suite du mouvement, avant que la décision de bloquer la fac ne remporte la majorité des voix.
Une intervention policière pour empêcher le blocage ? On revient à 1000 !
Les étudiants mobilisés doivent non seulement s’opposer au gouvernement Bayrou et à ses budgets-tronçonneuses, mais aussi faire face aux présidences de fac, beaucoup plus créatives pour trouver des moyens d’enrayer le mouvement que pour s’opposer au fameux « budget 2025 », ou à la répression policière. Lundi 27 au matin, les étudiants mobilisés pour mettre en place le blocage qui avait été voté en assemblée générale sont tombés sur des agents de police qui ont fait leur cirque habituel : opérations de contrôle, photos des cartes d’identité et menaces en tout genre.
Qu’elle ait été commandée par la présidence ou non, cette tentative d’intimidation a suscité l’indignation d’une partie des étudiants et professeurs qui se sont réunis en assemblée générale quelques heures plus tard. Derrière la tribune de l’AG on a accroché une banderole faite rapidement le matin même : « Du fric pour les universités, pas pour les flics ni pour l’armée ».
À l’issue de l’AG réunissant plus de 1000 personnes, les étudiants ont décidé de mettre en place le blocage eux-mêmes. Cette fois-ci, la présidence n’a pas pu faire venir du personnel d’autres facs pour magouiller les votes, et elle n’a pas non plus eu le temps faire sa propagande habituelle dans les boîtes mail des étudiants. Dès 13 heures 30, plus de 500 personnes ont envahi les bâtiments, vidé méthodiquement chaises et tables sous les yeux ébahis du personnel et des profs qui découvraient un blocage fait au grand jour, dans l’engouement collectif. Chaises et tables ont fini entassées devant les portes, et l’occupation a été déclarée.
La nécessité de militer en direction des autres facs
Si le matin même, la police n’a fait que retarder l’inévitable en interpellant une poignée d’étudiants mobilisés, impossible par contre d’empêcher 700 personnes de bloquer l’université sous le regard de tous. De quoi démontrer à nouveau que notre nombre est notre plus grande force ! Une fois la fac bloquée, les étudiants ne se sont pas arrêtés là : l’assemblée générale s’est poursuivie cette fois pour discuter de la structuration et de l’extension de la mobilisation. Elle a renouvelé l’existence d’un comité de mobilisation pour appliquer les décisions de l’AG, enrichi de commissions diverses, dont une commission « extérieure » pour organiser l’activité en direction des autres facs. Car ce sont toutes les facs qui sont concernées par les coupes budgétaires ! Il faut donc que notre mobilisation trouve de l’écho dans tous les campus : il faut étendre le mouvement. À la fin de l’assemblée, autour de 50 étudiants sont donc partis pour faire des tours d’amphi à la fac voisine, l’université de droit (Montesquieu).
Un tour d’amphis réussi
Cette petite délégation d’étudiants partie, elle a fait boule de neige et les tours d’amphis se sont transformés en manifestation sur la fac ! Après avoir envahi le hall de l’université de Montesquieu, le cortège improvisé a ensuite envahi les différents couloirs pour pénétrer dans les amphis et appeler les étudiants à s’unir pour faire face aux politiques patronales : « Montaigne, Montesquieu, même combat, contre la sélection et le patronat ! » Notre nombre a pu donner du poids aux interventions politiques qui étaient bien reçues : « Il faut étendre le mouvement pour qu’il déborde du campus de lettres, rejoignez-nous ! » L’opération extension s’est poursuivie dès le lendemain matin à 10 heures pour de nouveaux tours d’amphis, et on a remis ça mercredi et jeudi. De quoi donner une précieuse expérience politique aux nombreux étudiants qui traversent leurs premières journées de mobilisation !
Étudiants, travailleurs de l’université, professeurs : même combat !
De leur côté, le personnel et les professeurs ne manquent pas de s’organiser, et une commission « relation étudiants-profs-personnels » a été mise sur pied pour permettre d’articuler avec eux les prochains rendez-vous. Les professeurs et les travailleurs des universités ont bien des raisons de se battre, car les coupes budgétaires ne les épargnent pas : suppressions de postes, conditions de travail dégradées, mise en distanciel obligatoire pour économiser le chauffage, etc. Les tentatives de division de la présidence doivent renforcer notre envie de nous unir. Quand elle crée une prétendue division entre les étudiants mobilisés et ceux qui ne le sont pas encore, ou entre les étudiants et les professeurs, il est important d’apparaître solidaires. Dans ce sens, une manifestation inter-campus a démarré jeudi à 9 heures 30 pour faire de l’agitation sur la fac de droit et sciences po, pour finalement rejoindre la manifestation des professeurs et travailleurs de l’université dans le centre-ville. Cortège dynamique et bonne ambiance étaient au rendez-vous dans cette manifestation qui a un peu surpris par son nombre : 500 personnes ont déambulé jusqu’au rectorat. C’est une petite réussite, d’autant plus que, parmi les manifestants, il n’y avait pas que des militants politiques et syndicaux, loin de là. De quoi donner envie d’étendre encore plus le mouvement dans les prochains jours !

L’importance d’une occupation qui ne se renferme pas sur elle-même
La tentative de la présidence d’isoler les étudiants mobilisés en les pointant du doigt comme responsables de la fermeture administrative a connu la meilleure des réponses : l’occupation s’est organisée et les étudiants ne se tournent pas les pouces. Des ateliers banderoles ou des repas solidaires sont mis en place et les discussions se multiplient au sein de l’occupation, par exemple sur la montée guerrière en cours et les moyens de s’y opposer, discussions encouragées par exemple par un exposé sur mai 68, à des projections de films militants, ou à des conférences sur Gaza. Ces rendez-vous permettent de ne pas nous renfermer sur nous-mêmes. La présidence a décidé de tout fermer pour faire fuir les étudiants ? Essayons de les faire revenir sur le campus pour faire de la politique !

Ce n’est qu’un début, continuons le combat !
Il reste donc du travail pour étendre le plus possible la mobilisation aux autres facs, au personnel, aux professeurs, et bien au-delà encore, car ce qui fait peur au gouvernement et aux patrons, c’est que tous les secteurs touchés par les coupes budgétaires et les politiques patronales descendent dans la rue, bras dessus bras dessous, pour mettre un grand coup de frein aux plans d’austérité d’aujourd’hui et de demain. Nous ne pouvons pas savoir ce que deviendra cette mobilisation dans les prochaines semaines, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle a déjà vu naître en son sein de nouveaux militants. Elle permet encore de politiser un certain nombre d’étudiants qui ne manqueront pas d’être aussi au rendez-vous pour les mobilisations futures.
Sophie Roland