
Le 13 mai, Sophie Binet s’exprimait devant des centaines de salariés d’ArcelorMittal face au siège de la boîte, à Saint-Denis : « Nous sommes ici pour dire que le courage c’est de faire comme les Britanniques qui nationalisent British Steel pour sauver leur acier. Le courage c’est de faire comme les Italiens qui ont mis sous tutelle l’année dernière une usine d’ArcelorMittal pour empêcher qu’elle ne délocalise. » Elle annonce que, le soir même, elle sera sur le plateau de TF1 avec le président Macron pour plaider la nationalisation, soutenue par Fabien Roussel (PCF) : « C’est bon pour la France, c’est bon pour les ouvriers ! » ou Marine Tondelier (Les Écologistes) qui explique que « passer à l’action » pour l’État c’est d’abord en acheter… des actions.
Le poison de l’« inter-nationalisme »
L’obligation imposée par le gouvernement travailliste de Keir Starmer de continuer à faire fonctionner les hauts fourneaux du nord de l’Angleterre a pu soulager 2 700 travailleurs Anglais, mais il n’y a aucune garantie sur l’emploi, ni de la part de l’État, ni du groupe chinois qui reste propriétaire.
Même chose côté italien : la mise sous tutelle par le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni, début 2024, de Acciaierie d’Italia ne garantit rien pour les 11 000 emplois italiens.
De la gauche à l’extrême droite, on voudrait faire croire que la nationalisation garantit l’emploi… Mais comme le disait au micro un ouvrier de Dunkerque le 13 mai : « Bien beau de nationaliser, mais si y a plus d’emplois… ! »
Socialiser les pertes, pour subventionner les profits
La CGT chiffre à « entre 500 millions et 1 milliard d’euros pour l’État français » le coût de « la nationalisation complète des quarante sites français d’ArcelorMittal ». Or le groupe a perçu pas moins d’1,8 milliard de subventions ces deux dernières années. Sur deux ans, l’État serait donc déjà plusieurs fois propriétaire. De fait, ArcelorMittal a été subventionné à licencier et augmenter ses gains de productivité.
Car sous régime capitaliste, l’État propriétaire se comporte comme tout capitaliste, mais aux frais du contribuable : quand il intervient pour nationaliser (totalement, partiellement ou momentanément), c’est seulement pour socialiser les pertes, restructurer et prendre en charge les licenciements, quitte ensuite à reprivatiser les gains… En 1978, l’État a ainsi effacé les dettes des barons de l’acier comme Wendel.
En décembre 2012, François Hollande, qui avait promis de sauver ArcelorMittal Florange avant son élection, déclarait : « On aurait nationalisé, on aurait dû fermer nous-mêmes ». Son Premier ministre Jean-Marc Ayrault ajoutait : « L’histoire de la mine, de l’acier, de la sidérurgie s’est soldée par des dizaines de milliers d’emplois supprimés, y compris quand la sidérurgie était nationalisée. »
La CGT dénombre trois fois plus de plan sociaux ces douze derniers mois qu’il y a un an sur la même période. Pour garantir les emplois, les ouvriers d’ArcelorMittal ne pourront compter que sur le rapport de force qu’ils peuvent construire : y compris en prenant contact en vue de se coordonner avec les autres salariés menacés sur tout le territoire, jusqu’à faire reculer le patronat sur les licenciements et imposer au gouvernement leur interdiction.
Léo Baserli