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Dans la pure ligne de l’extrême droite, le ministre de l’Intérieur a pondu sa circulaire restreignant encore les droits des migrants. Les patrons ayant besoin d’eux, consigne est néanmoins donnée aux préfets de permettre des régularisations dans les métiers dits « en tension ». Car les situations précaires permettent d’exploiter dans les pires conditions de travail et de salaires.
Retailleau annule donc la circulaire Valls de 2012, qui prévoyait une « admission exceptionnelle au séjour (AES) des étrangers en situation irrégulière ». Elle était déjà « exceptionnelle » et restrictive : une régularisation par le travail à condition d’avoir une promesse d’embauche, la preuve de plus de huit mois de travail consécutifs, et trois ans de présence ; ou une régularisation pour raisons familiales à condition d’être là depuis plus de cinq ans, d’avoir des enfants scolarisés, etc. Ce n’était que des recommandations aux préfets, non des droits. Sur plus de 400 000 travailleurs estimés sans papiers dans le pays (600 000 à 700 000 avec leurs familles), tout au plus 30 000 étaient régularisés chaque année, dont à peine 7 000 par le travail.
Avec Retailleau, pour obtenir une AES, il faudrait travailler dans les métiers dit « en tension » (selon des critères flous du gouvernement), prouver qu’on y a bossé au moins douze mois consécutifs (au lieu de huit). Quant à faire venir ou régulariser ses enfants, il faudrait attendre sept ans au lieu des cinq déjà exigés par Valls. Tout ça au gré des préfets.
Si Valls avait concédé quelques maigres aménagements, c’est que des luttes de sans-papiers s’étaient multipliées à la fin des années 1990, puis à partir de 2008 par vagues, dont une longue grève de travailleurs sans papiers de l’automne 2009 à l’hiver 2010-20111. Les grévistes, d’origine africaine ou chinoise, aidés surtout par la CGT, appartenaient aux secteurs de la restauration, du nettoyage, de l’intérim, du bâtiment. Dont des « plongeurs » d’un resto chic de Neuilly fréquenté par Sarkozy. Dont un gréviste du bâtiment qui effectuait dans l’enceinte du palais Bourbon des travaux pour le confort des députés ! Dont 1500 sans-papiers de l’intérim, pour les travaux les plus durs. Ils ont fait l’actualité en occupant les locaux de patrons voyous, pour arracher des certificats de travail sous leur vrai nom, obliger leur employeur à avouer qu’il les avait fait travailler sous une fausse identité, etc. Une formidable mobilisation de milliers de travailleurs qui a abouti à des régularisations. Pas assez bien sûr, et avec leurs faiblesses, car notre revendication de régularisation ne se limite pas à celles et ceux dont auraient besoin les patrons.
Un tel mouvement de sans-papiers, soutenus comme il l’a été alors par bien d’autres travailleurs, pend au nez de Retailleau et pourrait le submerger ! À tous les travailleurs, français et immigrés, d’y contribuer. Ouverture des frontières et libre circulation de toutes et tous sur la planète !
Olivier Belin
1 Une brochure relate des épisodes de cette lutte : https://www.convergencesrevolutionnaires.org/IMG/pdf/brochure_greve_sans_papiers_2011.pdf