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Non, s’opposer au sionisme, ce n’est pas être antisémite !

Un sit-in en solidarité avec les Palestiniens à la gare ferroviaire de Brighton, au Royaume-Uni, le 8 novembre 2023 (Middle East Eye/Joe Gill)

Le gouvernement français a tout fait pour interdire les manifestations dénonçant le massacre de la population civile palestinienne, en se justifiant par une intense campagne politique, martelant que tout soutien au peuple palestinien était identifiable à de l’antisémitisme, ce qui lui permet de pénaliser toute critique de l’État d’Israël.
L’antisionisme est une position politique, alors que l’antisémitisme désigne la haine des Juifs, donc une forme de racisme. Dès son apparition, le sionisme a divisé la communauté juive entre ceux qui prônaient la fondation d’un État pour les Juifs, ceux qui croyaient en une possible assimilation là où ils vivaient, et ceux qui participaient au mouvement ouvrier dans la perspective d’une révolution sociale seule capable de mettre fin à toutes les formes d’oppression.

En dehors de la communauté juive, ceux qui soutenaient ce projet d’État juif, à la fin du XIXe siècle, étaient bien souvent eux-mêmes antisémites, souhaitant se débarrasser de ce qu’ils appelaient le « problème juif ». Le fondateur du sionisme, Theodor Herzl, écrivait ainsi : « Les antisémites seront nos amis les plus dévoués et les pays antisémites nos alliés. » Balfour, le ministre anglais qui a accordé l’existence d’un foyer national juif en Palestine en 1917, était ainsi un intégriste chrétien antisémite.

Après la création d’Israël en 1948, la contestation du sionisme s’est poursuivie parmi les habitants du nouvel État. Les militants du Bund1 rescapés de la Shoah ont immédiatement reconstitué leur parti en Israël pour tenter d’offrir aux Juifs une alternative au sionisme. Un peu plus tard, fondé en 1962, le Matzpen (la boussole, en hébreu) était une organisation d’extrême gauche revendiquant la « désionisation » d’Israël, pour permettre à tous les habitants de la région d’y vivre à égalité de droits. Les militants du Matzpen, bien que majoritairement juifs, étaient d’ailleurs accusés par l’État hébreu d’antisémitisme, aussi absurde que cela puisse paraître.

L’assimilation entre antisionisme et antisémitisme ne date donc pas d’hier. Mais c’est cet amalgame qui alimente l’antisémitisme et représente une forme de racisme par essentialisation, en réduisant les Juifs au seul soutien de la politique israélienne, en considérant que l’État d’Israël parle au nom des Juifs du monde entier, même s’ils ne sont pas d’accord avec la politique menée par Netanyahou.

Qu’est devenu le sionisme aujourd’hui ? Si, à la naissance de l’État d’Israël, les dirigeants sionistes à la tête du pays étaient issus de la gauche et liés au mouvement ouvrier, le sionisme est désormais à l’image des gouvernements israéliens depuis trente ans : intégristes religieux, d’extrême droite, suprémacistes, qui encouragent la colonisation de pans entiers de la Cisjordanie, ont maintenu les Gazaouis dans une prison à ciel ouvert, ont consciencieusement saboté la création d’un État palestinien prévue par les accords d’Oslo et ont pour seule perspective spoliation et guerre sans fin. Comment ne pas voir que c’est cette politique qui risque d’exposer les Juifs du monde entier au ressentiment ?

En Israël, en dépit du traumatisme ressenti le 7 octobre, la population n’a aucune confiance dans le gouvernement Netanyahou. On peut espérer qu’une partie d’entre elle au moins a aussi conscience que sa politique mène le pays droit dans le mur. Dans le monde, des Juifs manifestent contre la politique de l’État d’Israël, comme aux États-Unis le mouvement Jewish Voice for Peace, voix juives pour la paix, qui a manifesté à plusieurs reprises avec le slogan « Pas en notre nom ! » ou, en France, l’Union juive française pour la paix (UJFP).

Eux aussi seraient antisémites ? On le voit bien, ce faux débat ne vise qu’à imposer le silence à celles et ceux qui dénoncent les massacres à Gaza et le soutien de l’impérialisme, notamment français, à l’État d’Israël. L’impérialisme se moque du sort des populations, palestinienne comme israélienne. Il considère Israël comme un point d’appui au Moyen-Orient, son bras armé pour faire régner son ordre. Mais, en stigmatisant ceux qui manifestent pour la Palestine, le gouvernement français encourage en réalité la montée de l’antisémitisme.

Lydie Grimal

 

(Article paru dans le numéro 8 de Révolutionnaires)

 


 

 

1 Le Bund était un parti socialiste juif très influent parmi les travailleurs juifs en Pologne avant la Deuxième Guerre mondiale.