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Notre corps, documentaire de Claire Simon

Notre corps est un film-documentaire bouleversant réalisé par Claire Simon, sorti au cinéma le 4 octobre 2023 et qui filme le quotidien d’un service de gynécologie-obstétrique à l’hôpital Tenon à Paris.

Le film retrace le quotidien des femmes et du personnel hospitalier qui combattent ensemble les maladies touchant le corps des femmes, comme les cancers du sein et du col de l’utérus, ainsi que l’endométriose. Le service aide également les couples qui ont des difficultés à avoir des enfants, assiste les femmes qui accouchent ou qui décident d’avorter et accompagne des personnes dans leur transition de genre.

Le film a pour but de sensibiliser le public sur les difficultés rencontrées par les femmes. Elles arrivent toutes avec leur propre histoire à l’hôpital, mais elles passent toutes par le même service afin de se faire aider lors d’évènements particuliers de leur vie, qu’elles auront ainsi en commun.

La réalité de ces femmes nous frappe de plein fouet, car les maladies qu’elles peuvent développer bouleversent leur quotidien. Cela peut notamment se traduire par une perte d’autonomie avec la précarisation professionnelle que cela peut engendrer. Par exemple, nombre d’entre elles ne sont plus capables de lever le bras, suite à une opération du sein après la détection d’un (possible) cancer. Ou développer une endométriose, une maladie encore mal diagnostiquée et mal soignée après avoir été totalement ignorée, alors que les femmes qui en souffrent sont très handicapées par des douleurs violentes. L’endométriose reste sans traitement efficace à long terme. On en devine les conséquences sur la vie de tous les jours, car ces maladies touchent également leur vie personnelle (douleurs lors des rapports sexuels, difficulté à avoir des enfants, etc.).

On mesure à travers les consultations auprès des médecins que la possibilité de voir leur identité bouleversée est essentielle. Beaucoup de celles qui développent un cancer doivent subir une ablation du sein, subir une modification importante de leur apparence physique, du cycle menstruel et de leur équilibre hormonal lors de traitements lourds. Des traitements qui augmentent également la probabilité de devenir stériles pour celles qui ont un cancer touchant l’appareil reproducteur féminin.

Même s’il existe des solutions pour tenter de reconstruire l’image de soi grâce à des chirurgies réparatrices et des accompagnements psychologiques, la médecine propose des traitements qui ne sont pas sans conséquence pour ces femmes durant toute leur vie. Beaucoup d’entre elles ne sont pas accompagnées, ou bien peu, lors des rendez-vous médicaux, voire de leur accouchement. L’une d’elle, par exemple, accouche d’une petite fille toute seule, car son mari est à la maison pour s’occuper des quatre autres enfants. Les autres proches n’ont pas pu l’accompagner, la laissant avec la seule assistance d’une sage-femme, heureusement très présente et rassurante.

Les idées reçues sur l’IVG sont également montrées de manière prégnante. Lors de la première scène, on voit une jeune femme de 15 ans qui veut avorter, mais qui a honte de ce qui lui est arrivé. Elle fait mention d’une conversation avec sa belle-mère qui lui a dit que l’avortement n’était pas sans risque, car l’évacuation de l’embryon par voie chirurgicale la rendrait infertile. On voit également qu’elle fait pratiquement reposer toute la « faute » sur elle seule. Elle rapporte que sa belle-mère et son père étaient très en colère contre elle. Comme beaucoup de femmes, elle subit toutes les pressions de la famille et de la société, et se sent coupable de ne pas s’être protégée et de devoir recourir à l’avortement.

L’équipe de l’hôpital que suit Claire Simon semble bien informée sur ses patientes. Elle s’assure de leur consentement et veille à respecter leurs volontés. Mais ce n’est pas toujours le cas à l’hôpital : les conditions de travail harassantes pour un personnel sous-payé conduisent à certaines formes de maltraitance, de l’aveu même des soignantes. Le film montre ainsi des militantes de Stop VOG (stop aux violences obstétricales et gynécologiques) manifestant aux portes de l’hôpital et l’on mesure à quel point la qualité des relations entre personnel et patients gagnerait à la mise à disposition de moyens suffisants.

Les recherches scientifiques sur les maladies touchant particulièrement les femmes comme l’endométriose, les cancers du sein et de l’appareil reproducteur féminin avancent lentement : la situation des femmes est trop souvent délaissée par une médecine ne trouvant que peu d’intérêt pour celles qui sont encore considérées comme inférieures aux hommes.

Orianne Liturri