Nos vies valent plus que leurs profits

Notre intervention

Parmi les groupes participant à la conférence, quatre ont des attaches politiques avec l’un ou l’autre des deux courants trotskystes, de traditions différentes, qui ont été à l’initiative du NPA-Révolutionnaires1, ont milité ensemble dans l’ancien NPA depuis sa fondation et ont pris l’initiative de la plateforme politique qui s’est opposée au ralliement à la gauche en décembre 2022. Pour ces groupes proches politiquement aussi, la discussion a été fructueuse. En quelques mots nous avons présenté une démarche commune que l’on peut résumer brièvement.

Accord sur la nouvelle ère de Trump

Elle « n’est pas une rupture avec ce système mais montre ce que ce système est capable de produire » : « une phase chaotique qu’il y a besoin de comprendre, un ordre mondial de plus en plus militarisé, où l’armement de l’Europe dépend pour 50 % des marchands d’armes des USA. » L’impérialisme américain, toujours de loin le plus puissant, doit compter avec des concurrents nouveaux, l’impérialisme chinois montant, l’impérialisme russe… Et ces impérialismes doivent compter avec un prolétariat qui n’a jamais été aussi nombreux, en particulier avec la classe ouvrière et la jeunesse chinoises, peu organisées mais qui ont déjà montré des capacités de révolte.

Tournant vers la militarisation du monde

Suite à l’invasion militaire de l’Ukraine par l’armée russe, ce tournant militariste s’est affiché avec vigueur en Allemagne : un bond soudain de près de mille milliards d’euros pour la défense et des infrastructures, au détriment des dépenses sociales. « La production industrielle est réorientée vers l’armement. Des secteurs clés – automobile, sidérurgie, chimie – sont restructurés en coordination avec l’industrie de la défense. » L’État espagnol militarise, lui aussi, tout en s’intéressant aux ressources ukrainiennes, en particulier le tournesol qui arrive par la mer Noire. En Grèce, qui elle aussi fait partie de l’Otan, les militants révolutionnaires – tout en dénonçant comme criminelle l’invasion de Poutine –, rejettent les slogans de « libération nationale » à propos de l’Ukraine. Échaudés par Syriza et d’autres qui l’ont trop fait en Grèce, face au FMI, pour détourner des perspectives de révolution sociale. Tandis que le Parti communiste grec, qui ne vote pas les crédits militaires parce qu’ils irrigueraient l’Otan, défend néanmoins « de vraies dépenses militaires nationales »…

Durcissements répressifs

Dans tous les pays, la militarisation impérialiste s’accompagne de mesures de répression, contre celles et ceux qui protestent contre les massacres génocidaires d’Israël à Gaza et sont poursuivis pour antisémitisme, très durement en Allemagne ; contre ceux également qui militent contre les restructurations et licenciements sur les lieux de travail. Partout dans le monde l’extrême droite et le nationalisme exacerbé gagnent du terrain. Partout des gouvernements, de droite ou de gauche, ou de coalition, se font les artisans de politiques nationalistes et anti-migrants forcenées. Face à quoi la réponse dominante de la gauche – à savoir des « fronts unis » avec les partis bourgeois – est une impasse totale. Une camarade précise que « ce n’est pas un rempart contre le fascisme, c’est sa phase préparatoire ».

Travail syndical des révolutionnaires

Constat commun : « peu de travailleurs, aujourd’hui, pensent que le capital pourra être renversé », et pourtant, face aux problèmes de la vie quotidienne, d’emploi et de salaire, la colère est palpable et des grèves et luttes ont lieu. L’Allemagne a l’un des taux de grèves les plus bas d’Europe, la France en compte cinq fois plus. À des degrés divers, le militantisme syndical offre aux révolutionnaires la possibilité de jouer un rôle positif dans des luttes, voire d’en organiser de l’extérieur, quand « on a déjà gagné une légitimité syndicale ailleurs », comme pour les camarades d’Izar lors d’une grève de femmes de chambre à Grenade, en Andalousie.

Chez Volkswagen, en Allemagne, la situation est tout autre. Face à des dizaines de milliers d’emplois menacés, l’IG Metall a appelé à deux jours de grève à l’automne, a fait quelques discours enflammés, puis a passé un accord secret et pourri avec le patron : 35 000 emplois supprimés et 1,5 milliard d’euros de réductions salariales. Ce qui a été vendu à des travailleurs pourtant prêts à se battre comme un « compromis pour l’avenir ». D’où l’importance pour les travailleurs en lutte de se donner des formes propres d’organisation, syndiqués et non syndiqués. « C’est nous qui travaillons, c’est nous qui savons ce qu’on peut faire sur les lieux de travail et dans la société tout entière. » Et besoin d’unité et de coordination dans la lutte, entre travailleurs.
À Berlin, dans le plus grand hôpital universitaire de la ville, une lutte est en cours : « À travail égal, salaire égal. » Les conventions collectives des soignants de l’hôpital et des « non médicaux » d’une grosse société sous-traitante, la CFM, sont différentes. Dix ans de lutte déjà, ça ne peut plus durer !

Un grand souffle d’espoir est né en Grèce. Le niveau de syndicalisation y est bas, surtout dans le secteur industriel. Mais c’est à l’occasion du procès d’un accident ferroviaire meurtrier vieux de deux ans, mettant en cause l’incurie patronale et étatique, que la colère a explosé. Manifestations en janvier dernier, de parents des victimes, de jeunes, de femmes. Puis en février, immense et puissante manifestation. S’y sont impliquées différentes structures du mouvement syndical. Pas facile pour les révolutionnaires d’être à la fois au sein des masses, et de proposer une politique qui permettrait à celles et ceux qui luttent de dépasser ces structures.

 

 

1  L’Étincelle (ex-Fraction dans Lutte ouvrière jusqu’à 2008, avec laquelle le RSO d’Allemagne-Autriche comme des militants socialistes américains de Speak Out Now – absents de la rencontre de Paris – et algériens ont des liens) et A&R (Anticapitalisme et révolution, membre de la TIR ou Tendance internationaliste révolutionnaire, minoritaire au sein de la IVe Internationale, à laquelle appartiennent Izar – Gauche anticapitaliste révolutionnaire et l’OKDE-Spartakos – Organisation des communistes internationalistes de Grèce).

2  Ce qui s’est concrétisé par l’intégration du NPA-L’Anticapitaliste au Nouveau Front populaire – NFP.

 

 


 

 

L’internationalisme concret : rencontres de forces internationalistes à Paris les 16, 17, 18 mai 2025

Sommaire du dossier paru dans Révolutionnaires n° 35