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Palestine : face à l’escalade de la guerre, quelques déboires pour Netanyahou

Rafah, bande de Gaza, 2025. Photo de l’UNRWA, source : wikipedia

Plus de 700 palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza en une semaine, depuis qu’Israël, rompant l’accord de trêve signée en janvier, y a repris les bombardements et opérations terrestres. Dimanche 23 mars, c’est l’un des derniers hôpitaux encore partiellement en activité qui a été bombardé dans le sud de la bande. Cette reprise de la guerre vient d’avoir une fois de plus le soutien explicite de la Maison-Blanche, dont la porte-parole a déclaré que le président américain « soutient pleinement Israël et l’armée israélienne et les actions entreprises ces derniers jours ».

50 000 morts, menace brandie à nouveau de vider Gaza de ses habitants

Au dernier bilan, la guerre a fait plus de 50 000 morts à Gaza depuis octobre 2023. Et en lançant la nouvelle offensive, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, reprenant les menaces de Donald Trump, déclarait que « les portes de l’enfer s’ouvriront » pour la population de Gaza ; comme si elle ne connaissait pas déjà l’enfer depuis plus d’un an, la vie dans les décombres, l’exode permanent d’un bout à l’autre du territoire pour fuir les opérations (120 000 ont dû fuir à nouveau depuis la reprise des bombardements), le blocage par l’armée israélienne du ravitaillement. Et, surtout, il annonçait ouvertement l’intention d’annexer purement et simplement à Israël une partie du territoire : « Si le Hamas refuse de libérer les otages, j’ai donné pour instruction à Tsahal de reprendre de nouvelles zones, tout en évacuant la population civile, et d’étendre les zones de sécurité autour de Gaza dans le but de protéger les villes israéliennes et les soldats de Tsahal, grâce à une emprise israélienne permanente sur le territoire », des terres « qui seront ajoutées à Israël ». Menace, surenchère peut-être, dans la même veine que les déclarations tonitruantes d’un Donald Trump se faisant fort de transformer Gaza en Côte d’Azur ou en nouveau Miami. Mais pas seulement une menace en l’air quand, en même temps, le gouvernement israélien annonce la création d’une administration chargée d’organiser le « départ volontaire des habitants de Gaza vers un pays tiers », en clair le départ de ceux qui n’auraient plus qu’à choisir les bombes ou l’exil.

Guerre d’expansion en Cisjordanie

En Cisjordanie, la guerre d’expansion d’Israël continue : expulsions de Palestiniens et implantation de nouvelles colonies. Depuis que les opérations militaires baptisées « mur de fer » ont commencé, le 21 janvier dernier, 40 000 Palestiniens ont été expulsés de chez eux, essentiellement lors des attaques contre les camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Nour Chams, mais aussi dans les villages où, avec l’appui de l’armée, de nouveaux colons israéliens viennent s’installer. D’après un rapport publié le 18 mars par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, les plans de construction de 20 000 logements dans les colonies israéliennes de Jérusalem-Est (la partie officiellement palestinienne de Jérusalem) ont été mis en œuvre, et plus de 10 000 logements sont en construction pour de nouvelles colonies de Cisjordanie, où des dizaines de routes ont été tracées pour les relier, interdites aux Palestiniens. Dans la même veine, dimanche 23 mars, les autorités israéliennes classaient treize zones d’implantation en Cisjordanie comme « implantations indépendantes », vocable qui signifie que, bien que situées dans une région officiellement palestinienne, elles deviennent annexions de l’État d’Israël.

Exemple de la violence des opérations militaires et de la haine des colons, l’arrestation lundi 24 mars dans le village de Soussiya, au sud de la Cisjordanie, du réalisateur palestinien Hadam Ballal, après qu’il avait été passé à tabac par un groupe de colons qui avaient attaqué sa maison. « Alors qu’il était blessé et ensanglanté, des soldats sont entrés dans l’ambulance qu’il avait appelée et l’ont arrêté », précisait à la presse Yuval Abraham, journaliste militant israélien. Ils sont tous deux co-auteurs, avec un collectif de militants palestiniens et israéliens, du film No Other Land, sorti début 2024, sorte de documentaire sur les interventions en Cisjordanie de l’armée israélienne, les destructions de villages et les expulsions.

Premiers grippages tout de même dans le régime de Netanyahou

Pour la première fois depuis le début de cette guerre, des rouages commencent à grincer, en Israël même, au sein du pouvoir. On est très loin d’une réelle contestation des massacres et de l’oppression du peuple palestinien. Mais, mercredi 19 mars, des manifestants se sont rassemblés à Jérusalem, pour protester contre la reprise de la guerre à Gaza, essentiellement motivés par le sort des otages restants, dont la rupture de la trêve met en péril la libération, voire la vie. Les manifestations bien plus massives qui ont suivi ce jour-là et les jours suivants dans plusieurs villes du pays (près de 100 000 manifestants à Jérusalem le 19 mars, selon la presse) étaient orchestrées par une opposition politicienne au régime de Netanyahou : au départ, la protestation contre la décision gouvernementale de limoger un homme qui n’est pourtant pas un ami des pauvres et des opprimés, le chef du Shin Bet, les services de renseignements intérieurs, la police politique du pays. Celui-ci avait eu l’impudence de mener une enquête contre un des leaders de l’extrême droite, ministre et proche de Netanyahou, pour corruption dans des affaires avec le Qatar. Puis, pour avoir notamment jugé illégale la destitution du chef du Shin Bet, c’est la procureure générale qui a été mise sur la sellette, et menacée à son tour de limogeage.

Reviennent à la surface, derrière les manifestations d’aujourd’hui, le clivage de clans politiques, Netanyahou d’un côté s’appuyant sur l’extrême droite, son opposition se revendiquant de la démocratie ; le même clivage apparemment que lors des manifestations de l’hiver 2023 contre la réforme de la justice que voulait imposer le chef du gouvernement. Cette opposition de 2023, qui portait sur les droits démocratiques pour les Israéliens, pas pour les Palestiniens, était complètement passée sous la table avec l’unanimité réalisée derrière Netanyahou et le soutien à sa guerre à Gaza, au Liban et en Cisjordanie. Cette unanimité n’existe plus, et c’est déjà un premier revers pour la politique de surenchère guerrière du gouvernement israélien et sa décision de reprendre la guerre à Gaza.

Pour la petite histoire, toute petite, Jordan Bardella et Marion Maréchal-Le Pen, représentants d’un parti aux racines antisémites et toujours profondément raciste, sont allés ce mardi 25 mars en Israël tenter de se faire de la publicité aux côtés de Netanyahou et de son extrême droite. Ils ont peut-être mal choisi leur jour au moment où ceux-ci y sont contestés !

Restons mobilisés

La toute petite minorité qui, en Israël, milite contre l’oppression du peuple palestinien, comme cette équipe de cinéastes israélo-palestiniens pourchassée par les colons, a sûrement bien de la peine à se faire entendre en Israël, même par ceux qui espéraient que la signature d’un cessez-le-feu pourrait mettre fin à la guerre.

C’est pour nous une raison de plus de manifester contre cette guerre génocidaire à Gaza, d’expulsion et de colonisation en Cisjordanie. En espérant qu’en plus d’être un soutien pour le peuple palestinien et une gêne pour les gouvernants qui soutiennent Israël (dont celui de Macron), les protestations de par le monde encouragent ceux qui en Israël commencent à contester la politique de leur gouvernement et à prendre conscience de la monstruosité de cette guerre.

Olivier Belin