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Par la fenêtre ou par la porte, un film sur la tragédie de France Télécom

Un collectif de syndicalistes s’est constitué au fil des deux procès contre France Télécom (aujourd’hui Orange) et ses dirigeants. Il a finalement décidé de faire un documentaire sur cette longue lutte syndicale et judiciaire, avec la rencontre d’un réalisateur, Jean-Pierre Bloc. Le film est une réussite et il fera sa sortie nationale le 8 novembre. Interview de Patrick Ackermann, un des initiateurs du projet.

Quelles étaient à l’époque les réactions des victimes et des témoins, vis-à-vis de la pression patronale et de la situation de souffrance des employés ou de leurs proches ?

P.A. : Les premiers symptômes sont apparus dans le début des années 2000. L’énorme dette contractée par France Télécom au niveau international a déchainé la direction, avec une énorme pression sur les salariés, fonctionnaires ou de droit privé. Les victimes de cette politique sont souvent restées seules, isolées, les collectifs de travail avaient déjà été chamboulés pour mettre à mal la résistance syndicale. C’était donc doublement difficile de recueillir des témoignages.

Puis, vient la privatisation totale de France Télécom en 2004 avec l’arrivée de Didier Lombard comme PDG. La crise devient encore plus aigüe avec l’objectif affiché de la direction de faire partir, coûte que coûte, 22 000 salariés, majoritairement fonctionnaires, entre 2006 et 2008, « par la fenêtre ou par la porte ». La souffrance au travail devient une réalité massive. Des salariés se suicident et certains laissent des messages pour dénoncer les pressions dont ils étaient victimes : placardisés, déclassés, humiliés, contraints à des changements professionnels, des mobilités forcées…

Didier Lombard et Louis-Pierre Wenès ont été condamnés par la justice. C’est assez inédit que soient condamnées les pratiques patronales ?

P.A. : Oui, c’est même extraordinaire d’en être arrivé là. Notre plainte a été déposée en décembre 2009, deux juges d’instruction ont été nommés en mars 2010, pour quatre années d’une enquête sans aucun doute exemplaire, et le premier procès condamne les prévenus en décembre 2019.

Nous avions un dossier énorme, grâce aux enquêtes des CHSCT, aux analyses nationales menées par l’Observatoire du stress (créé dès 2007)… Le plus difficile était d’arriver au procès, mais finalement, l’émotion nationale vécue sur les médias pendant les années 2006-2009 avait poussé l’État à pousser les dirigeants d’Orange à la démission… Il était donc difficile de banaliser cette affaire et d’éviter le procès pénal.

Penses-tu que l’exemple de ta lutte et de celle de tes camarades peut montrer que le syndicalisme combatif est un moyen de dégager les patrons, à l’heure où on veut nous faire croire qu’ils sont tout puissants ?

P.A. : Bien sûr, il faut un syndicalisme combatif pour faire face à des patrons qui ont des moyens énormes pour museler les salariés : pression sur les conditions de travail, refus de négociation, utilisation de politiques managériales toxiques, négation des crises suicidaires… Mais ce que nous avons réussi à faire, c’est de mettre dans la balance la pression médiatique, l’émotion nationale sur cette crise, de nous adresser à des sociologues, des chercheurs, des experts, pour construire un mouvement d’opinion qui dépassait le cadre de l’entreprise France Télécom-Orange.

Finalement, le film permet de rendre hommage à la lutte, tout en montrant qu’elle est puissante ?

P.A. : Nous espérons bien avoir réussi ce pari. L’accueil dans les salles de cinéma nous dira si notre exemple parle à beaucoup de salariés et, tout simplement, à beaucoup de citoyens. La réalisation du documentaire a été une aventure, mais la possibilité de faire une sortie nationale le 8 novembre se présente plutôt bien… Nous espérons que les nombreux débats organisés après les projections montreront qu’une combativité existe, et qu’il ne faut pas sombrer dans la résignation. Il est possible de se battre, y compris avec le droit.

L’histoire n’est pas écrite.