Nos vies valent plus que leurs profits

Patria, de Fernando Aramburu

Patria
Fernando Aramburu
Babel, 2020, 723 p., 12 €

Cette ample fresque nous fait partager les destins de deux familles basques espagnoles sur plusieurs dizaines d’années. Elle commence en 2011, le jour où ETA (organisation basque indépendantiste) annonce officiellement renoncer à la lutte armée et où débutent des pourparlers de paix.

Les deux familles ne se parlent alors plus, après avoir été très proches. Un assassinat les a rejetées dans des camps opposés.

Le roman est construit sur des va-et-vient dans le temps, plongeant dans l’histoire intime et collective des personnages. Il nous emmène de San Sebastian (Donostia en basque), la grande ville proche, au village natal (imaginaire) des personnages, mais aussi en France, base arrière des combattants d’ETA, dans la partie française du pays Basque notamment.

Aramburu dénonce la violence de l’État espagnol. Il dénonce aussi l’impasse nationaliste d’organisations comme ETA. La lutte armée engagée par ETA s’est construite en dehors de toute mobilisation consciente de la classe ouvrière. Mais ce n’est pas de ce point de vue que se place Aramburu, qui renvoie dos à dos les commandos de l’État espagnol et ceux d’ETA, niant en fin de compte l’oppression des minorités par l’État espagnol. À propos des Basques, il parle d’un « peuple soi-disant opprimé », sans qu’on puisse comprendre alors les raisons pour lesquelles une organisation comme ETA a pu disposer d’une aussi forte implantation et d’un tel soutien.

Cela dit, il s’agit d’un roman remarquable tant par la description de ce contexte très lourd de combat – qui, rapporté au niveau du village, est nécessairement fratricide – que par l’épaisseur psychologique des personnages, que l’on voit évoluer au fil du temps et que l’on quitte à regret.

Liliane Lafargue