Lorsque Pierre de Coubertin crée en 1894 le Comité international olympique, il cherche à ancrer l’organisation de compétitions sportives dans la pratique des Grecs anciens, dont les compétiteurs se rencontraient à Olympie, pour pratiquer des épreuves de combat. Pierre de Coubertin aurait eu à cœur de préserver la paix qu’il inscrit dans « l’idéal olympique ». Or les affrontements à la lutte, au javelot ou à la course relevaient de la culture de la guerre, que les Achéens se livraient les uns aux autres hors des stades. Telle était la fonction de la trêve olympique : permettre à l’élite des combattants d’y participer.
Mais Pierre de Coubertin parvint tout de même à faire plus réactionnaire encore que ses aînés de la société esclavagiste, par l’exclusion initiale des femmes dont le « rôle devrait être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner des vainqueurs », alors que celles-ci participaient à des compétitions à Olympie en l’honneur de la déesse Héra, même si – patriarcat oblige ! – elles en étaient exclues, sous peine de mort, dès qu’elles étaient mariées. Pierre de Coubertin est aussi colonialiste. Il dénonce le « sentimentalisme humanitaire tendant à envisager toutes les races comme possédant les mêmes droits et douées des mêmes aptitudes ». Enfin, la promotion de l’amateurisme ne poursuit pas l’objectif de scinder sport et argent mais d’empêcher les travailleurs d’y participer, puisqu’un entraînement sérieux n’est pas compatible avec des semaines de travail de plus de quarante heures.
L’exploitation spectaculaire que fera Hitler des JO de Berlin en 1936 ne dérangea guère le baron. À cette occasion, le régime nazi veut célébrer la race aryenne. Face aux protestations contre cette instrumentalisation, Pierre de Coubertin répondra aux journalistes. « La réussite des Jeux de Berlin a magnifiquement servi l’idéal olympique. »
C’est à l’occasion de ces Jeux que naît le passage du flambeau olympique, depuis la Grèce jusqu’à la ville qui doit accueillir ces jeux. Ce rituel n’existait évidemment pas lors des Jeux antiques puisque ceux-ci avaient lieu à Olympie. Les nazis, conformément à leurs mythes racistes fumeux, se voulaient les héritiers culturels des Grecs, ce qu’ils matérialisèrent par ce passage du flambeau. Un héritage plus lourd à porter que la torche.
Louis Dracon