Crise des institutions politiques de la bourgeoisie, offensive du monde patronal, mobilisations sociales et politiques et intervention des révolutionnaires
Macron-Le Pen : une belle alliance pour le patronat
1. Le durcissement de l’offensive patronale, le virage autoritaire qui l’accompagne, la concurrence accrue entre impérialistes et l’obligation pour la bourgeoisie d’anticiper et réprimer toute contestation, sont les éléments centraux de la crise politique en France. Le gouvernement Barnier est le palliatif politique, férocement anti-ouvrier mais institutionnellement fragile et probablement transitoire, trouvé à ce stade par la bourgeoisie : l’alliance officielle de la droite et de l’extrême droite, seule possibilité pour les macronistes de se maintenir au pouvoir avec ce que cela implique de pression renforcée du Rassemblement national sur le terrain institutionnel. Ce gouvernement de combat pro-patronal, comme dans d’autres pays européens, met l’extrême droite de plus en plus en responsabilité, dans les faits. Cela dit, dans un contexte où les mobilisations, cette année dispersées mais persistantes, montrent que la crise peut aussi être celle provoquée par les travailleurs et travailleuses, et la partie de la jeunesse qui se sent dans le camp des exploités et opprimés, et leur contestation dans la rue et les lieux de travail et d’étude.
Guerre, militarisation et montée autoritaire
2. La France impérialiste tient à moderniser et développer une armée hypertrophiée malgré son poids économique déclinant. Dans le contexte de montée des tensions inter-impérialistes d’un côté et des contestations contre la présence coloniale ou néocoloniale de l’autre (Afrique de l’Ouest, Antilles, Kanaky), le militarisme se renforce : augmentation du budget de l’armée, développement de l’industrie de l’armement et retour d’une propagande de mobilisation via le SNU entre autres. Les annonces et mesures qui servent à « habituer » les travailleurs, et aussi la jeunesse, à cette politique sont dans la continuité de la politique répressive dont les jeunes des quartiers populaires ou les populations des colonies font les frais depuis longtemps avec le meurtre de Nahel à Nanterre ou la répression musclée en Kanaky et en Martinique. Cette montée autoritaire accompagne une avalanche de mesures antisociales et antidémocratiques, contre le droit à l’éducation, ou contre toute contestation du soutien inconditionnel à l’État d’Israël – chape de plomb idéologique, amalgame de toute expression de solidarité avec la Palestine à de l’antisémitisme, interdictions ou restrictions des manifestations, etc.
Une politique patronale et gouvernementale contestée, mais en ordre dispersé
3. Depuis la mobilisation massive pour la défense des retraites en 2023, les luttes ont été permanentes même si aucune n’a été suffisamment massive pour changer le cours des choses : pour le droit à l’IVG et contre les violences faites aux femmes ; en solidarité avec les migrants ; contre l’extrême droite, surtout dans les lycées. Il y a eu le mouvement des agriculteurs pour vivre de leur travail ; les manifestations en soutien aux Palestiniens et Libanais ; des grèves enseignantes et la mobilisation des parents dans les quartiers populaires contre le tri social à l’école ; des débrayages et grèves pour les salaires, les conditions de travail et aujourd’hui, tout particulièrement, contre les licenciements. Celles-ci ne sont pas coordonnées et donc pas conscientes de la force de leur unité mais elles créent des opportunités d’intervention pour les révolutionnaires.
Quand les contestations contre l’exploitation, les politiques racistes ou pour des droits démocratiques élémentaires gagnent les colonies de l’impérialisme français comme la Martinique, Mayotte ou la Kanaky-Nouvelle Calédonie, celui-ci déploie ses blindés, des milliers de policiers et militaires, impose des couvre-feux et des déportations. Escalade répressive qui se développera contre toute mobilisation qui inquiéterait la bourgeoisie. Si les mobilisations de solidarité sont aujourd’hui faibles (un soutien à la lutte du peuple kanak s’exprime cependant dans le cadre des manifestations Palestine), nous tentons de les renforcer et d’aider à ce que s’affirme une conscience internationaliste, celle d’affronter un ennemi commun, l’impérialisme français.
4. Ces fronts de lutte n’entraînent aujourd’hui que de faibles minorités mais suscitent des discussions bien au-delà. Ce sont des éléments de politisation et ils contribuent à alimenter la remise en cause des politiques de la bourgeoisie. Une de nos tâches est de montrer que ces contestations ont en commun de dénoncer la responsabilité du capitalisme et d’exprimer la capacité des luttes des travailleurs et de la jeunesse à ouvrir des perspectives.
L’extrême droite de plus en plus présente
5. Les dernières élections ont été marquées par une progression sans précédent du vote RN : après être arrivé largement en tête avec un peu plus de 31 % aux Européennes, soit 7,7 millions d’électeurs, il a recueilli plus de dix millions de voix et 34 % des suffrages lors du premier tour des Législatives. Le RN n’a finalement pas obtenu la majorité des élus (21 % des députés), en raison de la logique des désistements corrigeant à ses dépens le jeu, d’ordinaire truqué en faveur du parti arrivé en tête, du scrutin uninominal à deux tours par circonscription. Au-delà de toute illusion sur ceux qui, à gauche ont donné consigne de voter macroniste, ou l’inverse, beaucoup d’électeurs ont simplement voulu exprimer leur rejet de l’extrême droite et de son racisme par n’importe quel moyen, et tant mieux. Mais passé le soulagement immédiat ressenti à la fin de ce marathon électoral, il reste que le RN a progressé en nombre de voix. Cette montée en force a été marquée par une libération de la parole de la part des électeurs RN et même par des agressions racistes, verbales ou physiques, durant la campagne législative. Ces agressions, parfois extrêmement violentes, donnent un aperçu des conséquences qu’aurait une accession du RN au gouvernement dans la vie quotidienne des étrangers, ou perçus comme tels. Certains groupes n’ont pas hésité à tenter le coup de poing, ici ou là. Dans certaines régions tout particulièrement, nos camarades d’entreprise ont été confrontés à l’affirmation assumée de ce vote d’adhésion aux idées véhiculées par l’extrême droite, notamment à leur volet raciste et xénophobe. Face à ce changement d’ambiance, nous ne devons pas hésiter à participer à des mobilisations contre l’extrême droite, comme nous l’avons fait dans l’entre-deux tours des législatives, avec nos propres mots d’ordre. Cela pourrait aussi se poser d’en être à l’initiative.
6. En choisissant Barnier comme Premier ministre, Macron a cherché quel personnel politique, réactionnaire parmi les réactionnaires, pourrait ne pas faire l’objet d’un vote de censure immédiat des élus RN. Au sein de ce gouvernement, Retailleau joue la partition entonnée jusque-là par Darmanin : courir derrière le programme du RN, à la fois pour ne pas être censuré, mais aussi pour complaire aux électeurs d’extrême droite, animés tout à la fois de préjugés racistes et de haine de Macron. Alors que les décrets d’application de la loi Immigration ont été publiés juste avant la démission du précédent gouvernement, Retailleau annonce son projet d’en faire une nouvelle, qui criminaliserait davantage encore l’immigration, remettrait en cause l’aide médicale d’État, etc. Initiative que le RN a accueillie avec condescendance, attendant de voir si cette loi irait assez loin à son goût. C’est paradoxalement sur le plan social que le RN fait mine de mettre en difficulté le gouvernement, en prétendant proposer un projet de loi d’abrogation de la précédente réforme des retraites. Une véritable mascarade, qui a pourtant suffi à semer la zizanie à gauche. De quoi continuer à semer les illusions de tous côtés, tant sur le prétendu programme social du RN, que sur toutes les combines parlementaires qui dispenseraient de reprendre la lutte.
7. Face à cette ambiance délétère, nous devons continuer à dénoncer le caractère pro-patronal du programme du RN. De nombreux électeurs RN sont malgré tout assez lucides sur ce point, mais tombent dans le panneau de la prétendue « préférence nationale », veulent bien admettre que les patrons sont toujours plus riches et les travailleurs toujours plus pauvres, mais sont convaincus que s’il n’y avait plus les travailleurs immigrés, il y aurait quelques miettes supplémentaires pour les Français… Nous devons continuer à expliquer que les attaques contre les travailleurs étrangers sont des attaques contre l’ensemble de la classe ouvrière. Avec les riches bourgeois du Golfe ou de tel ou tel pays africain, les mêmes pourfendeurs d’immigrés s’entendent à merveille, partageant avec eux les profits de la surexploitation et la pauvreté des travailleurs là-bas. Et c’est tous ensemble que nous serons plus forts, surtout pas en nous laissant diviser.
La gauche ou le NFP de tous les désistements
8. Nous n’allons pas revenir à 2022 et aux scores de Mélenchon, puisque les Européennes ont de fait rebattu quelques cartes. Les partis de gauche s’étaient lancés séparés dans les Européennes, tous ayant en tête de disputer aux autres le leadership pour la Présidentielle de 2027. C’est l’ancien soutien de Sarkozy, Glucksmann, tête de liste du PS, qui a réussi une percée qui a ses limites. Si nous connaissons tous des ouvriers qui ont voulu voter « à gauche » en votant Glucksmann, on ne peut pas vraiment parler de retour en grâce du PS dans les milieux populaires : c’est plutôt un bout de l’électorat petit-bourgeois centriste qui s’est éloigné du macronisme et qui se cherche un nouveau leader à gauche, assez à droite en fait, mais surtout contre LFI.
9. La dissolution de l’Assemblée nationale a interrompu la compétition et obligé à accoucher d’une nouvelle mouture électorale d’union de la gauche baptisée Nouveau Front populaire (NFP), pour tenter d’en ressusciter les illusions du passé et préparer toutes les futures trahisons… Première douche froide : l’union a reçu le soutien de François Hollande, qui porte une responsabilité particulière dans le ralliement de nombre de travailleurs au vote RN, par dégoût de sa politique. Puis le NFP, n’ayant pas les moyens de contrer seul les scores du RN, n’a pas eu d’autre choix électoraliste que de se rallier au « centre » macroniste, qui a appelé de fait Bardella au pouvoir après avoir mené sa politique pendant sept ans… Le Front républicain était ressuscité.
10. Beaucoup de nos collègues ou amis ont joué le jeu du prétendu barrage : il fallait, quoi qu’il en coûte, barrer la route au RN. Et la cascade de désistements au deuxième tour a été l’ultime couleuvre à avaler : désistements pour Éric Woerth, Xavier Bertrand, Élisabeth Borne ou Gérald Darmanin… Nos ex-camarades du NPA-L’Anticapitaliste, qui ont rallié le NFP en tant que satellite, ont donc collé à LFI derrière le PC, qui a collé à EELV et au PS dans un NFP de tous les désistements en faveur de la droite et de Macron… Ce dernier a finalement nommé un gouvernement Barnier, qui inclut désormais le RN dans « l’arc républicain ». Malheur à celui qui n’avait pas compris que le front républicain était à ce prix.
Assurer une indépendance politique du monde du travail, dans les urnes…
11. Le NFP, comme ses ancêtres, a contribué à verrouiller un cadre institutionnel et à assurer le ralliement de tous les partis aux exploiteurs. Si un gouvernement NFP avait vu le jour (sous l’égide d’un PS recomposé en fait), ç’aurait été pour s’aligner, comme il l’a toujours fait, sur la politique la plus « réaliste », contre les travailleurs, comme l’a annoncé Lucie Castets. Nous avons présenté des candidatures révolutionnaires pour proposer un choix d’indépendance de classe.
12. Notre formule d’appel à voter au 2e tour pour les candidats LFI ou PCF répondait au besoin de ne pas appeler à voter pour ce projet du NFP, sans donner raison à ceux qui, autour de nous, prétendaient combattre les politiques des gouvernements précédents en votant RN. Nous ne savions pas quel serait le résultat de ce vote et nous avons été surpris de voir le NFP arriver en tête. C’était aussi une manière de nous adresser à ces militants de la gauche – presque exclusivement du PCF et de LFI avec qui nous militons dans bien des luttes. Nous ne mettons donc pas tous les partis de gauche, et surtout pas leurs électeurs, dans le même sac.
13. Notons au passage que la diabolisation de LFI accompagne bien des dérives et concessions à l’extrême droite : que ce soient les arguments de François Ruffin qui reproche à LFI un prétendu appel à un vote communautaire qui rejetterait les bons français électeurs de gauche de la Somme, ou les accusations d’« antisémitisme » qui ne visent en réalité pas LFI mais bien ses électeurs supposés dans les quartiers populaires.
14. Notre problème n’est pas de faire des prophéties et encore moins de brandir le « on vous l’avait bien dit ». Il s’agit au contraire de montrer, à chaque étape de cette crise parlementaire qui n’en finit pas, quelle est la politique de cette gauche. Elle avait promis une alternative à Macron avec un NFP qui a remis en selle le PS. Elle n’a fait barrage au RN qu’en sauvant Macron. C’est pourquoi nous n’avons pas appelé aux manifestations pour quémander à Macron un gouvernement NFP et auxquelles se sont ralliées nombre de structures syndicales. Si nous y sommes apparus, c’est avec nos propres mots d’ordre pour en combattre les illusions.
… et surtout dans les luttes !
15. Car la gauche sociale et syndicale n’en est pas moins très « politique » quand toutes les directions syndicales emboîtent le pas au Front républicain, défendant le programme du NFP, qui est pourtant en deçà des revendications les plus élémentaires du monde du travail. Loin de nous l’idée de mettre un préalable programmatique aux luttes et aux objectifs précis que les travailleurs pourraient se donner. Mais, en revanche, mettre comme condition à la satisfaction de chaque revendication, une « loi », une majorité parlementaire, voire une nouvelle dissolution de l’Assemblée et un gouvernement NFP, ce serait subordonner aux perspectives institutionnelles d’une gauche électorale les luttes et le rapport de force qu’elles ne manquent jamais de modifier. C’est ce que les élus de gauche, mais aussi une dirigeante syndicale comme Sophie Binet, viennent défendre devant les usines menacées de fermeture, dans les luttes contre les licenciements et suppressions de postes.
16. Contre eux, nous tentons de montrer que les travailleurs ont d’autres alliés que les parlementaires de tout bord. Les luttes ne pourront imposer leurs revendications que par un rapport de force qu’elles produiront elles-mêmes en s’adressant aux autres travailleurs et en tentant de les entraîner. Luttes qui mettront cette gauche « sociale et politique », face à l’alternative : soit les soutenir, soit les combattre.
Dans un contexte de luttes, l’existence d’organisations révolutionnaires capables de saisir l’occasion de s’y exprimer sur un terrain politique, voire d’y jouer un rôle prépondérant dans certains secteurs, serait favorable au développement de nos idées. Car ce sont les luttes collectives qui seront seules de nature à redonner confiance aux travailleurs et aux travailleuses dans les idées émancipatrices, dans la force du monde du travail et dans la nécessité de s’organiser et de se coordonner. Sur des objectifs précis et portés par la lutte, nous serons toujours pour l’unité d’action pour faire grandir le rapport de force. Une préoccupation de « front unique » peut nous amener à chercher des alliances avec tout ou partie des organisations, militants, militantes ou sympathisants et sympathisantes de « gauche », « réformiste » ou pas, à condition que ces cadres d’alliance nous laissent toute liberté de propagande et d’intervention à l’égard de nos alliés temporaires. Car c’est aussi cette propagande, nos idées et notre liberté de les porter et d’en discuter, sur nos lieux de travail ou dans nos quartiers, qui seront déterminantes dans la manière que nous aurons de combattre l’extrême droite et les venins qu’elle propage, y compris dans la classe ouvrière.
Mener des campagnes électorales : une nécessité pour affirmer largement une politique d’indépendance de classe
17. En 2024, notre organisation a mené deux campagnes électorales : celle des Européennes, prévue au calendrier institutionnel, que nous avions donc pu anticiper, et une autre, imprévue, après la dissolution surprise par Macron de l’Assemblée nationale. Notre liste aux Européennes, sous l’intitulé « Pour un monde sans frontières ni patrons, urgence révolution ! », s’est affirmée comme un porte-voix des colères et des luttes des exploités et des opprimés au sein d’un continent où l’immense majorité de la population se bat pour sa survie alors que les grands groupes capitalistes se gavent. Nous avons défendu la nécessité de l’union dans la lutte de tous les travailleurs et toutes les travailleuses pour arracher les moyens de vivre dignement et notre opposition radicale à cette Europe « forteresse » que tous les partis politiques au service de la bourgeoisie ont contribué à mettre en place depuis des décennies. Nous avons combiné la dénonciation d’un système capitaliste mortifère avec la nécessité de le renverser, pour qu’une autre société débarrassée de la misère, de l’exploitation et des oppressions voie le jour, en expliquant qu’aucune institution, aucune force politique qui s’accommode de la société divisée en classes ne peut être l’alliée de la classe ouvrière pour un tel objectif. D’où notre totale indépendance de la gauche institutionnelle, y compris réformiste, notamment la France insoumise, qui défend un programme compatible avec le maintien du capitalisme. Nous aurions souhaité que cette campagne soit commune à différents courants d’extrême gauche et nous nous étions adressés en ce sens à Lutte ouvrière, qui a décliné notre proposition.
18. Après nous être assurés des moyens financiers nécessaires pour que nos professions de foi parviennent aux 48 millions d’électeurs, notre campagne a mobilisé durant plusieurs mois l’ensemble de l’organisation au niveau national et permis de rendre visibles 81 candidates et candidats, des travailleurs, des travailleuses et des jeunes militants, ainsi qu’un collectif de porte-paroles. Nous nous sommes déployés au-delà de nos sphères géographiques habituelles, avons organisé plusieurs dizaines de meetings et rencontré un élan de sympathie, mesurable également à la réussite de notre campagne financière. Certes, notre score a été très modeste, du fait du nombre très élevé de listes, de difficultés à percer médiatiquement, notamment, mais cet effort collectif, un an et demi après le cinquième congrès du NPA, nous a permis de représenter dans cette échéance électorale la continuité d’un courant politique communiste, révolutionnaire et internationaliste, pour lequel les élections ne changent pas la vie, mais offrent l’occasion de populariser à une échelle bien plus large l’urgence d’en finir avec le capitalisme.
19. Puis il a fallu répondre à l’urgence qu’a imposé la dissolution de l’Assemblée nationale. Malgré les délais express imposés par Macron et l’obstacle financier, il était impossible de passer complètement notre tour, au nom des intérêts généraux des travailleurs, contre le danger de l’extrême droite, contre la porte que lui ouvrait grande Macron, mais aussi contre les illusions semées à nouveau par une gauche institutionnelle qui a toujours gouverné contre les travailleurs. C’est ce que nous avons réussi à faire dans 29 circonscriptions en mettant en avant ces mots d’ordre : « Contre l’extrême droite, par nos luttes et par nos grèves, en finir avec 40 ans de politiques anti-sociales et racistes, de droite comme de gauche ». Partout ailleurs, nous avons appelé à voter pour Lutte ouvrière, ce que notre clip de campagne a relayé largement.
20. Nous avions renouvelé notre proposition faite au moment des Européennes à Lutte ouvrière de nous présenter en commun, cette fois, au vu des délais contraints, sous la forme d’un partage des circonscriptions. À notre regret, LO a encore une fois refusé, mais nous avons contribué à l’existence, de fait, d’un pôle révolutionnaire dans ces élections. Là où nous avions des candidats, nous avons pu organiser des réunions publiques, couvrir les panneaux officiels avec nos affiches, aller à la rencontre de la population sur les marchés, les lieux de travail et proposer à celles et ceux, notamment beaucoup de jeunes, qui s’étaient rapprochés de notre organisation depuis plusieurs mois, de mener campagne à nos côtés, dans une ambiance tendue par la montée de l’extrême droite mais aussi propice aux discussions politiques. Le fait de nous être présentés a renforcé nos capacités de participation et d’intervention, sur nos propres bases politiques, à toutes les mobilisations de rue contre l’extrême droite ou en solidarité avec le peuple palestinien.
21. Les scores de l’extrême gauche ont été faibles, mais essentiels pour que continue à s’exprimer au sein de notre classe la compréhension que, pour en finir avec l’extrême droite et toutes les politiques au service de la bourgeoisie, on ne pourra décidément pas compter sur la gauche de gouvernement. Sa présence aux élections a permis de défendre largement les idées révolutionnaires auprès des travailleurs et des jeunes qui se politisent. Il faudra nous donner les moyens d’être plus largement présents lors des prochaines élections qui risquent d’être anticipées : c’est à cette condition que notre interpellation de Lutte ouvrière pour des candidatures communes, et d’autres courants révolutionnaires qui se donneraient vraiment les moyens de se présenter, pourrait finir par porter ses fruits.
Interventions sur les lieux de travail
22. L’offensive patronale se poursuit et se poursuivra tant que les luttes n’auront pas permis de faire basculer le rapport de force. Les luttes existent, mais elles sont le plus souvent dispersées par secteur, par entreprise, voire par catégorie, par site ou par service. Le mouvement contre la réforme des retraites de 2023 a été le dernier mouvement d’ensemble qui a touché, à des degrés divers, tous les secteurs du monde du travail. Il n’a pas permis, à ce jour, de gagner contre les deux ans supplémentaires. Le fait que tous les partis d’opposition à l’Assemblée revendiquent encore, deux ans après, son abrogation – même s’il s’agit pour eux d’une manœuvre électorale –, est significatif de la profondeur politique de ce mouvement. Les grèves pour les salaires ont été relativement nombreuses en réaction à l’inflation. Elles ont permis de limiter partiellement les pertes de pouvoir d’achat dans le secteur privé et d’obtenir quelques compensations par primes dans le public. Les réactions face à l’intensification de l’exploitation sous forme de réorganisations permanentes, suppressions de postes, restructurations en tous genres sont localisées. La vague de licenciements qui touche particulièrement le secteur automobile, mais aussi bien au-delà, marquera les mois qui viennent.
23. Ces mouvements, partiels ou d’ensemble, ont été, sauf exception, dirigés par des appareils syndicaux. Leur politique de conciliation de classe, corporatiste et nationaliste, renforcée et institutionnalisée par le prétendu « dialogue social », a favorisé l’émiettement des réactions ouvrières. Même le mouvement contre la réforme des retraites, auquel toutes les confédérations ont pourtant appelé, a été savamment séparé des nombreuses grèves en cours pour les salaires. La politique des directions syndicales à la tête du mouvement explique en grande partie la défaite revendicative. Malgré le nombre et la détermination, cette politique a consisté à maintenir la lutte dans le carcan du calendrier parlementaire et à semer des illusions institutionnelles. Sur les salaires hier ou les licenciements aujourd’hui, les appareils syndicaux se gardent bien de tenter d’unifier les luttes, ce qui leur donnerait un caractère politique. Ils jouent leur rôle de « corps intermédiaires » dont la bourgeoisie a besoin pour maintenir la paix sociale, encouragés par les dernières réformes structurelles (représentativité, CSE) qui visent à transformer les élus, toujours moins nombreux, en professionnels de la collaboration de classe.
24. Dans toutes les mobilisations, même embryonnaires, nous avons la préoccupation d’arracher la direction aux appareils syndicaux. Nous mettons en avant chaque fois que c’est possible l’auto-organisation des travailleurs en lutte dans des structures décisionnaires qu’ils peuvent contrôler : comités de mobilisation, assemblées générales, AG interpro, et dès que possible, comités de grève ou coordinations. C’est ce que nous avons tenté, partout où nous militons, dans le mouvement de 2023, et malgré les limites dues au fait que les secteurs en grève reconductible ont été trop peu nombreux, même comparé à 2019. C’est aussi ce que nous tentons dans des mouvements partiels comme les grèves pour les salaires dans le privé, où des camarades ont impulsé des comités de grève – et alors, quel que soit le résultat revendicatif, l’expérience politique des travailleurs qui y participent est décuplée. Dès la phase préparatoire d’une mobilisation, les expériences de regroupement (comme celles que nous menons sur les licenciements, y compris en nous projetant sur des entreprises en lutte où nous ne sommes pas présents à partir de nos implantations) ou de type « comité de mobilisation » ou « AG de secteur en lutte » (comme les « rencontres du travail social ») sont des premiers pas importants. Aux travailleurs de décider de tout, et avant tout de leurs luttes – et aux révolutionnaires de défendre et de faire adopter leur politique dans les structures d’auto-organisation.
25. Ce type d’intervention sur les lieux de travail est un enjeu central pour peser sur la situation dans la mesure de nos moyens. Cette priorité se combine à la préoccupation d’intervenir dans les entreprises avec la même méthode sur tous les thèmes directement politiques comme la lutte contre le sexisme, le racisme, les luttes écologiques, l’accès à l’éducation ou pour la Palestine (par exemple avec « Soignants pour Gaza »). Pour mener ces interventions dans les combats de classe au sens large, nous devons développer notre implantation, c’est-à-dire nous donner comme priorité de construire des groupes de militants communistes sur les lieux de travail. Ces groupes doivent se doter de moyens d’expression propres directement politiques – comme une presse d’entreprise sous forme de bulletin du NPA-R. Nous militons systématiquement dans les syndicats et nous y défendons les idées de lutte de classe et de démocratie ouvrière par opposition au piège du « dialogue social ». Nous cherchons à y prendre les responsabilités qui correspondent au poids de nos idées et de nos militants, avec la préoccupation de ne pas céder aux logiques d’appareil. Avec la préoccupation dans toutes les luttes de ne pas les limiter au cadre syndical, mais de faire en sorte qu’elles soient l’affaire de toutes et tous, dirigées par les travailleurs en lutte eux-mêmes (assemblées générales, comités de grève…) Toutes nos interventions visent à populariser les points d’un programme revendicatif combatif et la perspective d’une riposte d’ensemble, d’une grève générale, d’un pouvoir des travailleurs sur leurs luttes, avant-goût de leur pouvoir sur toute la société.
Textes des plateformes
- Plateforme 1 : Pour un monde sans frontières ni patrons, urgence révolution ! Construire le NPA-R comme outil pour un pôle des révolutionnaires
- Texte 1 – International
- Texte 2 – Situation intérieure : Crise des institutions politiques de la bourgeoisie, offensive du monde patronal, mobilisations sociales et politiques et intervention des révolutionnaires
- Texte 3 — Prendre appui sur ce que nous sommes déjà, pour construire le parti que nous voulons
- Plateforme 2
- Plateforme 3