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Portugal : forte poussée de l’extrême droite

Dans un contexte d’inflation, de grèves et une grave crise du logement – les loyers ont littéralement explosé – les élections législatives du 18 mai 2025 ont été marquées par une progression du parti d’extrême droite Chega.

Fort de ses 22,5 % (contre 7,3 % en 2022 et 18,8 % en 2023), ce parti créé en 2019 par Ventura, un commentateur télé qui roulait pour le parti de centre droit PSD, est en passe de devenir la première force d’opposition, dépassant peut-être le Parti socialiste (23,3 %), une fois les votes de la diaspora portugaise additionnés au résultat final.

En trois ans, le président de droite Marcelo Rebelo de Sousa a dissous trois fois l’Assemblée. Le PS d’Antonio Costa, englué dans des scandales de corruption, confronté à une grève dans l’éducation, avait perdu les législatives anticipées de mars 2024 au profit de la coalition AD du centre droit.

Le Premier ministre de cette coalition, Luís Montenegro, a été mis en cause dans une affaire de conflit d’intérêts impliquant l’entreprise familiale qu’il dirigeait avant d’être élu. Cela ne l’a pourtant pas empêché d’être réélu (l’AD a obtenu 32,7 % des voix), tant le mécontentement contre la gauche affairiste au pouvoir a déçu les milieux populaires.

La gauche discréditée

Les principaux partis de la gauche, Parti communiste (PCP) et Bloc de gauche (BE) ont aussi vu leurs résultats dégringoler ces dernières années – surtout le BE, tombé à 2 % avec un seul député, contre dix-neuf en 2015. Ces partis ont été, depuis 2015, un soutien, de moins en moins affiché mais réel, aux gouvernements socialistes qui se sont attaqués au secteur de la santé, aux enseignants et même aux dockers qui avaient mené une grève importante en 2018. La dernière grève d’ampleur qui a mobilisé des dizaines de milliers de personnes, dans l’Éducation nationale, a été déclarée illégale par le gouvernement PS.

Parti de l’ordre et de l’eau bénite

Le vote pour l’extrême droite, qui a bien entamé les milieux populaires, les banlieues ouvrières et les campagnes du sud du pays malgré son credo pro-patronal, est l’expression d’un ras-le-bol. La démagogie dite populiste fait illusion comme ailleurs : Ventura a fait campagne contre les élites corrompues, contre l’immigration ou la petite minorité tzigane, promettant de « nettoyer » le Portugal et de laisser les policiers tirer et tuer pour dissuader la délinquance. Il a fait son show télé avec force crucifix sortis sur les plateaux et des envolées nationalistes. Avec plus de 1,34 million de voix et dix députés supplémentaires, il espère gagner des mairies à l’automne 2025 et imposer ses thèmes, comme l’expulsion des immigrés en situation irrégulière, même s’il ne gouverne pas avec l’AD.

Mécontentement et grèves

Ce deuxième gouvernement Montenegro est confronté à des mouvements sur les salaires qui touchent aussi bien les cheminots et les transports urbains – pendant la campagne, une grève très suivie a paralysé la compagnie des chemins de fer pendant une semaine –, que le secteur agroalimentaire. Les salariés de Sumol Compal demandent 1 000 euros de salaire minimum, car il n’est plus possible de vivre avec un Smic à 870 euros brut. Fin mai, il est prévu que les salariés de Heineken s’y mettent aussi.

Ils ont tout à gagner à se mobiliser contre le patronat, rien à attendre et tout à craindre des démagogues d’extrême droite, dont certains, comme le parti Ergue-te ! (Soulève-toi !), parlent déjà de supprimer le droit de grève.

Anne Hansen