Samedi 8 novembre, des dizaines de milliers de salariés et fonctionnaires ont manifesté à Lisbonne contre un projet de loi travail dont les 100 mesures répondent à la volonté du patronat de précariser, sous-payer, licencier encore plus facilement les travailleurs.
Le gouvernement de Luís Montenegro, Premier ministre du PSD (droite libérale), a annoncé en août qu’une nouvelle loi travail était mise en discussion entre patronat et syndicats. La CGTP (proche du Parti communiste) et l’UGT (proche du Parti socialiste) ainsi que d’autres syndicats de l’enseignement, de la santé, ont appelé à la grève le 8 novembre le secteur public et le privé, organisant des défilés séparés jusqu’à la jonction en fin de manifestation place des Restauradores, à Lisbonne. C’est le retrait du projet de loi ou bien sa renégociation qui sont exigés selon les syndicats, la CGTP et l’UGT appelant à la grève générale le 11 décembre 2025, ce qui n’était pas arrivé depuis 2013.
Dans un pays où, sur les 5,6 millions d’actifs, 890 000 sont au salaire minimum, la moitié à moins de 940 euros par mois et 1,3 million en contrat précaire (dont la moitié de jeunes) et où le nombre de travailleurs pauvres est estimé à deux millions, cette loi de « modernisation » du travail en faveur du patronat est une régression de plus. L’inflation et le manque de logements abordables ont fait exploser la pauvreté, à Lisbonne les bidonvilles se multiplient (une trentaine ont poussé dernièrement).
Que dit ce projet ? Le recours aux contrats précaires devrait être facilité, certains pouvant aller jusqu’à cinq ans, tous les secteurs pourraient faire appel à des contrats très courts, comme la restauration ou l’agriculture actuellement, les entreprises pourraient faire appel à la sous-traitance pour des services où il y aurait eu des licenciements individuels ou collectifs, les entreprises de moins de 250 salariés pourraient licencier sans fournir aucune preuve de faute (ce qui avait déjà été tenté par un gouvernement socialiste en 2009). Un système de « banque d’heures » pourrait obliger les travailleurs à la flexibilité des horaires, à travailler jusqu’à 50 heures par semaine – avec le même salaire bien sûr – dans la limite de 150 heures l’année. D’autre part, le gouvernement voudrait élargir le service minimum en cas de grève à des secteurs supplémentaires (et il y en a déjà beaucoup où le droit de grève est limité) et contourner les contrats collectifs négociés avec les syndicats au moyen de référendums internes à l’entreprise, ce qui en l’absence d’un rapport de force en faveur des salariés se solde par des chantages et des reculs pour ces derniers.
Cette loi travail viendrait en fait légaliser des pratiques déjà en cours par un patronat qui se sent les mains libres pour payer des salaires de misère et traiter les travailleurs comme des kleenex. Même dans la fonction publique, les enseignants censés être aux 35 heures font en fait en moyenne 42 heures par semaine et font grève depuis des années pour des embauches et des augmentations de salaire.
Le gouvernement n’est pas pressé, car il attend l’élection présidentielle de janvier 2026, mais il sait d’ores et déjà qu’il bénéficiera des votes du parti d’extrême droite Chega à l’Assemblée. Celui-ci tape sur les travailleurs immigrés, surexploités mais accusés de tous les maux et défend le grand patronat au nom de la « valeur travail » exactement comme en France.
Les travailleurs ont tout intérêt à participer à la grève générale du 11 décembre, si l’appel est maintenu par des centrales syndicales très timorées, mais ils ont surtout intérêt à s’organiser pour les déborder.
Anne Hansen
