Quatre heures, c’est le temps qu’il aura fallu attendre après les feux d’artifice de la nouvelle année pour que survienne le premier féminicide de 2025, le genre de record dont on se passerait bien…
Isabelle a été tuée par son compagnon dans la nuit du 31 décembre. Son conjoint, qui l’a rouée de coups jusqu’à sa mort, a déclaré « avoir fait une bêtise »1. Or, si on parle de féminicide, c’est justement parce que ce n’est pas un « accident isolé », encore moins une « bêtise », mais bien un acte qui s’inscrit dans le cadre des violences intrafamiliales, au cœur même du fonctionnement « normal » du patriarcat. Au sein du foyer, les femmes, parfois les enfants, sont soumis à la violence de la part du conjoint ou ex-compagnon.
Quand le foyer devient le premier lieu des violences sexistes
La famille, dans cette société capitaliste, est aussi un lieu de reproduction de tous les schémas inégalitaires de la société, par l’apprentissage de la soumission, qui peut s’imposer par la violence et par la peur. Cette violence, physique ou verbale, est rendue possible et est exacerbée par les inégalités économiques et les conditions matérielles des femmes (emplois à temps partiel, salaires inférieurs) qui, même quand elles sont en mesure de quitter un conjoint qui devient oppressant voire menaçant, ne le décident qu’en toute extrémité. Lorsque les victimes ont des enfants s’ajoute souvent une précarité plus forte, la crainte de ne pas pouvoir leur offrir un logement décent et un cadre qu’elles auraient espéré épanouissant en quittant le foyer familial. Enfin, la peur, quand elles subissent menaces ou violences, que celles-ci se reportent sur leurs enfants sans leur surveillance, puisque la justice bourgeoise accorde des droits sur les enfants aux pères, même violents.
Porter plainte ? Bien sûr, mais la justice et la police sont elles-mêmes complices !
L’État continue de pleurer des larmes de crocodile sur les victimes de féminicides et de violences conjugales, comme à l’occasion de la journée contre les violences sexistes et sexuelles le 25 novembre dernier, ou de la fin du procès Pelicot. La réponse est toujours la même : portez plainte ! Alors même qu’il s’agit d’un parcours coûteux2, long et éprouvant, ne débouchant la plupart du temps sur rien3 et qu’aucun dispositif sérieux d’accueil des victimes après la plainte n’existe… Dans tous les cas, on n’agit qu’une fois que le mal est fait.
Pire encore, la police avait, dans ce cas, bien enregistré une main courante quelques mois plus tôt… du conjoint d’Isabelle, qui « soupçonnait sa femme d’adultère »4. Un moyen abject de faire reposer sur la victime la responsabilité des violences qu’elle subissait. Cette main courante aurait pu alerter sur le danger que le conjoint n’en resterait pas là, mais, quand on sait que 240 000 victimes de violences conjugales ont été recensées par la police en 20225, avec la réussite qu’on connaît, c’est une preuve supplémentaire qu’il est totalement inutile de compter sur la police bourgeoise pour régler quoi que ce soit.
C’est toute cette société inégalitaire qu’il faut changer
Ces violences continuent d’exister, et semblent même en augmentation, avec plus 10 % de victimes de violences conjugales soit 270 000 entre 2022 et 20236 (même si les chiffres sont toujours difficiles à évaluer compte tenu de la pression au silence sur les victimes). La cellule familiale, le mariage, le couple, tout ce qui sert aussi dans la société bourgeoise à la reproduction de l’ordre social et de ses oppressions, à la transmission de l’héritage, placent les femmes au cœur même des violences qui s’exercent contre elles dans l’ensemble du corps social.
Aurore Berger, maintenant ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, s’est exprimée sur l’affaire en disant « ce qui compte […] c’est de comprendre comment cela a été rendu possible dans notre société »7. Mais elle est la première à parler de « réarmement démographique »8, enfermant les femmes dans ce foyer qui pourtant peut leur être fatal. Quelle bande d’hypocrites ! Après le volet « Patrie » qui vante les mérites de la Marseillaise dans les salles de cours, le volet « Travail » avec la mise au pas des chômeurs, du RSA et des retraites, voilà donc le volet « Famille » ! Il est grand temps de renvoyer dans les poubelles de l’histoire ces jeunes-vieux réacs macronistes et toute leur société capitaliste et patriarcale qui exploite et nourrit son cortège d’oppressions !
Andréa Clau
1 https://www.liberation.fr/societe/police-justice/le-premier-feminicide-de-lannee-a-eu-lieu-le-1er-janvier-2025-dans-le-nord-20250103_SSEAW7EMARGMLECQLWUVCCTKRI/#:~:text=Elle%20s%27appelait%20Isabelle.,victime%20de%20féminicide%20de%202025.
2 https://fondationdesfemmes.org/fdf-content/uploads/2022/11/FDF-rapport-cout-justice-web-final.pdf
3 https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/valenciennes/violences-faites-aux-femmes-80-de-classements-sans-suite-les-precautions-a-prendre-pour-sortir-de-cet-engrenage-2885831.html
4 https://www.nouvelobs.com/justice/20250103.OBS98585/premier-feminicide-de-l-annee-dans-le-nord-l-epoux-mis-en-examen-et-place-en-detention-provisoire.html
5 Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes – Mars 2024
6 https://www.vie-publique.fr/en-bref/296048-violences-conjugales-271-000-victimes-en-2023-en-hausse-de-10
7 https://www.liberation.fr/societe/police-justice/le-premier-feminicide-de-lannee-a-eu-lieu-le-1er-janvier-2025-dans-le-nord-20250103_SSEAW7EMARGMLECQLWUVCCTKRI/#:~:text=Elle%20s%27appelait%20Isabelle.,victime%20de%20féminicide%20de%202025.
8 https://rmc.bfmtv.com/actualites/societe/sante/rearmement-demographique-quelles-sont-les-pistes-du-gouvernement_AV-202401220452.html