Nos vies valent plus que leurs profits

Quand Laurent Wauquiez renoue avec la longue tradition française des camps d’internement

Dans la course à la présidence des Républicains, la rivalité entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau fait rage. Difficile de distinguer leurs propositions tant elles se ressemblent, chacun cherchant à se montrer plus ferme, plus autoritaire et plus radical que l’autre. C’est dans ce contexte que Wauquiez a proposé, lors d’un entretien accordé au JDNews, une mesure choc : enfermer les étrangers « dangeureux » sous OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Déjà en 1939

Dès 1939, face à l’arrivée des réfugiés républicains de la guerre civile espagnole, l’État français a installé des camps de fortune dans le sud du pays. Cela fait suite à des décrets-lois promulgués à partir du 2 mai 1938 qui prévoient l’internement des « indésirables étrangers », pris par Édouard Daladier, président du Conseil en avril 1938 et successeur de Léon Blum dans le cadre du Front populaire. D’abord hostile à l’accueil des réfugiés d’Espagne, le gouvernement fut forcé de réagir quand des milliers de républicains franchirent les Pyrénées à la recherche d’un asile en France. À Agde, par exemple, un camp prévu pour 2 000 personnes finit par en accueillir plus de 80 000. Les conditions y étaient inhumaines. Entre surpopulation extrême et absence d’installations sanitaires, sans eau courante, c’est dans un véritable enfer que vécurent les réfugiés. Il faudra plus d’un mois pour installer des robinets d’eau. Quant aux abris, ils étaient construits par les internés eux-mêmes, avec des branchages trouvés sur place. Dès novembre 1939, donc avant le régime de Vichy instauré le 22 juin 1940, ces camps servirent également à interner des réfugiés Juifs allemands et des militants politiques d’Europe de l’Est.

Et après la guerre d’Algérie

En 1962, après la guerre d’Algérie, une partie des supplétifs algériens de l’armée française (les plus connus étant les harkis) furent rapatriés en métropole avec leur famille. Mais, contrairement aux « rapatriés européens » d’Algérie, les harkis sont enfermés, entassés dans des camps militarisés, parfois pendant des années. Là aussi, conditions indignes, isolement, surveillance : une politique raciste à peine déguisée. Des révoltes éclatèrent dans certains de ces camps, comme à Bias en 1975 ou à Saint-Maurice-l’Ardoise, portées par les jeunes qui y ont grandi. Elles forcèrent l’État à fermer ces structures, par crainte d’un soulèvement général.

Exiler ceux qui sont jugés indésirables par l’État loin des regards, dans des lieux fermés, sous contrôle policier ou militaire, ce n’est pas nouveau. Reste à voir comment Bruno Retailleau répondra à son rival. La Terre Adélie ou peut-être la lune pour les OQTF ?

Fred Ambrau