Plusieurs joueurs ont à nouveau manifesté une homophobie crasse en refusant de participer au match lors de la dernière journée du Championnat de France de Ligue 1. Ce sont les joueurs musulmans, ou supposés tels, qui ont été la cible des « débats » récurrents sur la question, dans les émissions sportives et au-delà. Pourtant, dans le même registre, Nemanja Matić, milieu serbe de l’Olympique lyonnais, a mis un sparadrap sur le drapeau LGBT qui met à l’honneur la lutte contre l’homophobie… Mostafa Mohamed, quant à lui, attaquant égyptien du FC Nantes, qui refuse de jouer depuis déjà trois ans lors de cette manifestation, est sanctionné financièrement par son club, qui reverse l’amende à des associations de lutte contre l’homophobie.
Il n’en fallait pas plus pour que les émissions s’en donnent à cœur joie. Qui plus est par des chroniqueurs qui, le reste de l’année, ne brillent pas par leur bienveillance à l’endroit des opprimés. Pas besoin pourtant de grands débats théologiques pour mesurer que toutes les religions sont par essence homophobes. Elles se mettent systématiquement à distance de tous les progrès produits par la lutte des homosexuels pour faire valoir leurs droits : notamment le droit de pratiquer des sports collectifs sans avoir à dissimuler son orientation sexuelle. Les footballeurs ayant fait leur coming out se comptent à peine sur les doigts des deux mains. Justin Fashanu, attaquant anglais et international espoir, s’est suicidé à 37 ans, huit ans après avoir, le premier, révélé son homosexualité dans les années 1990. Ce qui lui avait valu d’intenses campagnes homophobes jusque parmi ses coéquipiers. Olivier Rouyer, ailier de Nancy où il jouait avec Michel Platini, a attendu patiemment quelques années après la fin de sa carrière pour faire son coming out. Seul international en activité ayant révélé son homosexualité en 2023, le milieu tchèque de Cagliari, Jakub Jankto, montre la voie.
Le très faible nombre d’exemples montre que, dans le sport de haut niveau comme dans beaucoup de milieux, il est bien difficile de faire accepter son homosexualité. Les valeurs virilistes homophobes diffusées par les sports les plus populaires n’y sont évidemment pas pour rien, et l’esprit de vestiaire n’est jamais loin de l’esprit de caserne.
Au vu des moyens colossaux dont ils disposent (s’agissant du football, qui ferait forcément tache d’huile), les grands clubs pourraient organiser, dès le plus jeune âge des futurs footballeurs, des campagnes pédagogiques d’ampleur de lutte contre l’homophobie. Pour que cesse définitivement la chimère selon laquelle il n’y aurait pas d’homosexuels dans le football, le rugby, etc. Ces campagnes seraient beaucoup plus utiles que l’apprentissage hors football dispensé par les centres de formation, comme les séances média-training (à l’origine des réponses stéréotypées de fin de match) et autres études des contrats ! Au lieu de ça, on laisse aux associations courageuses, mais aux moyens limités, le soin de sensibiliser les jeunes footballeurs aux dangers de l’homophobie et on fait arborer une fois par an les couleurs arc-en-ciel aux joueurs professionnels : difficile de mieux illustrer le pinkwashing ! Pendant ce temps-là, l’homophobie (mais aussi, dans les tribunes, le racisme et le sexisme) continue de gangréner le monde du sport, des vestiaires les plus modestes aux plus prestigieux.
Philippe Cavéglia