Slogan clair et net, en version longue : 300 euros de plus par mois pour tous, sur le salaire et pas en prime. Variante : 300 euros ou pas de JO. Repris par plus de deux cents travailleurs de la RATP au matin du 4 avril, jour de grève, dans un rassemblement devant le siège de la régie à Paris. Castex, le PDG ancien Premier ministre qui se présente comme un champion du dialogue social, avait appelé à la rescousse gendarmes et CRS qui bloquaient l’entrée du hall. Une centaine de jeunes embauchés, présents en tenue de travail pour leur première grève, la plupart non syndiqués, ont déployé leur banderole face au barrage policier.
La division c’est l’arme des patrons : à travail égal, salaire égal !
Ces « jeunes agents », embauchés en 2023 et tout juste « commissionnés » ou titularisés, donnaient le ton. Ils dénoncent la double grille de salaire, instaurée par un accord imposé par Castex et signé par FO et l’Unsa le 1er janvier 2023. Deux volets dans cet accord scélérat : le bâton avec six jours de congés en moins, une augmentation du temps de travail dans une journée de service, une réduction du délai de prévenance de changement de planning, etc. Une sévère dégradation des conditions de travail, justifiée au prétexte de la préparation à l’ouverture à la concurrence dès le 1er janvier 2025. Prétexte, car ce genre de reculs fait peser tous les coûts de la concurrence exclusivement sur les travailleurs ! Et la carotte, comme maigre compensation aux reculs sociaux imposés : 300 euros de plus par mois sur le salaire pour tous les conducteurs de bus… sauf ceux embauchés après le 1er janvier 2023. L’instauration d’un système à deux vitesses, avec deux grilles de salaires, sur le modèle des usines automobile aux États-Unis.
À la veille de la réforme des retraites, le passage en catimini de cet accord pendant les fêtes, avec la signature scélérate de deux organisations syndicales majoritaires, avait désarmé la combattivité des travailleurs de la RATP. Mais un an après, les jeunes agents embauchés en 2023 sont désormais titulaires, ils ont pris la rage et la confiance pour exiger leur dû : à travail égal, salaire égal !
Jeunes et anciens : unis pour les salaires et les conditions de travail
Cette organisation des jeunes embauchés se fait à la base, dans des groupes WhatsApp qui réunissent plusieurs dizaines dans chaque dépôt, par la signature d’une pétition soutenue par la CGT, par des tournées sur les terminus des bus pour discuter avec les collègues, tournées prises en main par des syndiqués comme des non syndiqués. Cette irruption des jeunes qui militent pour leur mouvement est un signe de profondeur et d’explosivité : les suites se préparent.
Et les discussions se précisent sur les revendications. « À travail égal, salaire égal », ça veut dire aller chercher la grille unique, alignée vers le haut. Mais ça ne signifie pas accepter les conditions de travail dégradées qui sont imposées à tous : les revendications émergent aussi sur les congés, plannings, durée et intensité du travail.
La même grille pour tous, c’est l’objectif immédiat et incontournable, et ce n’est pas contradictoire, bien au contraire, avec les revendications communes de tous les travailleurs de la RATP qui exigent aussi 300 euros par mois pour rattraper l’inflation. Les ouvriers des ateliers étaient présents le 4 avril après des mois de mobilisation sur cette revendication. Une seule grille de salaire, alignée vers le haut et augmentée de 300 euros : pour que nos salaires suivent les prix !
Une AG inter-dépôt est appelée le 25 avril par les équipes de jeunes embauchés soutenues par la CGT, pour réunir jeunes et anciens, syndiqués et non syndiqués et décider des suites. Des tournées de terminus ont commencé. Dans un contexte pré-JO favorable aux salariés des transports (et au-delà), ce mouvement dynamique pourrait bien donner des idées à des travailleurs d’autres entreprises (SNCF, Transdev, Keolis).
Correspondants